ΔΙΙΙΙ - Πῦρ (partie 6)

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Daímôn s'apprêtait à tout abandonner, à accepter l'étreinte éternelle de la Mort, en la personne de Thanatos, des ailes noires déployées dans le dos qui tendait vers lui des bras pâles et réconfortants pour le recueillir... lorsqu'une queue écaillée frappa Pûr qui lâcha sa prise. Daímôn parvint à se rattraper de peu sur la patte avant gauche du Dragon rouge. Il resta un moment abasourdi, à reprendre son souffle, à attendre que la douleur s'estompât, tout en se cramponnant fermement face aux saccades dont le corps de Pûr était pris par les multiples coups déchaînés que lui portaient Phúlax. Il lorgna Díkê, qu'il avait bien failli perdre. Il prit appui avec ses jambes et sauta plus haut jusqu'à s'accrocher au cou de Pûr, puis descendit quelque peu jusqu'à ce que le joyau d'or battant frénétiquement fût droit devant ses yeux.

— Il est temps d'en finir ! fit-il avec conviction.

Alors il lâcha tout et plongea droit sur le cœur, l'épée en avant.

Díkê s'enfonça sans coup férir dans le muscle qui éclata en une luminescence éblouissante.

Un cri stupéfiant se répercuta dans les cieux, et Pûr s'immobilisa totalement. Puis son corps se mit à trembler violemment.

Daímôn tomba, aveuglé par la déflagration de lumière précédente qui s'estompa rapidement. Phúlax le rattrapa sur son dos, le laissa se replacer et s'éloigna de Pûr. Les colonnes de lave autour d'eux bavèrent d'autant plus fort, leur hauteur s'éleva exponentiellement. Daímôn trembla de peur : Et si nous n'avions fait qu'aggraver les choses ? Cette pensée fut commune aux deux dieux ébaubis au loin.

Puis, tout s'arrêta !

La noirceur de la nuit reprit sa place de reine dans le firmament aux côtés de ses sujets étoilés et de sa pâle gardienne, irradiant le monde d'une lueur bienveillante ; les colonnes de lave crépitèrent puis disparurent, ne laissant que des cratères fumants ; les séismes se turent ; l'air frais de la nuit souffla, sous la douce berceuse des vagues se fracassant sur les côtes.

Le silence entrava également Pûr, la gueule ouverte. Les ténèbres en lui s'évaporèrent, l'aura destructrice de ses yeux s'éteignit, et il cessa de battre des ailes, piqua indubitablement et s'écrasa violemment dans un nouveau cratère.

Daímôn et Phúlax n'attendirent une seconde et foncèrent vers le corps immobile de Pûr. Athéna et Cupidon se matérialisèrent non loin d'eux. Le fils de Kháos glissa le long du flanc de son dragon et courut vers son confrère écarlate. Les flammes dorées tout autour de son corps s'étaient dissipées. L'on ne voyait que ses écailles d'un rouge solaire.

— Non..., suffoqua Daímôn.

Il porta sa main sur le cou de Pûr, chercha une parcelle de vie... mais pas un battement ne se fit percevoir, ni même un souffle.

— Est-il mort ? fit Cupidon doucement.

Son frère ne répondit pas. Athéna et Phúlax ne pipèrent mot. Díkê ne brillait plus. Le silence se faisait trop pesant.

— C'est impossible..., dit Daímôn dans un murmure. Il ne peut être mort.

Il posa alors sa main sur le crâne du Dragon et laissa son esprit vagabonder à la recherche de celui de Pûr, en s'enfonçant profondément dans un abîme de ténèbres.


Φ


Le même couloir obscur, mais dont les flammes structurelles qui le bordaient se sont affaiblies, si bien que la luminosité ne me permet de voir à plus d'un pas. J'avance, droit devant moi, vers la lueur bleue qui brille modiquement au loin. Je cours vers elle, ne m'arrête qu'une fois parvenu à elle, et tombe à genoux. Cette étincelle ne brûle que d'une très légère intensité. Elle se meurt. Je sens mon cœur se compresser sous le malheur qu'annonce cette flammèche.

— Non, Pûr..., soufflé-je. Tu ne peux mourir une seconde fois !

Les ténèbres ont eu raison de lui ! claironne la mélodie hargneuse de l'ectoplasme. Le Feu Follet se meurt. Tu ne peux rien pour le sauver, dorénavant. Tu l'as libéré de sa folie meurtrière, tu as obéi à ton devoir, sauvé le monde ; mais en guise de châtiment, tu lui as offert la damnation éternelle. Désormais, Pûr, Gardien de la Flamme Originelle, subira le courroux de la mort, avec la souffrance comme seule compagne !

— Non, sangloté-je. C'est impossible ! Père, tu ne peux permettre cela ! Tu ne peux me ramener dans ton monde pour que l'un de mes dragons disparus meure de nouveau ! Je te l'interdis !

Le destin n'est pas modulable, fils de Kháos. Tu ne peux y échapper. Celui de Pûr fut de mourir de ta main, dans un dernier élan de folie. Le tien sera la signature de ta propre perte !

L'hilarité qui résonne dans le vide a raison de moi. La rage, au plus profond de mon âme, se soulève !

Je refuse de l'abandonner ! rugis-je. Il est mort à cause d'un ennemi, celui-là même qui élimina tous les Dragons ! Mais je ne le permettrai pas ! Toi, force obscure, laisse-le en paix, ou subis mon courroux !

Tu n'es pas assez fort pour me vaincre, petit immortel ! ricane de plus belle l'ectoplasme. Tu es faible, seul et perdu. Je suis puissante, indestructible. Tu mourras rapidement une fois que je me serai occupée de ton jumeau ! Et alors, tu connaîtras les tourments éternels du mal. Prépare-toi : la géhenne sera ton seul salut !

— Va-t'en !

Une vague de flammes englobe le vide, une force pure et bienveillante, chaude et réconfortante, héritée du Dragonique. Elle enveloppe le Feu Follet, lui confère ardeur et énergie. Le foyer explose et consume les ténèbres persistantes.


(suite du chapitre 14 en suivant...)

Kháos, tome I : Le Parjure de l'Olympe [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant