Daímôn ignorait où se situait l'arène du dieu de la Guerre, ni pourquoi diable il y en avait une sur le mont Olympe ; alors il suivit Cupidon, tout en demeurant accaparé par l'imbroglio de ses pensées.
Il avait découvert sa présidence à l'Élémentaire. C'était une réponse de plus. Mais qu'en était-il de cette face cachée, autant de son pouvoir que de son existence, qu'Hécate n'avait pu découvrir ? Encore des mystères...
Il repensa à tout ce qui s'était passé depuis sa rencontre avec Athéna dans le nexus. Puis, il avait eu un trou noir, il s'était battu contre des monstres aux côtés de la déesse, avait juré sur le Styx de... Un nouveau trou noir... Là encore, le souvenir lui échappait.
Daímôn était exténué de ne guère parvenir à se souvenir d'instants précis lorsqu'il le souhaitait. Ses mémoires, son passé, tout comme son futur, s'engloutissaient dans un abîme noir, béant.
La larme coula... À la lumière du Char Solaire s'élevant à l'horizon, Cupidon vit la perle salée rouler le long de la joue de son frère. Bien que bénéficiant du sang des Primordiaux, le dieu des Éléments semblait si jeune, si innocent, si fragile... Cupidon lui administra une vague de chaleur. L'Hélios se chargea de sécher la malheureuse larme.
— Merci, Éros..., souffla Daímôn.
— Je t'en prie. Je suis là pour ça. Mes dons embaument également les cœurs et leurs peines. Comme certains de nos frères et sœurs, j'ai décidé d'accomplir mon rôle et de contribuer à la paix.
— Aucun n'est un ennemi des dieux ?
— Pas à proprement parler, quoique... Oh, bien sûr, il y eut Érèbe qui rejoignit le camp des Titans lors de la première Grande Guerre, pour finalement être banni dans les Profondeurs du monde par Zeus victorieux ; Gaïa souleva les Géants contre les dieux, ce qui provoqua la Gigantomachie. Mais c'est du passé. Érèbe n'a jamais cherché à se libérer, et Gaïa ne s'est jamais plus manifestée depuis son ultime défaite. Peut-être même que Chaos châtierait le prochain perturbateur parmi ses enfants, mais ça semble peu probable.
— Tu parles de lui comme s'il était... matériel. Le Chaos n'est-il pas qu'une idée abstraite, sans forme physique ?
— Chaos est un vide sans pour autant être moins vivant, tu sais ? S'il le désire, il peut adopter la former qu'il souhaite. Un animal, un humain, un dieu, ou un végétal pourquoi pas. Peu importe. Souviens-toi : je n'avais pas de forme prédéfinie non plus, mais j'ai finalement pris celle d'Éros, fils d'Aphrodite. Ta propre enveloppe actuelle finira peut-être par changer avec le temps, à mesure que tu recouvriras tes facultés.
» Vois-tu, les quatre autres Primordiaux auront peut-être une apparence que tu ne soupçonneras pas lorsque vos retrouvailles auront lieu. Ils peuvent adopter n'importe quelle forme, eux aussi. Toi également, un jour, tu pourras utiliser cette faculté.
— Et toi, tu ne peux pas ?
— Moi, c'est différent. Lorsque Cupidon est né, j'ai mêlé mon essence à la sienne. Nous ne faisons plus qu'un, dans un seul et même corps. Je ne peux m'en détacher, comme lui ne le peut non plus. La seule métamorphose que nous pouvons opérer est, comme tu l'as déjà vue, que cette enveloppe de chair et de sang grandisse – forme que nous n'utilisons que très rarement, avec Psyché en fait.
— « Nous »... À t'entendre, on croirait que tu as une double personnalité.
— C'est un peu ça, en fin de compte, badina Éros. Toujours est-il que cette faculté de métamorphose, je suis le seul des Primordiaux à ne plus la posséder, dû à ce changement total d'identité, la fusion des deux Éros. C'est bien là la différence lorsque tu prends la forme d'un dieu ou d'un mortel. En combinant ton essence avec celle d'une déité, tu partages tout avec elle et tu ne peux plus t'en détacher, car sa force, son ichor et son origine sont trop intenses pour être simplement effacés et remplacés. A contrario d'un mortel. Un autre don ancestral, propre aux omnipotents Primordiaux.
Omnipotents..., songea Daímôn. Je le deviendrai en apprenant à maîtriser mes dons ! Et Arès pourra au moins m'aider avec le Premier Feu.
Il remarqua alors qu'il se trouvait à la première couronne de l'Olympe, dans la partie orientale. S'y mélangeaient distinctement sept demeures immenses, pourvus d'attributs singuliers qui permirent à Daímôn de devenir quels dieux vivaient ici : les sept enfants de Zeus.
— Voici donc le sens de la démesure, commenta-t-il ébahi.
Cette remarque arracha une sincère esclaffe à Cupidon.
— Oui, et tu n'as guère encore vu l'intérieur. Et pis encore, ces sept édifices paraissent bien petits en comparaison des véritables palais des sept premiers Olympiens. C'est là tout le vrai sens de la démesure des Bienheureux.
Daímôn se demanda alors ce que pouvait être le palais du roi des dieux, Zeus, ainsi que de la reine, Héra.
— Tu n'as pas idée ! fit Cupidon en lui administrant une légère tape sur l'épaule.
Ils s'enfoncèrent ainsi plus profondément dans le quartier Est des Olympiens jusqu'à dévaler un énième escalier à flanc de montagne, et virent, au loin, leur destination.
— Es-tu prêt ? s'enquit Cupidon.
— Oui. Il est temps que je me confronte au Seigneur de la Guerre !
Fin du chapitre 5
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Kháos, tome I : Le Parjure de l'Olympe [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]
Fantasía« La vie d'un mortel est difficile ? Celle d'un dieu l'est infiniment plus ! » Lorsque les Bienheureux emportent la jeune sœur de Daímôn, son existence s'en retrouve chamboulée à jamais. Mais telle est la voie que le destin a choisie afin de l...