I - Προφητεία (partie 2)

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Ses paupières tremblèrent le lendemain, peu avant l'aube. Il finit par s'éveiller, couché sur un lit au matelas plutôt dur, trois couvertures chaudes et épaisses formant un cocon sur son corps intégralement nu. Il se redressa lentement, et fut subitement touché d'une cuisante douleur aux côtes. Il grimaça légèrement et tâta la source de ses maux pour frotter un bandage qui avait été appliqué avec minutie. Pas une trace de sang ne figurait, ce qui indiquait soit qu'on venait de le lui changer, soit qu'il s'agissait d'un hématome de plus.

Il regarda autour de lui pour s'orienter, mais il ne reconnut pas le lieu. C'était une chambre exiguë, parsemée çà et là de bougies enflammées accrochées au mur, offrant la seule lumière dans la pièce. Il se leva, observa au préalable si d'autres blessures meurtrissaient son corps – il avait mal partout ! Il massa son visage et son crâne, mais ne nota rien d'alarmant hormis une modeste bosse au front qui le fit râler lorsque ses doigts l'effleurèrent doucement. La blessure qui semblait la plus pernicieuse avait déjà été traitée.

Repérant un sous-vêtement brun, un chiton (Ψ) blanc à manches courtes et des sandales de cuir sur l'unique chaise de la pièce, il marcha jusqu'à eux en tentant de garder un équilibre plus ou moins précaire. Raideurs et courbatures se manifestèrent, notamment dans ses cuisses, mais rien qui ne l'empêcha d'avancer ou qui ne l'étourdit. Avec une certaine lenteur, il enfila les vêtements et les sandales, puis sortit de la chambre avec prudence en ouvrant la porte qui émit un grincement. Il déboucha dans un petit couloir, au bout duquel sourdait la mélopée caractéristique et réconfortante d'un feu crépitant au bout. Il se dirigea sans attendre vers la source de chaleur, ressentant déjà la bienveillance promise du foyer craquant.

En pénétrant dans la nouvelle pièce, il découvrit une jeune femme agenouillée devant le monticule de bois enflammé dans l'âtre. Lorsque son pied fit craquer une latte de bois, elle se retourna subitement.

— Grâce en soit rendue aux Bienheureux, tu es réveillé ! s'exclama-t-elle tout sourire.

Son visage, doux et fin, était flamboyant de bonté et de gentillesse, ses iris d'un bleu-vert indescriptible contrastant avec sa peau de lys. Elle brillait de bonheur à sustenter ainsi le nourrisson à son sein gauche découvert. Elle était également vêtue d'un chiton, mais à manches longues, comme l'exigeait la tradition dans le bourg, qui laissait néanmoins la moitié de son dos nue. Ses cheveux bruns cascadaient jusqu'à ses maigres et frêles épaules. Autant par la ciselure visible de ses clavicules que ses traits tirés, il ne faisait aucun doute qu'elle souffrait de malnutrition. Avec ce sourire franc, on ne pouvait que ressentir de la commisération à son égard, car comment les dieux osaient-ils laisser une telle femme dans cet état cachectique, qui plus est devant allaiter un enfant ? Peut-être faisait-elle également appel à une matrone pour prodiguer au bébé le bon lait dont il avait besoin ?

Le garçon, dont le crâne résonnait comme un tambour au lendemain d'une cérémonie où le vin miellé et âcre aurait coulé à flots, sut à la seconde même où il la scruta qu'elle était une amie. Il observa le bébé qui posait ses minuscules mains sur la poitrine et fermait les yeux en tétant de plaisir. Par moments, les petits bruits gutturaux qu'il émettait se mêlaient au craquellement du bois dans le bûcher du foyer. L'instant était presque... apaisant.

— Où suis-je ? s'enquit le jeune homme.

— Dans ma modeste demeure, répondit la mère. Sois le bienvenu, mon ami. Je t'ai retrouvé inconscient au pas de ma porte, transi de froid. Je t'ai immédiatement alité et placé sous des couvertures pour te réchauffer. J'ai également soigné la vilaine ecchymose que tu avais aux côtes avec une concoction de mes quelques connaissances en botanique.

Le garçon suivit son doigt qui pointait une table de bois dans le coin gauche de la pièce, sur laquelle reposait un bol rempli de restes d'herbes médicinales et d'un pilon au bout verdâtre.

— Le dieu de la Médecine t'a, semble-t-il, loué ses faveurs ! Je n'ai certes point ses connaissances, mais je pense que cela devrait suffire à atténuer la douleur. Il n'y paraîtra plus rien d'ici quelques jours. Si les douleurs persistent, j'appliquerai de nouveau le cataplasme.

— Je vous remercie de tous vos soins. Vous n'y étiez pour rien obligée. Ma gratitude vous est éternelle.

Il se morfondit dans le silence durant un instant, avant de prendre une grande inspiration, tout en observant le reste de la pièce.

Celle-ci semblait à peine plus grande que la chambre où elle l'avait alité, foncièrement sombre, obscurité seulement trahie par le feu dans l'âtre, en plus des quelques chandelles qui brûlaient aux murs. Il n'y avait que peu de mobiliers, tout au plus la table, deux chaises, deux coussins rembourrés devant le foyer et une bibliothèque dans le fond qu'il ne parvenait guère à bien distinguer, même en plissant les yeux – il n'avait pourtant aucun problème de vue, mais ce n'était sans nul doute qu'un stigmate de la veille. Qu'importe. Il remarqua également que des lattes de bois étaient arrachées par endroits, où l'air glacial s'engouffrait alors en sifflant tel un serpent affamé. Il ne fit aucun doute au garçon que la bâtisse était un autre reflet de la pauvreté de sa bienfaitrice.

— Vous n'avez vu personne me mener ici ? Je n'y suis certainement pas parvenu seul.

— Non, personne, répondit-elle en fronçant les sourcils, se focalisant sur son invité.

Elle se dit qu'il ne devait guère avoir plus de dix-huit ans, encore trop jeune pour devenir soldat mais prêt à suivre l'éphébie (Ψ). Ses courts cheveux châtains, lesquels devaient certainement bien dorer au soleil d'été, étaient fourrés d'épis, et la beauté de son visage recouvert d'un léger duvet au menton était soulignée par la turquoise de ses iris. Son corps, relativement musclé pour un apprenti-soldat, marquait une allure sportive et soignée. Il ferait sûrement un fier hoplite(Ψ)une fois sa formation terminée.

— Combien de temps ai-je dormi ? demanda-t-il.

Sa bienfaitrice sembla réfléchir.

— Eh bien, j'ai veillé sur toi toute la nuit. Le Char Solaire ne va pas tarder à débuter sa course dans les cieux. Mais par tous les dieux, que t'est-il donc arrivé, mon ami ?

L'éphèbe (Ψ)l'est-il seulement ? – se remémora les derniers événements qui purent ressurgir précisément. C'étaient justement les dieux qui l'avaient échoué dans cette situation. Il se rappela le visage de sa sœur terrorisée, ses larmes et ses cris, et la lumière verte flamboyante l'emportant définitivement. Puis le froid, la solitude, la douleur... Tout avait été si rapide ! Il n'avait rien pu faire, impuissant face aux desseins divins. Il ne put empêcher une larme de couler le long de sa joue, éloquente de son malheur et de la tragédie qu'il souffrait. Il conta tout à son hôtesse, difficilement et hoquetant, sans quelque pudeur. Elle porta une main à son cœur, attristée et compatissante.

— Et m'est finalement apparue cette femme aux yeux luisant dans la nuit. Elle ne semblait pas mortelle ; même ses deux mots, « pardonne-moi », n'étaient pas prononcés d'un ton... simplement humain. Était-ce... une déesse ?

— Je ne saurais le dire, concéda la mère en haussant les épaules, presque avec indifférence. Peut-être est-ce elle qui t'a mené jusqu'à moi, afin que je prenne soin de toi, en compensation des...

— Pourquoi les dieux auraient-ils pris la peine d'épargner un voleur et mendiant de ma sorte, après m'avoir dérobé Callia ?! la coupa-t-il sèchement.

Sa bienfaitrice le regarda dans le fond des yeux, attendrie. Elle comprenait parfaitement la rancœur et la tristesse de son invité.

— Allons, mon ami. Je refuse que tu te réduises simplement à cela. Chaque être en ce monde possède une place propre, qu'il soit pauvre, évergète (Ψ) ou coupable d'un quelconque déshonneur envers les Bienheureux ou ses confrères mortels. Je ne peux te laisser dire une telle chose. S'il s'agissait bien d'une déesse, alors c'est que tu es bien plus important que tu ne le crois.


(suite du chapitre 1 en suivant...)

Kháos, tome I : Le Parjure de l'Olympe [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant