Au sommet du mont Olympe, la tension était accablante. Athéna se démenait corps et âme, bien seule face aux dieux du Conseil. L'absence d'Héphaïstos n'arrangeait rien. Résonnaient avec virulence les rugissements de Zeus. L'orage grondait au-dessus de la rotonde, signe annonciateur de la tempête toute proche qui ne tarderait guère à frapper la montagne, orchestrée par un roi des dieux courroucé par tant d'outrages.
La foudre finit par tomber tout près d'Athéna qui ne fléchit point, quand bien même accusa-t-elle le picotement douloureux de la puissance de son père sur chaque partie nue de son corps recouvert de sa traditionnelle armure en bronze.
— Tu as désobéi impunément, Tritogénie ! éructait à s'époumoner Zeus. Je devrais t'enfermer dans les Geôles sombres du Tartare pour l'éternité !
— Je n'ai suivi que la voie de la Raison dont je suis la maîtresse, Père ! assura Athéna d'une voix ferme. Qui plus est déesse de la Sagesse, je n'obéis qu'à ce qui me semble être le plus juste. Je savais pertinemment qu'Apollon ne survivrait pas s'il tentait d'assassiner Daímôn. Je nous ai évité à tous le désastre !
— Apollon aurait très bien pu le tuer !
— Vous vous fourvoyez, Zeus ! Par votre faute, Éros n'est plus !
Le silence s'imposa subitement. Les Olympiens observèrent, impassibles et impuissants, le face-à-face explosif entre le père et sa fille. Jamais personne n'avait osé accuser Zeus de quoi que ce fût. Athéna jouait sa liberté !
Mais Zeus mettrait-il véritablement sa menace à exécution ? Le roi des dieux n'était pas exempt de ce genre d'acte envers les membres de sa famille : Héra et Arès en étaient deux preuves parmi d'autres, ici présents (1).
— Tu oses mettre ma sagacité, ma sagesse et mon sens de la justice en doute, ma fille ? gronda Zeus.
Le ciel fut secoué par le tonnerre.
— Oui, Père ! Si vous n'aviez guère jeté votre dévolu sur Daímôn, Apollon serait sain et sauf, et Éros encore parmi nous ! Mais vous avez préféré écouter, que dis-je, vous assujettir à votre haine plutôt que votre raison ! Comme vous tous ici présents !
Au centre de la salle du Conseil, Athéna eut tout le loisir d'embrasser d'un regard furieux sa famille, accentuant son attention sur Hestia qui demeurait de marbre. Sa voix se faisait l'écho d'une ire incommensurable, résonnant dans tout l'Olympe. Elle porta de nouveau son regard sur Apollon enfoncé dans son trône d'or, le visage encore tout boursouflé et moucheté de cicatrices blanches dues aux coups que Daímôn lui avait portés. De sérieuses plaies meurtrissaient son corps : les crocs des serpents ignés, que Daímôn avait involontairement matérialisés, avaient laissé de profondes marques.
— Je t'interdis de mettre en doute le sens du devoir et la raison des Olympiens, Tritogénie ! tempêta Zeus. Cherches-tu donc à te faire la profanatrice de notre famille ?
— Ce sont tous les Olympiens qui profanent leur statut, ici ! hurla Athéna. Vous tous avez trahi votre serment, celui de protéger le monde en épousant la voie de la Sagesse et de la Raison ! Parjure n'est pas celui que vous chassâtes, mais bel et bien vous qui osez, éhontés, tenir place sur vos trônes en cet instant !
— Tritogénie, il...
— Je ne puis que plussoyer, coupa alors Aphrodite en séchant les larmes qui coulaient sur son visage rougi.
La déesse de l'Amour se leva, quittant les bras bienveillants de son amant Arès. Elle vint à côté d'Athéna et mit une main amicale sur son épaule. Elle fondit son regard violet dans les yeux pers de l'Olympienne. Celle-ci ne douta pas qu'Aphrodite se faisait son alliée.
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Kháos, tome I : Le Parjure de l'Olympe [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]
Fantasy« La vie d'un mortel est difficile ? Celle d'un dieu l'est infiniment plus ! » Lorsque les Bienheureux emportent la jeune sœur de Daímôn, son existence s'en retrouve chamboulée à jamais. Mais telle est la voie que le destin a choisie afin de l...