Daímôn et Athéna se retrouvèrent seuls, surveillés par les deux gardes guettant l'entrée du vestibule.
En se focalisant dessus, Daímôn constata que l'air était encore plus glacial au sein du palais qu'à l'extérieur. Il s'emmitoufla dans son himation et chercha une source de chaleur. Il ne nota rien de plus que le froid mordant du dieu de l'Hiver. D'une pensée succincte, il fit apparaître une flamme dorée au bout de ses doigts. Athéna lui frappa aussitôt la main droite, ce qui consuma la faible flamme et arracha un cri de douleur à Daímôn – la claque lui avait été aussi violente qu'une décharge d'électricité statique !
Kópros! vociféra-t-il pour lui-même. Ses doigts étaient maintenant pétrifiés.
— Nous sommes au palais du dieu du Froid ! le sermonna-t-elle. Tu ne peux invoquer quelque source ignée sans son autorisation. S'il t'avait vu ainsi faire, il t'aurait sûrement ajouté à sa collection de statues de glace !
— Pardon, mais je meurs de froid ! plaida Daímôn. (Il engouffra ses mains sous son manteau et hoqueta soudain.) Attends ! Tu veux dire que...
Voilà que l'idée abominable qui ne le quittait plus n'était que la pure vérité !
— Comment ose-t-il ? s'emporta Daímôn.
— Légitime défense, ou punition royale.
— Ses méthodes ne te révulsent pas ?!
— Je n'ai jamais dit cela ! Mais là n'est pas la question. Concentre-toi sur notre tâche, et fais preuve de courtoisie et de respect. Les choses se passeront peut-être rapidement et sans anicroche.
Daímôn maugréa pour lui-même et répondit :
— J'en doute ! Mais nous devons sauver Éros, quoi qu'il en coûte !
De longues minutes devraient encore s'écouler avant que la jeune femme ne revînt avec son père.
— C'était Chioné, n'est-ce pas ? fit Daímôn. Cette femme qui contrôlait la tempête de neige ?
— Oui. C'est la fille de Borée et d'Orithye (Ξ), une antique princesse d'Athènes, fille du légendaire roi Érechthée (Ξ). Contrairement à ses deux autres frères, Calaïs (Ξ) et Zétès (Ξ), elle est née déesse, pourvue de l'immortalité.
— Ses frères ne sont pas des dieux ?
Athéna esquissa un sourire en se remémorant le courage manifeste de ces deux garçons.
— Non, continua-t-elle. Ils sont nés, comme beaucoup d'autres demi-dieux, mortels. Ils ont participé à la légendaire expédition des Argonautes (Ξ) aux côtés de Jason. À leur mort, ils ont reçu l'apothéose (Ψ) de Zeus, mais ils ne sont pour autant pas considérés comme des dieux d'authentique nature. Vois-là le simple fait qu'ils n'ont pas un sang pur, a contrario de leur sœur Chioné.
— Cette discrimination vient de Zeus, n'est-ce pas ?
Daímôn avait pu pleinement se rendre compte de l'inégalité entre les diverses divinités régissant le monde. La hiérarchie instaurée par Zeus en était la preuve première. En outre, Éros avait su parfaitement la lui démontrer.
— Pas uniquement de Zeus, mais de tous les dieux. Héraclès, fils de notre roi, fut également divinisé, qui plus est marié à Hébé. Il n'est pourtant nullement considéré comme un légitime dieu sur le mont Olympe.
» Cette ségrégation fut encore pire pour la seconde fille de Borée, Cléopâtre (Ξ), entièrement mortelle et décédée voilà bien des siècles. Elle n'a jamais reçu l'apothéose et n'a, de ce fait, guère laissé un profond souvenir aux dieux. Je ne suis même pas sûre qu'ils se souviennent d'elle, ou même de ses propres enfants. Son âme, heureusement, vit en toute quiétude dans les champs Élysées.
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Kháos, tome I : Le Parjure de l'Olympe [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]
Fantasy« La vie d'un mortel est difficile ? Celle d'un dieu l'est infiniment plus ! » Lorsque les Bienheureux emportent la jeune sœur de Daímôn, son existence s'en retrouve chamboulée à jamais. Mais telle est la voie que le destin a choisie afin de l...