I - Προφητεία (partie 4)

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Le Char Solaire venait de débuter sa course journalière lorsque les hommes et les femmes émergèrent enfin des abris, visages transcendant l'effroi et la terreur de la nuit dernière. Mais dans leurs yeux, on pouvait également lire l'apaisement : une année s'écoulerait avant que la Lune Noire ne revienne les terroriser.

De son côté, Daímôn fut guidé par Adrastéia dans une toute petite pièce non loin de la bibliothèque afin de procéder aux ablutions matinales – qui malgré le froid lui firent grand bien. Les idées plus claires, il demanda alors à sa bienfaitrice de l'accompagner jusqu'à la demeure de sa grand-mère. Elle accepta sans hésitation, bien qu'elle ne comprît guère son soudain désir d'y retourner. Néanmoins, une fois qu'ils furent pleinement prêts à sortir, Adrastéia suivit son protégé jusque devant chez lui, portant serrée contre elle l'enfant emmitouflé.

Au cœur du bourg, elle salua les nombreux paysans et marchands sédentaires qui avaient commencé à reconstruire les édifices et autres barrières de bois détruits par les vents de la veille. Elle présenta ses prières aux familles des « élus » qu'elle connaissait, et pria les dieux de leur accorder leurs grâces.

Daímôn, lui, ne prit même pas la peine de porter attention à tout ceci, se dirigeant d'un pas plus que décidé vers sa demeure. En face de celle-ci, Adrastéia évalua d'un rapide coup d'œil les dégâts. Toute la partie orientale de la maison rectangulaire au toit de bois et aux murs en gneiss sans étage avait été éventrée par les bourrasques. Daímôn avança lentement, ouvrant d'un geste le reliquat de barrière qui délimitait l'espace de la propriété. Le vent avait été si violent ! Pas même la porte d'entrée, qu'il avait lui-même montée de ses dix doigts, n'avait résisté, arrachée de ses gonds.

Le jeune orphelin s'avança jusqu'au centre de la cour. Il se mit à genoux, là où le tourbillon divin avait été le plus féroce, là où il avait emporté Callia vers des lieux inconnus des vivants. Il tâta le sol carbonisé, dépourvu de neige à la suite du rayon qui avait définitivement absorbé Callia. Il pria le Seigneur des Enfers (Ψ) d'accorder sa clémence à la petite, espérant simplement qu'elle se trouvait bel et bien aux champs Élysées.

Il se fit par ailleurs violence pour ne laisser les émotions le submerger. Il ne voulait plus pleurer. Il détestait tout simplement cette sensation, tant la vulnérabilité l'accablait sitôt que les larmes s'échappaient de ses yeux. Il avait toujours été fort, pour sa sœur et pour lui, comme un défi envers les dieux !

Adrastéia vint derrière lui et posa une main bienveillante sur son épaule. Elle se murait dans le silence, par respect pour son jeune protégé qui faisait ses adieux à sa sœur.

— La tristesse n'est qu'un état passager, déclara-t-elle alors de sa voix la plus douce, serrant plus fermement l'épaule du garçon. Ne la retiens pas et laisse venir la sérénité de savoir Callia foulant le sol divin des champs Élysées, parmi les bienheureux et les héros (Ξ), où elle vivra pour l'éternité. Vis pour elle, ainsi que pour ta grand-mère, qu'enfin le bonheur t'accompagne chaque jour, selon le fil tissé qu'est ton destin.

— Je comprends, Adrastéia, mais je n'y parviens pas...

Daímôn s'arracha à l'étreinte amicale et se releva, avant de se diriger à l'intérieur de la demeure. Sur le pas de la porte – brisée en deux plus loin dans la cour – il ressentit, tel un coup de poing en pleine poitrine, son impuissance face à la volonté des dieux. Adrastéia le suivit, prête à tout pour le soutenir dans cette épreuve ; mais Daímôn n'avait aucune intention de défaillir, car il se promettait que jamais plus il ne ferait montre de faiblesse.

Pour sa sœur, mais surtout pour lui !

Jusqu'au bout !

Dès qu'il traversa l'entrée, il nota immédiatement l'atmosphère étrange et pesante qui envahissait l'intérieur – une simple pièce semblable à celle de la demeure d'Adrastéia, mais totalement vide. Ce semblait presque un miracle que la maison ne se fût guère écroulée. Qui plus est, la poussière s'était accumulée sur le sol, que Daímôn nettoyait pourtant tous les jours, et le bois à l'intérieur semblait pourrir depuis des décennies.

Kháos, tome I : Le Parjure de l'Olympe [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant