Δ - Μάκες (partie 6)

56 13 11
                                    

Zeus réapparut au cœur du temple de son fils Apollon désormais prêt à repartir. Le dieu-Lumière se tenait debout devant un immense miroir et pansait un gros hématome disgracieux à sa cuisse avec une crème blanche. À l'application de la mixture spécialement conçue par son prodigieux enfant Asclépios, la blessure disparut et laissa sa peau impeccable. La lésion était toujours présente, bien sûr : Apollon ressentait une certaine douleur chaque fois qu'il forçait sur sa jambe ou s'appuyait sur cette zone une fois couché. Ce n'était pas la seule meurtrissure qui demeurait : plusieurs enlaidissaient son corps, notamment son torse, son ventre et son cou. Asclépios avait spécifiquement employé ses dons guérisseurs sur le visage de son père qui le voulait sans défaut – ce qui, après moultes interventions, était désormais le cas.

Ainsi, tandis qu'Apollon étalait la mixture unique sur une blessure de son pectoral musclé en sifflotant l'une de ses vieilles compositions, Zeus s'approcha de lui. Chaque fois qu'il le voyait, deux expressions se mêlaient sur son faciès : la colère de son échec, et l'apaisement de le savoir bien portant.

— Comment te sens-tu, aujourd'hui ? s'informa Zeus.

Apollon ne se retourna pas pour le saluer et le regarda avec le reflet du miroir.

— De mieux en mieux, Père, répondit-il en souriant. Aussi beau et fringant qu'à mes premiers jours.

Zeus ne répliqua pas et se contenta de se dérider subrepticement en constatant que sa progéniture avait effectivement l'air d'aller très bien. Même Arès ne s'était pas encore totalement remis de son expérience face à Daímôn, bien que plus d'un mois se fût écoulé.

— J'ai appris une nouvelle très intéressante, venue tout droit d'Aphrodite, dit le roi évasivement.

Il reprit son air sérieux et amorça les cent pas.

— Ah oui ? Et que cette chère Vaniteuse a bien pu vous dire ?

— Qu'elle sait où se trouve Éros...

L'espièglerie d'Apollon s'effaça aussitôt et il quitta le regard de Zeus. Il fit mine de s'intéresser davantage à l'une de ses plaies sur ses abdominaux saillants et imberbes.

— Ne serais-tu pas au courant ? poursuivit Zeus comme s'il parlait à un enfant.

— Je... ne sais absolument pas de quoi vous parlez, Père, feignit Apollon.

Le roi des dieux porta ses mains de chaque côté de ses puissantes hanches et étira une grimace. Apollon déglutit.

— Ne me prends pas pour un idiot, je te prie ! gronda Zeus. Je sais que tu as avoué à Aphrodite tout ton plan de secours si Éros s'interposait.

Un silence. Profond. Pesant.

— Je vous supplie de me pardonner..., bredouilla enfin Apollon. J'étais faible ! Elle a utilisé son enjôlement sur moi... Je... n'ai pas pu lui résister. Nul n'aurait pu...

Zeus ne répondit pas. Il savait fort bien qu'un dieu blessé ne pouvait se défendre du pouvoir d'Aphrodite. Il était déjà très ardu de ne guère succomber à tout moment. Même lui devait se faire violence pour ne pas ployer sous le don charnel de la déesse du Plaisir. Comme une poésie, comme le chant d'un rouge-gorge, comme la beauté d'un coucher de soleil, la voix d'Aphrodite devenait la plus merveilleuse chose au monde ; la volonté de lui obéir, de se plier à toutes ses exigences devenait lors plus qu'un besoin, une envie, un but ! Nul ne pouvait effectivement y résister sans en payer un lourd tribut.

— Elle m'a également fait part de leur propre plan : le Parjure de l'Olympe ira libérer son frère, dit Zeus avec amertume.

— Athéna sera sur ses talons, j'en suis sûr.

— Sans le moindre doute.

— J'ai réfléchi à cette hypothèse, Père ! s'enjoua Apollon. Nous pourrons capturer Daímôn et livrer Athéna à votre justice d'une même occasion !

— Je t'écoute.

Apollon exposa alors son idée, qui plut immédiatement à Zeus.

D'une pierre, deux coups !

Jamais la loyauté du roi des dieux ne serait ainsi remise en cause, ni celle de tous les Olympiens !


(suite du chapitre 10 en suivant...)

Kháos, tome I : Le Parjure de l'Olympe [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant