ΔΙΙΙ - Δύο δράκοντες (partie 2)

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Une demi-heure plus tard, la tension s'annihila totalement. Nul ne les suivait, à leur grand soulagement. Athéna, assurée qu'aucune hostilité ne viendrait les frapper, s'attela de faire apparaître nectar et ambroisie, piochés sur le mont Olympe, pour qu'ils se sustentent tous. Daímôn souffla l'idée que l'Olympienne pût les déplacer tous en un instant vers leur destination grâce à ses pouvoirs, mais celle-ci lui apprit qu'elle en était incapable : ils étaient trop nombreux et ses réserves énergétiques trop faibles – elle savait, en sus, qu'il lui serait impossible d'emporter le Dragon avec eux par sa nature même.

— Eh bien, profitons de cette accalmie, fit Daímôn.

Il inhala vivement l'air et expira de soulagement, tandis qu'Athéna lui passait un morceau d'ambroisie.

— Au moins, notre mission est un franc succès ! commenta-t-il en avalant le biscuit sablé avec contentement.

— Jamais je n'aurais pu penser que Borée soit aussi corrompu, dit Athéna avec une pointe de tristesse, en ingurgitant à son tour un carré d'ambroisie.

— Cela ne m'étonne guère, pour ma part, répliqua aussitôt Daímôn. Il a enlevé Éros consciemment. Qu'il s'en prenne à moi, je peux comprendre, mais toi, une Olympienne, fille de Zeus, leur dieu et roi à tous, voilà un événement qui aurait pu me surprendre. Il m'a fait cependant part du manifeste orgueil auquel tous les dieux sont assujettis, en réalité. Et il ne fait pas défaut à la règle !

Athéna se remémora sa discussion avec Borée. Il l'avait emprisonnée pour faire d'une pierre deux coups, espérant ainsi devenir un dieu plus puissant qu'il ne l'était déjà. Triste réalité de découvrir que les dieux mineurs voulaient supplanter les Olympiens sans connaître évidemment les peines qu'ils encouraient.

— Disons simplement qu'il a fait une erreur de jugement, s'exclama-t-elle. Il arrive aux dieux de faire également des erreurs.

— Je ne te le fais pas dire, piqua Daímôn crûment.

Athéna ne préféra pas en tenir compte.

— J'aimerais que l'on m'explique comment j'ai pu être tout simplement matérialisé ici, sans même m'en rendre compte, intervint Cupidon. Comment ai-je pu passer du mont Olympe au cercle arctique ? Je sais que c'est le contact avec la lame du poignard d'Apollon qui a effectué ce déplacement, mais c'est un pouvoir qui relève foncièrement de la magie d'Hécate.

— Et pourtant, je puis t'assurer qu'elle n'est en rien responsable de ce phénomène, répliqua Athéna. Lorsqu'elle est arrivée dans ta demeure, le jour où Apollon a attenté à la vie de Daímôn, ses yeux brillaient de tristesse et de douleur. Elle avait compris ce qui s'était passé avant même de voir les taches calcinées sur le sol.

— Elle était éplorée, comme nous tous, ajouta Daímôn. Même si je n'ai pas ta présidence sur les sentiments, Éros, j'ai ressenti sa peine comme s'il s'était agi de la mienne. Comme celle de ta mère, bien plus intense et palpable encore. Si tu avais vu la flamme de colère qui brillait dans ses yeux !

— Aphrodite était à la fois sincère avec nous, et une merveilleuse actrice avec les Olympiens, dit Athéna. Une tragédienne comme nous en connaissons peu. Les membre du Conseil sont restés bouche bée, pour une fois.

La déesse laissa échapper un léger rire en y repensant.

Le dieu des Émotions rapporta son attention sur son frère derrière lui et scruta ses émotions les plus profondes. Ce qu'il perçut lui réchauffa le cœur. Un puissant lien atypique reliait le Dragon et Daímôn, si fort qu'il semblait impossible de le briser. Cupidon connaissait parfaitement l'attache la plus solide qui pût exister entre deux cœurs : l'amour. Mais cette connexion était d'autant plus supérieure du fait de leur nature même : des enfants de Kháos, que nul ne pouvait séparer. Après tout, Père a conçu Phúlax avec le même sang que celui qui coule dans les veines de Drákôn, afin qu'ils ne soient plus qu'une seule et unique entité, à l'instar de jumeaux. Il fut surpris de cet élan de remembrances et sentit une nouvelle part au fond de lui s'illuminer subitement, révélant au grand jour une vérité ancestrale, indéniable, comme il était coutume depuis que Daímôn avait posé un premier pied sur le mont Olympe avec Athéna. Il ne put s'empêcher de se triturer l'esprit à savoir si quelqu'un – ou quelque chose – jouait avec les mémoires des immortels. Cela ne manquait guère de l'inquiéter, mais qu'aurait-il bien pu faire ? Il n'était pas régisseur de la mémoire et des souvenirs, au même titre que les Moires, dans leur infini savoir du passé, du présent et de l'avenir, semblaient désormais absolument incapables de prédire avec précision quoi que ce fût. Mais il savait que les Destins, bientôt, révéleraient tous leurs desseins.

Kháos, tome I : Le Parjure de l'Olympe [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant