ΙΙΙΙ - ἜΡΩΣ (partie 6)

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Après s'être éclaircie la voix et avoir bu une gorgée de vin, Psyché débuta son long récit.

Elle était la fille d'un roi et la sœur de deux filles. De cette sororité royale, Psyché était la plus belle. Tous les sujets du royaume de son père se massaient en groupes autour d'elle afin d'avoir la chance de la contempler, tant et si bien qu'ils lui rendissent même un culte, oubliant momentanément celui qu'ils devaient à Aphrodite. Courroucée, la déesse de l'Amour nourrit pour cette jeune fille une jalousie vengeresse. Ourdissant un plan, elle appela son fils Éros et lui demanda d'inspirer pour Psyché un amour irrationnel pour le plus laid et le plus vicieux des hommes. Mais lorsqu'Éros banda son arc, encocha une flèche, et s'envola vers la jeune fille, il fut subjugué par sa beauté, si puissamment qu'il s'éprit aussitôt de la princesse, à l'instar d'un coup de foudre. Ainsi, il n'exécuta ni l'ordre ni la vengeance de sa mère. À cet instant, il se promit de toujours veiller sur elle et de l'épouser.

Tandis que ses deux sœurs s'étaient mariées à de riches et beaux prétendants, Psyché se refusait à toute union. Soucieux, son père se dirigea vers l'oracle d'Apollon, la Pythie de Delphes. La prophétesse lui ordonna alors de vêtir sa fille de noir et de l'accompagner en haut d'une colline, où un serpent hideux viendrait s'unir à elle. Le roi obéit et abandonna sa fille en haut de ladite colline. Alors que Psyché attendait, désespérément et tristement seule, un doux vent souffla et Zéphyr, le dieu du Vent d'Est, transporta la princesse jusque dans un magnifique jardin où un parfum soporifique l'endormit. Lorsqu'elle se réveilla le lendemain matin, elle se trouvait devant un immense palais brodé d'or et de pierres précieuses. Inquiète, mais également curieuse, Psyché s'approcha de la demeure et entendit une voix qui l'invita à entrer. Elle poussa la lourde porte en or et contempla de luxueuses salles. Dans celles-ci, un bain lui avait été préparé, ainsi qu'un dîner et un lit où elle se coucha à la nuit tombée. Peu après, une présence se glissa dans son lit, qu'elle perçut aussitôt.

— Qui êtes-vous ? demanda-t-elle.

Elle n'était guère craintive, car elle croyait qu'il s'agissait du mari dont lui avait parlé l'oracle un jour.

— Je ne suis que votre dévoué époux, éperdument amoureux de votre majestueuse personne, lui dit la douce voix tendre. Je ne suis ici que pour vous chérir et vous aimer, jusqu'à la fin des temps. Je vous rejoindrai chaque nuit. Mais vous n'aurez jamais le droit de tourner les yeux vers moi.

— Pourquoi ?

— Car vous ne le supporteriez pas...

Sur cette révélation empreinte de tristesse, la présence se retira du lit, la laissant seule pour la nuit.

L'idylle dura un long moment. Psyché ne se retourna pas une seule fois, comme le lui avait prié son époux. Il était si doux, si attentionné, qu'elle ne put rêver meilleur compagnon. Un jour, lorsqu'à la nuit tombée son mystérieux mari la rejoignit à nouveau, elle demanda la permission de retourner parmi les siens dans son foyer qui lui manquait tant. L'époux accepta et Psyché revit ses parents et ses sœurs. En la voyant si heureuse, ces dernières furent prises d'une profonde jalousie et immiscèrent dans le cœur de leur sœur cadette le doute.

— Dans les ténèbres de Nyx, tu t'unies à un monstre, chère sœur, lui dirent-elles.

Le piège eut l'effet escompté. La nuit qui suivit, une fois que son époux inconnu se fut endormi, Psyché attrapa une lampe à huile et l'éclaira, s'attendant à observer le plus terrifiant et affreux monstre existant. Mais elle découvrit à la place Éros, le plus magnifique et le plus tendre de tous les dieux. Afin de mieux le contempler, Psyché approcha la lampe... lorsqu'une goutte d'huile bouillante tomba sur l'épaule d'Éros. Celui-ci s'éveilla en sursaut !

— Ainsi, la curiosité a eu raison de ta volonté, lui reprocha-t-il.

— Pardonne-moi, mon époux. Mais tu es si beau, si mystérieux, que je n'ai pu résister. Mes sœurs m'ont poussé à commettre l'acte interdit.

— Il est trop tard, Psyché.

Sur ces mots, il disparut. Folle de douleur, Psyché s'échappa du palais et erra longuement à la recherche d'Éros, dont elle était ivre d'amour. Elle s'adressa finalement à Aphrodite. La déesse profita de cette occasion pour se venger, en lui imposant des tâches à la fois rudes et humiliantes.

La minute après, Aphrodite avait empilé un énorme tas de graines devant Psyché.

— Tu trieras chacune de ces graines selon leur espèce.

Psyché ne désespéra pas. Avec l'aide de fourmis ayant eu pitié d'elle, elle tria rapidement les graines. Aphrodite en fut une nouvelle fois courroucée, mais d'autres tâches germaient dans son esprit.

— Je veux que tu me rapportes la laine d'or de ces moutons féroces qui paissent au-delà de cette profonde rivière.

Avec l'assistance d'un roseau qui lui indiqua la marche à suivre, Psyché parvint à ramener à la déesse la toison dorée.

— Maintenant, rapporte-moi l'eau du Styx, que tu puiseras directement à la source.

Aphrodite était persuadée qu'elle n'y survivrait pas. La source du Styx, ce fleuve infernal, était située au sommet d'une montagne gardée par des dragons. Cette fois-ci, alors que Psyché gravissait le flanc de la montagne, c'est un aigle de Zeus qui lui vint en aide. Tenant entre ses serres une fiole, l'aigle du roi des dieux vola jusqu'à la source et y puisa de l'eau, qu'il transmit ensuite à Psyché. Aphrodite fut folle de rage lorsque la princesse lui rapporta finalement le présent. Mais elle avait gardé en dernier recours un plan qui plongerait la princesse dans la mort.

— À présent, rapporte-moi une parcelle de la beauté de la reine des Enfers, Perséphone.

Épuisée, Psyché fut tentée de se suicider à nouveau, comme lors de sa longue et préalable quête d'Éros. Mais alors qu'elle s'apprêtait à se jeter du sommet d'une tour, celle-ci lui parla, et la convainquit de rester en vie et d'accomplir cette dernière tâche, tout en lui révélant le moyen d'y parvenir. Ainsi, elle descendit dans les Enfers, amadoua le gardien canin tricéphale, et atteignit le trône de la reine infernale, où la déesse lui offrit un petit coffre. Mais sur le chemin du retour, la curiosité la perdit à nouveau : elle pensait que la beauté de la reine des Enfers lui permettrait de reconquérir le cœur d'Éros. Alors, elle ouvrit la boîte et sombra dans un profond sommeil.

Pendant ce temps, Éros était resté enfermé dans le palais de sa mère, fou de tristesse et éperdu d'amour pour la magnifique princesse. Un jour, il réussit à s'enfuir par une fenêtre et retrouva son épouse endormie, qu'il réveilla d'une piqûre de la pointe de sa flèche. Devant tant d'amour, Aphrodite ne demeura pas insensible.Elle demanda alors à Hermès de ravir Psyché du monde des mortels et de la poser dans le palais olympien des dieux. Elle y but du nectar et y mangea de l'ambroisie, nourritures divines qui lui conférèrent l'immortalité. Depuis lors, elle vivait heureuse aux côtés d'Éros, devenant ainsi la déesse de l'Âme, celle de l'être humain purifié par les passions et les malheurs. Dans l'amour et la félicité éternels entre Éros et Psyché naquit une petite fille, Volupté, la déesse du Plaisir.


(suite et fin du chapitre 4 en suivant...)

Kháos, tome I : Le Parjure de l'Olympe [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant