ΔΙ - Βορέας (partie 6)

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Daímôn fut immédiatement la proie des pouvoirs complémentaires du dieu de l'Hiver et de sa fille.

Il avait tenté d'invoquer Phúlax, mais Borée et Chioné ne lui en laissaient jamais l'occasion en focalisant tout son esprit sur leurs attaques incessantes. Pis, il n'arrivait pas à communiquer avec lui, et le Dragon semblait incapable de s'extraire de l'Omphalόs de lui-même. La panique s'accrut irrémédiablement.

— Nous connaissons ton pouvoir ! dit Borée. Nous connaissons tes armes ! Tu ne pourras l'invoquer ici !

Comment pouvait-il savoir ? Qui le lui avait dit ? Héphaïstos ? Pandore ? Hécate ? Aphrodite ? Ou même Athéna ? Un traître parmi ceux qu'il considérait comme ses alliés, voire ses amis ?

Il se fendit pour pourfendre Chioné, mais celle-ci disparut derechef dans un nuage floconneux. Elle réapparut plus loin et anima un vent glacial qui balaya Daímôn. Rapide, il se dégagea de l'étreinte glaçante et envoya une boule de feu qui la percuta de plein fouet, lui arrachant un cri de douleur derrière la détonation. Elle tomba et ne se releva pas. Il put ainsi pleinement prendre à parti Borée.

— Comment oses-tu invoquer le Feu Premier en ma présence, en ma demeure, t'en prendre ainsi à ma fille ? tempêta Borée.

Daímôn se délesta des armes d'Éros, se lança à la rencontre du dieu félon et échangea les premiers coups de lame. Borée était indéniablement un fin bretteur, de ceux dont l'escrime semblait innée. Il frappait toujours avec minutie, précision, parait parfaitement les diverses bottes de Daímôn. Était-il même meilleur qu'Athéna ? Ou bien était-ce l'épaisseur de l'himation de Daímôn qui lui permettait de le surpasser ?

La semelle de son cothurne gauche glissa sur le sol verglacé. Borée en profita et flanqua un magistral coup de poing dans la mâchoire de son adversaire. Le sang bleuté coula des lèvres de Daímôn qui, dans un accès de rage, enflamma Díkê. La lame de Borée résista à la pyrokinésie. Les étincelles virevoltèrent follement à chaque estoc. Daímôn, en dernier recours, matérialisa une langue de flammes sur le dieu du Froid qui l'annihila d'un aquilon fulgurant. Le souffle fondit sur Daímôn et le repoussa.

Cet instant de surprise lui fut fatal !

Borée s'approcha trop vélocement pour son apparente bedaine et contraignit Daímôn à reculer contre le mur arrondi. Le Primordial savait fort bien que le dieu de l'Hiver escomptait le bloquer, mais il ne parvenait pas à se dégager. Plus vite encore qu'il ne l'eût cru, son dos rencontra la surface froide.

Il tenta de dégager de nouvelles flammes avec ses mains, mais Borée les lui saisit et les gela. La peau se teinta d'un bleu très clair et devint aussi dure que de la roche. Díkê tomba. Daímôn, pétrifié et désarmé, fut soumis à une atroce douleur. Borée l'attrapa par le col et le jeta.

L'ennemi s'approcha, rengaina son épée. Chioné se matérialisa à côté de son père et s'apprêta à broyer de ses pieds le visage de Daímôn. Sa tunique était noircie de suie, ses cheveux blancs en pagaille exhalaient le brûlé.

— Doucement ! l'arrêta son père d'un geste. Ne le tuons pas. Je le veux dans ma collection, le temps que Zeus vienne quérir son dû. Je demanderai à l'un de nos sculpteurs de reproduire son effigie dans la glace. Oh, il sera la pièce maîtresse de ma galerie !

— Et s'il s'enfuit ? gronda Chioné.

— Alors nous le rattraperons et nous le tuerons. Nous n'aurons guère le choix. C'est au péril de nos vies, après tout. Zeus comprendra et fera preuve de mansuétude.

— Il a failli me tuer ! s'offusqua Chioné. Nous devrions l'éliminer immédiatement !

— Vous n'y parviendrez jamais ! s'enhardit Daímôn.

La déesse de la Neige voulut le frapper, mais Borée la devança et cogna Daímôn de ses poings. L'ichor coula cette fois-ci de son nez.

Chioné se détendit, sourit devant la douleur manifeste de Daímôn et siffla. Son appel résonna dans tout le palais.

Apparurent rapidement deux jeunes hommes pourvus d'ailes blanches comme celles d'Éros. Ils se ressemblaient comme deux gouttes, l'un légèrement plus grand et barbu que l'autre, et portaient tous deux un fin chiton blanc et des sandales de cuir. Les yeux bleus pétillants, les cheveux aussi blancs que ceux de Chioné, les muscles finement dessinés, les deux héros respiraient la jeunesse éternelle. Ils tenaient chacun dans une main une extrémité de la canne de Borée.

— Daímôn, je te présente Zétès et Calaïs, les Boréades (Ξ), fit le roi de l'Arctique. Ils seront tes geôliers.

Daímôn baissa les yeux d'impuissance. Sa quête pour sauver Éros et le venger était un cuisant échec.

Borée se saisit de la canne et la déboucha à son extrémité. La fine aiguille de glace, pas plus longue qu'un auriculaire, menaça.

— Tu feras un beau modèle grandeur nature ! s'enjoua Borée. Il est dommage que je ne puisse te garder pour moi. Tant pis, peut-être pourrai-je me contenter de ton frère.

» Prenez-lui ses armes. Et ramassez son épée. J'aurais au moins la satisfaction de les posséder pour moi seul !

Le sadique sourire fit envisager le pire pour Daímôn : il serait figé dans la glace puis livré à Zeus qui ne manquerait alors jamais de le plonger et de l'enchaîner au cœur du Tartare. Éros l'accompagnerait-il ? Puis Athéna ? Hécate ? Aphrodite ? Tous ses alliés, même Pandore alors qu'elle n'était guère déesse ?

Les Boréades prirent l'arc et le carquois d'Éros, tandis que Chioné ramassait Díkê en contemplant la striure turquoise. Touche l'Omphalόs ! supplia Daímôn. Mais elle n'en fit rien et l'enroula dans un drap de soie que le gamin qui leur avait servi les rafraîchissements lui ramena, après qu'elle l'eut appelé avec son esprit.

— Mais ne t'inquiète donc pas, Daímôn : notre hospitalité est exemplaire pour les invités de marque ! rit Borée.

Daímôn voulut se relever et se jeta sur lui, mais Calaïs – le plus grand des Boréades – lui frappa les côtes du pied sans merci. La douleur fulgurante qui éclata le cloua au sol.

— Bon séjour parmi nous, Parjure de l'Olympe ! claironna Borée.

Il présenta sa canne dorée et piqua Daímôn de la pointe glacée.


Fin du chapitre 11

Kháos, tome I : Le Parjure de l'Olympe [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant