ΓΙΙΙ - Δίκη (partie 2)

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Effectivement, Daímôn se réveilla plusieurs heures plus tard, une fragrance de brûlé dans les narines qui le fit faiblement toussoter. Il avait la langue pâteuse et un horrible goût amer dans la bouche, comme au lendemain d'un symposium très joyeux. Un sentiment de panique le saisit soudain, un lointain souvenir qui, une fois encore, échappa à sa mémoire.

Il se leva de son lit de fortune – qu'on avait apparemment installé pour lui – et scruta les alentours. Il régnait une chaleur accablante dans la pièce. L'air semblait complètement carbonisé et l'odeur empirait. La seule lumière provenait de coulées de lave glissant dans les parois rocheuses de l'alcôve haute de quatre bons pas. Il trouva un verre rempli d'une solution orangée sur une table en fer forgé à côté du matelas. Il le prit, renifla les bienfaits du nectar et l'éclusa d'une traite. Le liquide était exquis, un goût qu'il ne parvenait pas à décrire. La longue gorgée le requinqua aussitôt.

Il décida de quitter l'alcôve et de pénétrer dans le couloir où la lumière se faisait plus intense et colorée. Celui-ci était immense et semblait déboucher sur une gigantesque salle ronde où un chuintement suivi d'un « Clong ! » brutal résonnait en écho. En parcourant le boyau, il suivit les coulis de lave le long des deux murs. La hauteur de la caverne ne cessait de croître, mais Daímôn fut encore plus époustouflé en découvrant l'immense salle au bout.

L'espace souterrain était très haut, au plafond elliptique et légèrement creusé où s'infiltrait ainsi de la lumière. Le ciel ? s'interrogea Daímôn. L'endroit était occupé par des automates de bronze qui s'affairaient à leurs tâches journalières. Ils transportaient des amas de ferraille qu'ils plongeaient dans d'imposants bassins remplis de lave, pendant que d'autres extirpaient d'énièmes morceaux de fer brillants et fumants. Certaines machines mécaniques semblables à des marteaux géants frappaient des plaques de fer brûlantes sur d'énormes enclumes. Les étincelles virevoltaient partout !

Daímôn resta ébaubi devant les automates à fière allure. Chacun devait être aussi grand que l'alcôve dont il s'était échappé, leurs bras robotiques aussi épais que des troncs pour porter de lourdes charges de ferraille. Tout leur corps métallique était lesté d'un bronze qui ne fondait pas au contact de la lave. Une tête humanoïde, des yeux modelés par deux ampoules jaunes et une mâchoire carrée où trônaient quelques dents en cuivre, ils avaient l'air si humains ! Restait à nu, incorporé dans leur cortex, une sorte de cerveau mécanique où les rouages se mêlaient et s'imbriquaient parfaitement les uns avec les autres. De temps en temps, d'autres robots aussi petits que des souris grimpaient sur eux et enlevaient les morceaux de fer et de roche restés coincés dans les plis de leur armure en bronze.

Le fils de Kháos restait toujours aussi impressionné par cette technologie dont il ne connaissait nulle chose. Il ignorait cependant que le dieu de la Forge était bien en avance sur son temps. Bien des années s'écouleraient sûrement – sauf si Héphaïstos en décidait autrement – avant que les mortels parvinssent à un tel savoir.

Daímôn vit alors Hécate en compagnie du Bossu.

La Magicienne avait troqué son habituel apparat ténébreux au profit d'une longue robe aux couleurs chryséléphantines et de spartiates de cuir brun. Elle avait attaché ses cheveux de jais en un chignon épais et avait enfin délaissé cet immonde chapeau pointu qu'elle avait coutume de porter. Des bagues serties brillaient à ses doigts, à l'instar des nombreux bracelets dorés et argentés à ses poignets.

Héphaïstos, lui, était aussi crasseux qu'à son habitude. Affublé d'un tablier de forgeron dont la ceinture de cuir était lestée d'un gros marteau qu'il s'était récemment façonné, sa barbe noire était parsemée de soufre et de graisse, tout comme ses bras pileux mouchetés en sus de marques de brûlure. Son visage était recouvert de suie mêlée à la transpiration, ce qui n'était guère étonnant tant la chaleur accablante de cet endroit les étouffait tous. Seule Hécate ne semblait en souffrir. Daímôn, lui, sentait un filet de sueur couler le long de son dos. Il se souvint alors des dires d'Hécate : il devait encore se trouver en France, dans le monde des mortels, protégé au cœur d'un lieu caché à leur vue. Peut-être un atelier du dieu-Forgeron, songea-t-il.

Kháos, tome I : Le Parjure de l'Olympe [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant