I - Προφητεία (partie 5)

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Le sanctuaire rectangulaire en briques crues de l'oracle était ridiculement petit compte tenu de l'importance d'un tel personnage dans un bourg. Placé au sommet d'un monticule de pierres grossier, seules les marches de galet percluses de lézardes et brisées par endroits permettaient de le rejoindre, parsemées de part et d'autre de torches aux flammes rougeoyantes et immuables.

Adrastéia abandonna Daímôn au pied de cet escalier – le destin était personnel pour chacun. Elle pria les Moires (Ξ), les déesses de la Destinée qui tissaient les fils de vie, de lui accorder le calme et la sérénité auxquels il aspirait. Elle ordonna également à Daímôn de la rejoindre chez elle une fois l'entrevue avec l'oracle achevé. Il le lui promit et s'avança alors.

Au fur et à mesure qu'il escalada les galets, les flammes semblèrent s'intensifier, à l'instar de leur chaleur. Il pénétra dans le sanctuaire mais s'arrêta subitement en découvrant la femme au sol, les genoux pliés devant un foyer plein de vigueur. C'était la première fois qu'il venait en ce lieu, et en y réfléchissant il ne se souvenait pas même que l'oracle eût jamais habité un petit temple en cet endroit.

Il fut d'autant plus surpris par l'étrangeté du sanctuaire, dont émanaient des parfums aux senteurs exotiques qu'il ne reconnaissait pas. Des crânes d'animaux étaient accrochés partout, amplifiant plus encore la singulière mysticité de l'endroit. Certains ressemblaient à des moutons, d'autres à des biches et d'énièmes à des chiens. Daímôn supposa du moins qu'il s'agissait uniquement de boîtes crâniennes animales, mais eut soudain un doute en en observant une autre, atrophiée et dépourvue de mâchoire inférieure, qui semblait bien trop humaine à son goût. Il censura cette supposition et se focalisa plutôt sur la prophétesse.

C'était indéniablement une vieille femme, mais d'un âge intemporel. Ses cheveux blancs s'égrenaient en petites mèches et tombaient sur le sol. Sa peau était si ridée qu'elle semblait sur le point de se rompre à tout moment. Ses joues étaient creuses, à l'instar du plus famélique des esclaves, et ses yeux, d'un blanc laiteux... Elle était évidemment aveugle. Il était coutume que les prophétesses offrissent leur vue aux dieux oraculaires pour bénéficier des dons de mantique. Elle était vêtue d'un vieux chiton brun à manches courtes, peu ordinaire pour une femme dans ce bourg, où manquaient plusieurs bandes de tissus, laissant ainsi découverts ses jambes fripées et ses bras maigrelets. On eût dit qu'à la lueur du feu, ses os transparaissaient. Elle jetait par moments une poudre dorée dans l'âtre qui répondait en s'embrasant plus follement, projetant des étincelles multicolores.

Daímôn s'avança lentement jusque devant le feu crépitant et s'installa sur le coussin de velours rouge prévu pour les visiteurs. Il ne parla pas, attendit que l'oracle prononçât enfin quelque chose, n'importe quoi. Savait-elle au moins qu'il était ici ?

— Qui sollicite l'oracle ? fit-elle alors d'une voix affreusement rauque.

Sa mâchoire craquait horriblement dès qu'elle se mouvait, raidissant Daímôn qui déglutit avant de répondre.

— Je me nomme Daímôn et je veux connaître...

— Tu ne veux pas mais supplies, car on ne peut ordonner aux déités ! l'apostropha-t-elle. (Daímôn se raidit plus encore.) Oui... Connaître ton destin, tu souhaites, ainsi que la place du dernier membre de ta famille arrachée... Les champs Élysées, peut-être, ou bien...

— Comment savez-vous...

Il ne termina pas sa question. Après tout, l'oracle devait avoir vent de ces choses, car elle était, disait-on, perpétuellement en connexion avec les dieux. Et c'était, de surcroît, le lendemain d'une Lune Noire. Les familles des « élus » devaient donc souvent venir lui poser ces mêmes questions. Il n'était peut-être même pas le premier de cette aube nouvelle. Mais contrairement à eux, Daímôn désirait également découvrir la véritable raison d'un tel acte des dieux. Il était en colère, souffrait une injustice et un abandon. Il leur en voulait, bien qu'il en fût prohibé. Les mortels ne pouvaient en vouloir aux Bienheureux, car ils avaient été créés uniquement pour les vénérer, les craindre et les chérir, tout au long de leur vie – qu'ils leur devaient, évidemment.

Kháos, tome I : Le Parjure de l'Olympe [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant