Apollon s'était minutieusement préparé toute la nuit pour l'acte crucial dont il deviendrait célèbre. Bien qu'il eût besoin de sommeil, il n'était pas parvenu à fermer l'œil, son esprit maniant mille façons différentes de tuer Daímôn. L'épreuve était un honneur incontestable, car jamais n'aurait-il pu penser un jour s'illustrer comme la main qui punirait l'un des plus puissants êtres de la Création, ennemi des dieux. S'il y parvenait – et il n'avait guère le choix, après tout –, ce prodige marquerait l'apogée de ses plus hauts faits.
Le fils de Létô s'avisait pourtant que la déesse de l'Aube, avec l'aide précieuse de son frère le Soleil, lui prodiguerait la force nécessaire pour accomplir son destin, car la majorité des déités désiraient la mort du Parjure de l'Olympe. Les erreurs de ce dernier s'étaient rapidement propagées, pis que le plus gros des ragots rapportés par les véritables mégères parmi les dieux mineurs.
Les trois Cyclopes ouraniens avaient forgé ses armes. L'arc d'argent aux flèches de lumière avait même servi pour qu'il les décimât par représailles, après que Zeus eut foudroyé son fils, Asclépios, lequel avait ressuscité un mort – un acte impardonnable pour le roi des dieux qui se devait de garantir la pérennité de l'antithèse entre la vie et la mort. Apollon s'était par ailleurs fait forger une seconde arme par Héphaïstos, bien des siècles naguère, qu'il portait toujours à la ceinture : un poignard. La poignée était en or, symbole du dieu-Lumière, sertie de petits diamants taillés à la perfection. La lame s'étendait sur vingt-cinq centimètres et brillait d'un perpétuel éclat doré. Le métal composant cette lame était le plus pur que le dieu-Forgeron eût pu trouver en ce monde, l'adamantine. Le matériau avait été traité par Héphaïstos et avait pour singulière particularité d'absorber la force vitale de quiconque l'effleurait. Apollon n'était guère connu pour sa violence, certes, ses artefacts faisaient néanmoins de lui un adversaire redoutable.
Le plan d'Apollon reposait donc sur ses armes : il tirerait les flèches sur le corps du Primordial et planterait le poignard droit dans son cœur pour s'assurer de sa mort. Les bienfaits des dieux solaires lui procureraient les dernières ressources nécessaires.
Il ne pouvait échouer !
Aux premières lueurs de l'aube, Apollon quitta son lit, délaissant le traité sur la musique mozartienne qu'il étudiait, et se posta devant l'immense miroir recouvrant l'intégralité du mur en face. Il retoucha là ses fins cheveux dorés toujours coiffés impeccablement, passa son armure en or au plastron gravé d'une lyre à sept cordes, attrapa son arc et son carquois qu'il accrocha en bandoulière sur son épaule, puis vérifia finalement que son poignard, lestant sa ceinture de cuir noir, était rapidement à portée de sa main droite.
Satisfait, il sortit et se dirigea aussitôt vers la demeure d'Éros que celui-ci et sa femme partageaient avec Daímôn depuis l'arrivée de ce dernier sur la montagne.
Les rayons de l'Hélios naissant comme chaque matin illuminaient la villégiature des dieux ouraniens (Ψ) d'une phosphorescence rougeoyante et chaleureuse. Apollon laissa la première chaleur matinale le caresser en fermant les yeux.
À l'aube, l'Olympe était d'une beauté époustouflante, même pour les déités à qui le spectacle s'offrait tous les jours. La pluie ne tombait jamais sur le mont des immortels, toujours nimbé de la lumière civilisatrice d'Hélios.
Apollon marcha lentement vers la demeure d'Éros. Plusieurs dieux des dernières couronnes s'étaient levés pour l'encourager à accomplir cette épreuve du destin et l'attendaient le long de la parcelle d'escalier qui séparait les deux niveaux les plus supérieurs.
Le fils de Létô croisa alors Hypnos et Morphée, dieux des Songes. Apollon avait ordonné à père et fils d'endormir Hécate pour que celle-ci n'interagisse pas en cette aurore. Les deux immortels lui avaient assuré que la Magicienne ne se réveillerait pas avant qu'il eût fini, mais qu'il lui laissait seulement le temps nécessaire d'accomplir sa destinée. Hécate possédait une puissante protection interne contre toute forme de maléfice, qu'elle nommait communément magie. Il était dès lors difficile – voire impossible – pour quiconque de l'envoûter longuement. Ils ajoutèrent également que les trois occupants du temple ciblé avaient reçu un léger traitement de la part de Morphée, qui les inciterait à désirer jouir du monde onirique plus longtemps. Ils ignoraient néanmoins si l'effet serait probant sur les deux Primordiaux.
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Kháos, tome I : Le Parjure de l'Olympe [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]
Fantasi« La vie d'un mortel est difficile ? Celle d'un dieu l'est infiniment plus ! » Lorsque les Bienheureux emportent la jeune sœur de Daímôn, son existence s'en retrouve chamboulée à jamais. Mais telle est la voie que le destin a choisie afin de l...