Au-dessus des nuages d'un gris orageux, annonciateurs de tempête toute proche, Phúlax filait à vive allure, à l'abri de tout regard. Bien que son dernier vol remontât à trois mille ans jadis, il n'avait guère perdu de sa superbe. Cette inactivité, laquelle avait paru lui durer une éternité, le contraignait néanmoins à ralentir le rythme, afin de ne pas s'essouffler trop vite. Il s'en donnait pourtant à cœur joie à ainsi planer, laissait les bourrasques de vent frapper ses majestueuses ailes déployées, lui procurant lors grâce et vélocité – il n'était cependant pas aussi rapide qu'il en était capable, par le poids sur son dos.
Daímôn non plus n'avait pas perdu de sa main d'œuvre. Cela faisait maintenant un certain moment que son dragon, Athéna et lui-même fendaient les airs. Le dompteur de dragon avait craint que la fatigue due à une trop longue durée de vol ne l'atteignît, agrémentée d'une douleur aiguë dans les cuisses. Mais il préférait les occulter toutes deux au profit d'une concentration sur les sensations qu'il ressentait.
Athéna, elle, ne pouvait s'en réjouir. Les muscles de ses cuisses et de ses chevilles la brûlaient atrocement, à l'instar d'un cavalier ayant parcouru sa route des jours durant sans s'arrêter autrement que quelques minutes dérobées. Elle se refusait pourtant à manifester son mal, sachant fort bien que nombre de dieux – ou même de mortels, rêveurs invétérés et amateurs de folklore en tout genre, et les dragons en étaient les créatures les plus légendaires – donneraient cher pour se retrouver à sa place. Elle se savait privilégiée, car peu de dragons – surtout primordiaux – accepteraient d'ainsi porter des inconnus sur leur dos, aussi immortels fussent-ils. Déjà qu'ils abhorraient qu'on les approchât... Elle s'était néanmoins donnée toute liberté de commander Phúlax. « Vole au-dessus des nuages, et plus doucement ! » Non seulement cela l'assurait que les mortels, même à bord de leurs engins de métal volants, ne les verraient pas, mais surtout lui permettait de trouver une meilleure position afin de calmer la douleur.
Le vent glacial du nord extrême du monde leur fouettait à présent désagréablement le visage, mais le corps toujours bouillant de Phúlax leur garantissait un cocon tempéré idéal. Le froid peinait donc à les transir totalement. Daímôn s'était collé aux écailles du Dragon, puis avait conseillé à Athéna de faire de même. L'Olympienne avait joui de cette chaleur réconfortante, comme celle que projetait le feu de sa tante Hestia en chaque foyer heureux.
Rapidement, Athéna ordonna à Phúlax de descendre sous la couche de cumulonimbus. Le Dragon s'exécuta aussitôt. Daímôn et Athéna émergèrent des nuages avec les cheveux parsemés de flocons de neige qui fondirent sous la chaleur de Phúlax. Ils contemplèrent alors l'univers immaculé au froid pénétrant.
« Par tous les dieux ! résonna fortement la voix de Phúlax dans la tête de Daímôn. De la neige ! Sais-tu combien de temps cela fait-il que je n'en ai pas vu ? »
« Probablement trois mille ans ! » répondit le Primordial amusé.
Son dragon laissa détoner sa joie et, sans qu'Athéna ne le lui demandât, plongea vers le sol drapé d'une délicate neige. Il s'écrasa lourdement et souleva une grande quantité de poudreuse qui les arrosa.
Daímôn descendit du dos de Phúlax et entraîna Athéna avec lui. Il savait que son dragon allait désormais s'amuser dans la neige.
— Je suis désolé, badina-t-il.
— Ce n'est rien. Nous étions arrivés de toute façon. Au moins, il s'amuse !
— Et cela signifie qu'il a encore de l'énergie à dépenser.
Les deux immortels observèrent le Dragon qui roulait, tel un énorme chien, dans la neige. Cette dernière ne pouvait que fondre au contact bouillant de ce corps écaillé. Il en fallait cependant plus pour entamer la jovialité de Phúlax qui commençait à s'ébrouer en tous sens. Sa langue rouge était sortie et lapait la neige, devenue liquide et qu'il avalait avec force délectation. Pour jouer plus encore, il souffla et la poudreuse recouvrit de nouveau les immortels.
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Kháos, tome I : Le Parjure de l'Olympe [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]
Fantasy« La vie d'un mortel est difficile ? Celle d'un dieu l'est infiniment plus ! » Lorsque les Bienheureux emportent la jeune sœur de Daímôn, son existence s'en retrouve chamboulée à jamais. Mais telle est la voie que le destin a choisie afin de l...