ΔΙ - Βορέας (partie 4)

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La flamme dorée s'embrasa dans ses pupilles. Il n'était plus temps à la comédie, car Éros attendait !

— Je te conseille de te calmer, Daímôn ! l'avertit vivement Chioné d'une voix profondément glaçante.

— Je sais qu'Éros est ici. Libère-le, Borée !

Chioné se dressa à son tour. Une légère brise commença à souffler autour d'elle, souleva les pans de son chiton et ses cheveux. Daímôn sentit immédiatement le froid singulier de l'hiver rebrousser chaque poil de sa peau découverte.

— Allons, Chioné, dit calmement Borée. Ce n'est guère ainsi que nous devons traiter les invités.

— Mais Père, il...

— ... nous menace ? Manque ainsi de respect envers ses hôtes ? Je le sais. Mais qu'attendais-tu ? Qu'un fils de Kháos respecte les grandes lois de la courtoisie et de la bienséance ? Allons, nous sommes si inférieurs à lui !

Le ton de Borée était lourd de sens et plein de rancœur envers les Primordiaux. Il les exécrait !

— Nous ne sommes aucunement venus te nuire, Borée ! s'interposa Athéna en se levant à son tour. Nous ne cherchons nul conflit. Je suis instamment persuadée que nous pouvons régler tout ceci pacifiquement. Éros doit être libéré et partir avec nous. Ni plus ni moins.

Son assurance était palpable... mais fondit comme neige au soleil. Daímôn était ahuri de toute cette déférence. Borée et Chioné étaient des ennemis, rien de plus ! Ils étaient responsables des souffrances d'Éros, mais aussi des siennes, de celles d'Hécate, d'Aphrodite, de Psyché, de Volupté et de Pandore. Comment pouvait-elle les traiter si amicalement ?

— C'est impossible, évidemment ! s'esclaffa Borée. Chercherais-tu un échange de bons procédés ? Allons, je ne suis si simple à acheter ! Jamais plus je n'oserai ainsi désobéir à ton père, Athéna, comme tu t'y attelles depuis que le Primordial émergea de son nexus par ton intermédiaire. Pis, tu mènes le Parjure de l'Olympe en ces lieux, mon palais, ma forteresse qui lui était inconnue jusqu'alors ! (Il s'esclaffa.) Éros ne partira jamais d'ici !

L'ire de Daímôn ne cessait de croître. Déjà des étincelles s'échappaient de ses doigts sans qu'il ne pût les retenir.

— Où est Éros ? fit-il fermement.

— Et pourquoi te le dirais-je, Parjure de l'Olympe ? riposta Borée.

Où est Éros ?!

Chioné se tenait prête à agir dès lors qu'elle percevrait le moindre geste hostile de la part de Daímôn. Ses ongles laissaient se diffuser une légère vapeur blanche.

— Il suffit ! coupa Athéna. Nous ne voulons...

Alors, bredouillante, le menton se baissant de lui-même, elle sentit une terrible douleur vriller son crâne. Elle chancela une première fois... puis porta sa main contre un accoudoir du sofa.

— Athéna... ? bredouilla Daímôn.

Celle-ci ne répondit jamais. Le verre lui échappa des mains et se brisa en morceaux au sol, tandis qu'elle chutait à son tour.

Que lui avez-vous fait ?! hurla Daímôn.

— Que crois-tu, fils de Kháos ? attaqua Borée. Que nous n'étions guère au fait de votre venue ? que Zeus ou Apollon ne nous avaient avertis ? que nous n'étions alors pas préparés ? Môre ! (Il s'esclaffa plus follement encore.) Si je puis te rassurer, Athéna n'écope ici que d'un petit sommeil. Oh, ce n'est guère aussi puissant et efficace que le serait le pouvoir d'Hypnos, mais ce sera suffisant.

» Vois-tu, Athéna, dans sa grande naïveté, souffre affreusement d'une trop grande confiance en elle, mais surtout en les autres. Trop orgueilleuse, jamais elle ne se remet en question. Pis, elle se croit bien supérieure à ce qu'elle est. Peut-être est-ce ici la vanité d'être une fille parmi les premières du grand Zeus. Mortelle, elle aurait été jugée pour son húbris (Ψ), connue et punie par les dieux, un sentiment de démesure inacceptable qui, bien que propres aux hommes, touche en réalité les immortels, surtout les Olympiens ! Ils se fourvoient en pensant que jamais ce crime ne les atteint. Ils sont si...

— Père, ce n'est guère le moment de philosopher ! le coupa Chioné en serrant les poings. Les leçons attendront !

Borée soupira.

— Ah... Veuille à pardonner ma fille, fils de Kháos. Elle n'est guère la plus affable ni la plus apathique des femmes que tu puisses rencontrer. Elle tient cela de sa mère, à n'en pas douter ! (Le cramoisi de la honte grimpa aux joues de Chioné.) Comprends-moi donc, Primordial : loin reste l'idée pour les Olympiens que les dieux mineurs, même à la solde de Zeus, puissent avoir le courage de s'en prendre à eux. Je suis bel et bien sous les directives royales du Cronide, il n'en reste que jamais il ne m'ordonna d'atteindre Athéna. Je la livrerai à Zeus, évidemment toi aussi, et je deviendrai alors le véritable dieu que je mérite d'être !

Borée pouffa tel un dément. Chioné elle-même se raidit au rire tonitruant de son père.

— Quant à Éros, poursuivit Borée, jamais il ne quittera cet endroit, selon le bon vouloir de Zeus. Qu'il attende ton annihilation, ton emprisonnement au cœur des geôles profondes du Tartare esclave. Le roi des dieux le récupérera une fois la volonté des Destins accomplie, et alors il te rejoindra au cœur des sombres entrailles de la terre. Je n'assure cependant pas qu'il sortira indemne de mon traitement.

La colère du roi des Dragons Primordiaux atteignit son faîte !

Où est-il ? vociféra à pleins poumons Daímôn.

— Jamais vous ne fuirez, Parjure de l'Olympe !

Daímôn dégaina son épée promptement et s'apprêta à occire le dieu félon ; mais Chioné fut plus rapide.

Une bourrasque dévorée de cristaux glacés souffla subitement dans la pièce et happa Daímôn. Échappant à la terre, il s'écrasa lourdement à l'autre bout de la salle. Il se releva aussitôt, grognant telle une bête enragée. Ses canines avaient poussé d'elles-mêmes, comme lors de son combat contre Arès.

Le Dragonique était relâché !


(suite du chapitre 11 en suivant...)

Kháos, tome I : Le Parjure de l'Olympe [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant