ΓΙΙΙ - Δίκη (partie 1)

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Lorsqu'ils se matérialisèrent sur la terre d'exil, Daímôn tomba à genoux. Le déplacement instantané orchestré par Hécate n'avait certes duré que quelques secondes – et il était habitué depuis à employer un tel moyen avec Athéna –, Daímôn se sentait plus barbouillé que jamais. Les doigts de la Magicienne étaient froids contre sa nuque. Elle ne bougeait pas d'un pouce, scrutait les alentours à l'aide de sa magie, afin de repérer quelque présence indésirable. Elle étira un rictus de soulagement : il n'y avait personne.

Hécate s'agenouilla auprès de Daímôn et releva encore son visage, avec plus de tendresse cette fois-ci. Les larmes continuaient de perler le long de ses joues, qu'elle fit disparaître d'un revers de pouce sous chaque paupière. Le nez de Daímôn le piquait désagréablement, comme s'il n'arrivait pas à éternuer. Mais c'étaient là les stigmates du désespoir qui prenait pleine possession de lui. Les souvenirs le harcelaient, pareils à une lame chauffée à blanc plongeant droit dans son être.

Cupidon s'éclipse dans un dernier éclat doré fulgurant, puis l'onde de choc explose et repousse violemment les divinités de part et d'autre.

L'ichor recouvre le visage d'un Apollon défiguré, a même giclé au creux des commissures de son ennemi juré, le Parjure de l'Olympe !

Ses mains tremblent de colère.

L'impuissance, la stupéfaction.

Les cris terribles de Psyché.

Athéna protège le corps meurtri de son frère.

Plus rien...

Apollon était-il mort ? Daímôn n'en avait aucune idée ; pourtant, en dépit de sa nature de Primordial, gardien des dieux et de l'avenir, il l'espérait du plus profond de son cœur. Protéger les dieux ? Zeus et Apollon méritent la mort plus que quiconque !

Percevant ses pensées assassines, Hécate ne fit aucun commentaire et contracta les mâchoires. Comment aurait-elle pu le sermonner ? Les images qui se bousculaient dans l'esprit de Daímôn étaient absolument abominables : Cupidon se désintégrait sans cesse !

Daímôn trembla ; puis ce fut la nausée qui lui brûla sans merci les tripes. Sans pouvoir se retenir, il vomit le nectar et l'ambroisie qu'il avait avalés la veille à ses genoux. Lorsque cessa le mal, il se releva, pouvant compter sur l'assistance de la déesse de la Magie qui le soutint par la taille en le serrant fort, très fort, et s'essuya la bouche d'un revers de main. Il tourna la tête de tous côtés afin d'observer les lieux.

À perte de vue, des collines verdoyantes s'étendaient, belles, rondes et gracieuses. Derrière s'élevaient les majestueuses montagnes camouflées par la forêt. L'Hélios brillait de mille feux, gratifiait le monde de ses bienfaits. Daímôn détectait l'énergie solaire, tels des flux d'eau, courir le long de la terre fraîche et de l'herbe humidifiée par la rosée du matin. Quel était cet endroit ? Où était-il donc ? Était-ce encore l'Olympe ? Non, l'énergie qui circulait était différente de celle qu'il avait pu noter durant ce dernier mois. Elle semblait plus... naturelle. Était-ce alors... le monde des mortels ?

— Nous sommes en France, lui répondit Hécate en lisant dans ses pensées.

— En... France ? répéta Daímôn intrigué.

— Une terre délimitée, un pays du continent nommé Europe. Daímôn, je te souhaite la bienvenue dans le monde des mortels !

Le monde des mortels, s'avisa-t-il. Voilà donc à quoi ressemble la terre où les fidèles des dieux coexistent avec la nature. Les images qu'Athéna avait pu lui brosser ces trente derniers jours entre deux séances d'entraînement, ainsi que les lointaines visions qu'on lui avait montrées, ne rendaient décidément guère justice à cet univers absolument prodigieux. Daímôn s'y sentait bien mieux, comme pleinement à sa place, si bien qu'il se demanda si jadis, avant cet étrange sommeil de plusieurs millénaires, il ne vivait pas plutôt parmi les mortels que les dieux. Ce ne serait pas le premier, ni le dernier, car les déités aimaient bien souvent se mêler aux hommes, et ce pour divers raisons et buts. Même si l'air qu'il inhalait lui semblait bien plus saturé et délétère que celui de l'Olympe, la beauté de la nature y était, elle, bien plus majestueuse, les couleurs plus vives, la vie nettement plus présente. Quant aux cieux ! Oh, d'un bleu azur si parfait, où de petits nuages cotonneux voletaient allègrement au gré du vent, adoptant des formes variant selon l'imagination de celui qui prenait le temps de les observer – Daímôn voyait un immense dragon dépourvu d'ailes soufflant des flammes éthérées. Il aurait bien pu observer ce spectacle merveilleux durant des heures encore.

Kháos, tome I : Le Parjure de l'Olympe [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant