Durant le peu de temps qui lui restait avant de devoir rejoindre l'arène, Hécate vint chez Athéna après sa rapide et courte discussion avec Cupidon. Tous deux avaient convenu qu'Athéna devait directement être mise au courant de toutes ces nouvelles découvertes. Daímôn avait pleine confiance en la déesse de l'Architecture, et cette dernière était bien la seule à véritablement prendre à cœur sa protection parmi les Olympiens.
Devant la reproduction quasi-parfaite du Parthénon qu'était la demeure d'Athéna, Hécate apparut, émergeant d'un rayon vert ardent. Elle s'avança jusqu'à la porte en bronze derrière les colonnes de face, où une chouette chevêche, symbole de la déesse de la Sagesse, avait été sculptée en or, les yeux recouverts de fins émeraudes brillants lorsque chatouillés par les rayons d'Hélios. Hécate frappa avec l'anneau tenu dans le bec du volatile et attendit qu'Athéna vienne lui ouvrir, sachant fort bien que celle-ci ne dormait guère malgré l'heure de l'aube.
La fille de Zeus vint et fut surprise de découvrir la déesse de la Magie sur son seuil. Hécate lui sourit chaleureusement : aucun dieu n'était habitué à ses visites.
— Pardonne-moi de venir aussi tôt, Athéna, mais il faut que nous parlions de Daímôn, dit Hécate de but en blanc.
— Je m'en doutais, mais je n'attendais pas ta venue aussi rapidement. Daímôn s'est déjà présenté à toi avec Éros ?
— Oui. J'ai des réponses, mais pas toutes. Il faut que nous discutions de ses pouvoirs, mais aussi de la face cachée de ses origines que je n'arrive guère à percer.
— Est-ce si dangereux que cela ?
— Oh oui, et bien plus encore si nous n'intervenons pas rapidement, répondit la Magicienne avec sérieux.
— Très bien. Entre.
Athéna laissa Hécate passer le pas de la porte et l'incita à se poser sur un sofa non loin du feu. La déesse de la Sagesse prit ensuite deux calices en argent et y versa une substance verdâtre sentant la pomme. Elle proposa une coupe à Hécate qui la prit volontiers.
— Alors, dis-moi tout, fit Athéna ne s'essayant face à Hécate, jambes croisées. Quels sont ses pouvoirs ?
— La Création des Éléments, ou...
— L'Élémentaire... Hmmm... C'est une force qui n'existe plus sous sa forme entière. Il ne reste qu'une poignée de dieux pouvant maîtriser les Éléments fissionnés. Les pyromanciens sont courant parmi les dieux – trois Olympiens en sont. L'Air est une force de Zeus, d'Éole et des Vents. L'Eau une maîtrise de Poséidon et de toutes les autres divinités marines, fluviales ou de n'importe quelle source aqueuse. Quant à la terre, Déméter ou quelque autre esprit de la Nature en connaissent les subtilités.
— Tout à fait. Mais il n'a existé qu'un seul être pouvant canaliser les Quatre Éléments, sans voir son corps réduit en poussière : le dernier-né de Chaos.
— Il ne fait plus aucun doute que ses pouvoirs sont puissants. J'en avais déjà l'idée, comme la plupart des Olympiens. Une pression énorme doit peser en lui. Mais tu me sembles contrariée, Hécate.
La déesse de la Magie but une gorgée de nectar. Le breuvage des dieux lui fit le plus grand bien et elle se racla la gorge avant d'exclamer ses craintes.
— Bien que maître de l'Élémentaire, n'échoit pas uniquement cette régence à Daímôn. Seigneur des Éléments, certes, mais aussi roi... d'autre chose. Je ne sais comment l'expliquer. Il possède en lui le sang, l'intelligence, le savoir, la force, les facultés d'une autre espèce.
— Une autre espèce ?
— Oui, mais elle a disparu il y a des milliers d'années, s'est complètement éteinte à l'instar d'autres créatures que nous avons connues, voire combattues. Et j'ai beau ressasser mes souvenirs, questionner son ichor, percer le brouillard tout autour de l'irréfragable, je ne parviens pas à percevoir quelle créature est-ce.
— Si toi tu n'y es pas arrivée, je ne vois guère en quoi je puis t'être utile.
— Je ne te demande aucunement de percer le mystère, mais simplement de continuer à protéger Daímôn, autant de lui que des autres. Cupidon m'a affirmée que tu étais la seule. Moi qui pensais que les autres dieux t'auraient prêté assistance depuis... (Athéna fit signe de dénégation en soupirant.) Cupidon a confiance en toi. Il sait que tu tiens parole et que tu ne trahiras jamais.
— Certes. Mais pour le moment, ses pouvoirs sont le plus alarmant.
Hécate sourit et but une nouvelle gorgée de nectar.
— Exactement. En premier lieu, tu dois pallier toute extravagance de ses dons. Il faut à tout prix l'empêcher de commettre des actes irréversibles comme...
— Tuer un dieu... Je le sais. Mais comment ?
— En restant toujours à ses côtés. En le surveillant de près comme de loin. Et en lui apprenant à contrôler ses facultés qui se sont déjà manifestées. La pyromancie élargie au-delà de la simple mantique fut la première. Nous devons la maintenir, la canaliser, tout en l'accroissant afin que Daímôn n'en devienne pas l'instrument. Un pouvoir qui grandit devient instable, certes, mais il le sera moins que s'il ne l'emploie pas et l'emprisonne. Ne nous reste-t-il plus qu'à lui apprendre comment l'utiliser correctement.
Athéna repensa aux combats qu'elle avait partagés avec Daímôn. La pyromancie, celle du Premier Feu, avait terrassé les monstres dans le monde chimérique, et avait bien failli tuer Zeus au Conseil.
— Et il ne me fait aucun doute que ses pouvoirs grandiront et apparaîtront très rapidement, si bien que si nous ne faisons montre de prudence, nous serons dépassés par les événements, continua Hécate.
— Penses-tu à quelqu'un en particulier pour lui apprendre à maîtriser le Feu Originel ? s'enquit Athéna.
— Arès.
Athéna grimaça. Les deux divinités de la guerre étaient diamétralement opposées. Athéna était la Stratège ; Arès était le Bourrin. Mais Arès employait la pyromancie combative.
— Héphaïstos ne pourrait pas s'en charger ? fit Athéna, bien que connaissant déjà la réponse. Ou même Hélios ? voire Hestia ?
— Non, non, trois fois non. Héphaïstos n'a qu'un art et un artisanat prolifique du feu pour forger ses outils, non pour combattre. La violence n'est pas son fort. Il ne vit pas pour la guerre, à l'instar d'Hestia. Arès est tout indiqué. Quant à Hélios, notre cher Titan est bien trop occupé dans son rôle journalier, même si Apollon vient à la remplacer de temps en temps.
Athéna bougonna pour elle-même. Seul son demi-frère pourrait aider Daímôn efficacement.
— Eh bien, je crois que nous n'avons pas le choix, conclut-elle. Tu as donc prévu que Daímôn s'entraîne avec Arès.
— Cupidon et lui sont déjà en route pour son arène, à dire vrai. Il n'y a pas de temps à perdre, et je sais que dès les premières lueurs de l'aube, notre balourd dieu de la Guerre s'y trouve.
— Partons les rejoindre sans plus tarder, alors. Observons attentivement, intervenons si nécessaire. Va chercher les Moires. Elles pourront peut-être nous servir en prévoyant quelque chose.
— Très bien, on se retrouve là-bas.
Hécate disparut dans un rayon vert en direction de la demeure des Maîtresses du Destin, laissant Athéna seule avec ses pensées plus encore tourmentées.
(suite du chapitre 5 en suivant...)
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Kháos, tome I : Le Parjure de l'Olympe [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]
Fantasy« La vie d'un mortel est difficile ? Celle d'un dieu l'est infiniment plus ! » Lorsque les Bienheureux emportent la jeune sœur de Daímôn, son existence s'en retrouve chamboulée à jamais. Mais telle est la voie que le destin a choisie afin de l...