Malheureusement pour Daímôn, les rêves criblèrent sa nuit – ou plutôt des cauchemars. Ce ne furent jamais de longues scènes, mais simplement une succession d'images rapides et, selon lui, dépourvue de quelque cohérence. Néanmoins, elles avaient ce même point commun, qui avait amené son visage à perler de sueur : le malheur. Les flammes, les corps sans vie d'hommes, de femmes et d'enfants dénués de faciès, des créatures hideuses, inhumaines et putréfiées. Mais surtout : le sang ! Partout, aussi bien des flaques recouvrant le sol, que des taches maculant le marbre blanc et les cadavres. Enfin, des vestiges antiques, croulant sous la poussière éternelle, drapés et camouflés de neige, ou encore immergés sous les flots tempétueux.
Quels étaient ces endroits ? Quelles étaient ces scènes ? Tout cela avait-il un lien avec son passé ?
Daímôn aurait aimé dormir un peu plus, tant ses songes l'avaient épuisé, mais lorsque l'aube se leva, Cupidon vint le réveiller doucement. Daímôn se frotta les yeux, encore engourdi de sommeil, et s'échappa avec effort du moelleux de son lit. Son frère l'incita aussitôt à aller procéder à de rapides ablutions matinales dans la salle de bain. Daímôn s'y rendit aussitôt en emportant ses nouveaux vêtements de la veille. En découvrant son reflet dans le miroir, il constata ses cheveux bourrés d'épis et ses traits toujours aussi épuisés – il se sentait cependant quelque peu mieux comparé à la veille. Il remarqua un bouton rouge, semblable à celui du bain, sur le petit bassin de marbre face à lui et appuya dessus. Immédiatement, l'eau coula du tuyau de bronze en forme de serpent. Il mit sa tête dessous, défit les épis à l'aide de ses doigts et se mouilla le visage durant un long moment, massant ses joues et ses yeux pour atténuer les cernes et dégourdir ses muscles faciaux. Il se sentit tout de suite bien mieux, attrapa une serviette accrochée au rebord du bassin et sécha ses cheveux avant de les coiffer brièvement. Lorsqu'il ressortit de la salle d'eau, vêtu du chiton brun, Cupidon avait préparé un petit repas composé de céréales, de fruits, ainsi que d'une cruche en cristal pleine de nectar sentant l'orange qu'il buvait déjà. Daímôn le rejoignit et mangea de tout, but trois grands verres – il adorait le goût de l'agrume. Les deux frères discutèrent à voix basse ; Psyché dormait toujours à poings fermés et détestait qu'on la réveille. Alors, ils ne tardèrent plus longuement et sortirent, Cupidon passant son arc et son carquois plein en bandoulière.
À l'aube, le mont Olympe était bien plus chaleureux, et surtout silencieux. Les rayons dorés et orangés se reflétaient sur le marbre blanc, tandis qu'à l'horizon paraissait une ligne d'un rose pâle tendre. Derrière les montagnes lointaines de la chaîne de l'Olympe, Daímôn ne pouvait voir qu'une parcelle du haut du soleil, qui peu à peu s'élevait. Des étoiles gratifiaient toujours le firmament de leur éclat brillant, et disparaissaient à mesure que les secondes défilaient.
Daímôn remarqua que Cupidon lui faisait descendre l'escalier. Lui qui aurait pourtant cru qu'Hécate serait au second niveau de l'Olympe de par sa parenté directe avec les Titans, il débarqua au plus inférieur, vide de monde.
— Éros, je ne comprends pas la hiérarchie instiguée par Zeus parmi les dieux vivant sur le mont Olympe, fit-il. Pourquoi une déesse comme Hécate, qui est si je me souviens bien la fille de deux Titans, se retrouve parmi les dieux les « moins » importants ?
— Eh bien, c'est aussi compliqué que frustrant, débuta Cupidon d'une voix grave trahissant son irascibilité quant à la question. À l'étage le plus supérieur sont placés les six enfants légitimes de Rhéa et de Cronos, ainsi que six des enfants de Zeus, et ma mère, Aphrodite. On les nomme « Olympiens », au nombre de quatorze depuis seulement quelques centaines d'années. Ils forment, comme tu le sais, les membres du Conseil, le téttareskaìdékatheόn. Toutes les décisions viennent d'eux – quand ils se rassemblent véritablement, ce qui est très rare.
VOUS LISEZ
Kháos, tome I : Le Parjure de l'Olympe [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]
Fantasy« La vie d'un mortel est difficile ? Celle d'un dieu l'est infiniment plus ! » Lorsque les Bienheureux emportent la jeune sœur de Daímôn, son existence s'en retrouve chamboulée à jamais. Mais telle est la voie que le destin a choisie afin de l...
![Kháos, tome I : Le Parjure de l'Olympe [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]](https://img.wattpad.com/cover/118215893-64-k445767.jpg)