ΔΙΙΙ - Δύο δράκοντες (partie 3)

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Un insipide mutisme se répandit. Daímôn regarda le ciel se dégageant peu à peu. Une larme coula sur sa joue. La « Bataille des Dragons »... Il aurait préféré ne guère se souvenir de cette période cauchemardesque où le sang sacré avait jailli pour que la paix reconquît sa gouvernance dans l'atmosphère. Et puis, il avait disparu, sans qu'il sût pourquoi ; et ce fut la fin... Son subconscient avait parlé, lorsqu'il avait saisi Díkê la toute première fois dans l'atelier d'Héphaïstos en France, et les images de cette terrible guerre l'avaient assailli.

— Je n'ai pas la force de raconter cela..., sanglota-t-il.

— Je suis désolé, s'excusa aussitôt Cupidon en ressentant la profonde peine de son frère.

L'interrogation d'Athéna n'en fut que plus grande : qu'avait-il bien pu se passer pour qu'un tel mal affligeât son protégé ? Elle n'avait guère de grandes difficultés à imager des milliers de Dragons s'entretuer pour conquérir les cieux.

« Rien ne prédestina le commencement de la Drakonomakhía, débuta Phúlax. Les mortels, les dieux et les Dragons vivaient en harmonie ; c'était une ère de paix. Puis, l'équinoxe venu, la folie gangréna le cœur de tous les Dragons. À cet instant, le massacre débuta. Le soleil attaqua la lune, la terre les océans, le feu la glace, la nuit le jour, le Bien le Mal, en dépit de tous les dieux qui les régissaient ou qui les symbolisaient. Pris au dépourvu, Drákôn et moi, rois des Dragons, prirent part au combat afin que cessât cette guerre futile et insoutenable, que nous ne comprenions point. Les affrontements avaient laissé bien des marques, autant dans les cieux que sur terre. Les Dragons s'infligeaient de profondes plaies, à la fois physiques et mentales. Leurs âmes n'étaient plus que cristaux de ténèbres dans les tréfonds de leurs esprits. Après les blessures vinrent les morts. Savez-vous ce que l'on ressent lorsqu'une partie de soi est arrachée ? Le mal se veut tellement intense qu'il est impossible à décrire ; car chaque fois qu'un Dragon périssait, une partie de notre âme, de notre corps mourrait avec lui. Ainsi, nous devînmes de plus en plus faibles, bien trop pour que nous pussions mettre fin à ce conflit sans précédent. Par de nombreuses fois, la mort tenta de nous faucher. Elle parvint à nous blesser gravement. Je peux encore ressentir la douleur... »

Daímôn le pouvait également. Il porta immédiatement une main à son cœur, comme si le mal qui l'avait rongé le torturait subitement de nouveau.

« Nous fûmes sur le point de mourir, sûmes que nous ne pouvions remporter la victoire, comprîmes que l'ère des Dragons était achevée..., continua Phúlax d'une même voix tremblante. De notre échec, nous ne saisîmes guère la raison : Díkê, lame de justice, ne put mettre fin au conflit, ne put éradiquer la folie sanguinaire et assassine des Dragons Primordiaux. Elle qui ne représentait que la Convenance, elle qui était juste, les Dragons ne la virent plus qu'en meurtrière, en vengeresse. Drákôn et moi étions leurs souverains, la Loi, mais nous ne fûmes plus qu'éparses particules de gouvernance à leurs yeux. Ainsi, nous ne devînmes plus rien. Le chaos n'en fut que plus général.

Puis, bien des semaines plus tard, lorsque l'aube noire se leva, un frisson parcourut chaque entité primordiale. Le roi Drákôn disparut subitement. Son âme et son énergie continuaient de régner dans les cieux, mais son corps, son enveloppe – bien différente de celle d'aujourd'hui – était introuvable. Cette géhenne fut ce que j'eus pu ressentir de plus impitoyable de toute mon existence. À bout, dépourvu de volonté, j'allai retrouver mes confrères survivants, leur implorai de cesser les carnages, de mettre fin à la guerre et de déceler le corps de notre maître et roi. Mais m'auraient-ils ne serait-ce qu'écouté ? Non. Alors je fis la dernière chose que je pus : trouver l'Omphalόs dans lequel je me réfugiai, attendant le jour où mon maître, jumeau et roi reviendrait parmi nous. La race des Dragons Primordiaux périt ce jour-là, et la guerre prit alors fin.

Kháos, tome I : Le Parjure de l'Olympe [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant