ΔΓ - Μνήμη (partie 4)

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Ils se retrouvaient dans une ville antique.

« Athènes ! » s'écria la déesse de la Sagesse en reconnaissant sa cité.

La belle et mythique Athènes – ou plutôt la cité qui deviendrait, des siècles plus tard, Athènes –, dont la sage déesse poliade deviendrait tutélaire, baignait dans le feu et le sang. Les Dragons volaient dans les cieux fumeux et déchargeaient leur énergie sur les maisons de marbre et de pierre. Ses habitants tentaient en vain d'affronter les bêtes écaillées. Armés de leurs arcs et de leurs arbalètes, ils tiraient leurs flèches et carreaux sur eux, sans que cela n'eût le moindre effet escompté. En proie au désespoir, ils tentaient toujours avant de... brûler dans d'atroces souffrances.

Athéna ne put empêcher la propagation d'une incoercible tristesse parmi les esprits. Cupidon voulut la calmer mais n'y parvint pas. Il ne pouvait rivaliser avec la peine dont la déesse était éprise. Elle contemplait, impuissante, le massacre de sa cité avant sa reconstruction totale, bien des millénaires auparavant.

« L'ancêtre d'Athènes a été complètement détruit après ce jour fatidique, expliqua doucement Pûr. Les Dragons se sont déchaînés une ultime fois contre les mortels. Et ce fut la dernière fois où tu es intervenu, Drákôn. Après ce jour, tu as disparu, et les Dragons continuèrent de s'entretuer... jusqu'à la fin. »

« Où suis-je ? » demanda-t-il.

« Regarde la colline au fond, non loin du premier temple d'Athéna. »

Daímôn jeta un œil vers l'endroit indiqué et se vit affronter seul un Dragon qu'il ne connaissait que trop bien.

Pûr et lui se battaient dans un face-à-face titanesque. Flammes et coups d'épée fusaient de toutes parts. Aucun des deux assaillants n'était prêt à défaillir.

« Mais où suis-je ? questionna alors Phúlax. L'ai-je laissé t'affronter seul ?! »

« Tu as été gravement blessé lors de ce combat, dit Pûr. Vois-tu le serpent bleu sur son épaule ? C'est toi. »

En effet, sur l'épaule droite de Drákôn, une petite vipère se courbait et sifflait envers Pûr en crachant des petites flammes. Il ne pouvait cependant rien faire sous cette forme à un Dragon Primordial. Le fils de Kháos devait se battre seul.

Au début de leur combat, la Fortune souriait à Drákôn et Phúlax. L'anthropomorphique Primordial frappait le Dragon avec sa lame divine, absorbait les flammes et projetait même directement des trombes d'eau émergeant des tréfonds sur son adversaire. Mais cela ne semblait pas l'affaiblir ; au contraire, la rage de Pûr donnait l'impression de grandir au fur et à mesure que le liquide le touchait. Il devenait fou de douleur et de colère !

Pûr s'envola alors et frappa Drákôn avec sa queue au passage qui roula sur le sol avec violence. Il cracha une langue de feu doré sur son maître qui l'esquiva par le côté et se releva sur ses jambes. Pûr retomba sur le sol et provoqua un séisme. Homonyme Dragon d'Héphaïstos, Pûr possédait la puissance des volcans. Il pouvait ainsi, comme Poséidon, contrôler les remous de la Terre et provoquer de violents tremblements de terre. Ce phénomène coucha Drákôn sur le sol, le paralysa temporairement. Pûr en profita et happa Drákôn avec sa gueule. Il le traîna en tous sens, cracha des flammes sur le poitrail de son maître qui hurlait de douleur.

« Où sont les dieux ? » demanda le Daímôn spectateur à Pûr.

« Dans la ville. Ils protègent les mortels et affrontent les Dragons. Pourquoi ? »

« Pour qu'ils viennent me sauver ! »

Pûr du passé lança alors Drákôn contre l'antique temple oublié d'Athéna. Il fracassa les colonnes de l'entrée. Dans un dernier rugissement, Pûr utilisa les ondes sonores de son cri pour lézarder le marbre du temple. Celui-ci finit par s'écrouler sur Drákôn. Avec un dernier souffle orchestré par le Dragon, les plaques de marbre sur le corps blessé de Drákôn se soulevèrent, le laissant entièrement en proie aux attaques directes de Pûr. La gueule du Dragon se posa au-dessus de lui. Alors que Drákôn voyait sa fin arriver, une immense trombe d'eau, tel un tsunami, frappa Pûr de plein fouet, tandis que des flèches de bronze lui déchiraient la chair. Athéna du passé arriva en hurlant et décocha ses traits perçants avec force célérité sur Pûr qui recula et s'envola à vive allure dans le ciel ténébreux.

Athéna s'approcha du corps de Drákôn et inspecta son anatomie. La majorité des os étaient brisés et sa chair intensément brûlée. L'énergie qu'il possédait jadis avant le début de la deuxième phase de cette guerre n'était plus qu'un lointain souvenir.

— Il faut t'emmener en lieu sûr, dit Athéna avec douceur.

Drákôn grogna des paroles incompréhensibles tandis qu'il cherchait Phúlax avec sa main. Le serpent était introuvable, tout comme Díkê, enseveli sous les décombres du temple de la déesse.

Athéna prit le corps de Drákôn dans ses bras et se dématérialisa loin de la ville, Pûr ignorant où. La déesse ne s'en souvenant pas, elle ne pouvait donner des indications aux nombreuses questions qui se bousculaient lors dans la tête de son protégé.

Loin des Dragons, la faible tension que Drákôn orchestrait sur ceux-ci disparut et les reptiles purent ainsi laisser leur rage se libérer complètement. La ville fut mise en ruine comme par inadvertance avec les combats entre les Dragons, et les dieux disparurent tour à tour dans des éclairs, sachant fort bien que la cité et ses habitants encore présents n'avaient plus aucune chance de s'en sortir vivants.

Pûr du passé volait au-dessus de la ville, en proie aux flammes. Il déchargeait des dernières langues de feu sur les endroits encore saufs, mettait fin à la vie, touchait ses confrères avec fureur. Dans un ultime rugissement, les Dragons s'envolèrent loin de la ville saccagée, en quête d'une nouvelle trace de vie à exterminer tout en s'affrontant sauvagement.

La vision s'assombrit finalement et laissa les esprits dans l'univers noir parallèle.

« Comment avons-nous pu perdre cette bataille ? » se fâcha Daímôn.

« Ce n'était pas seulement la bataille que vous avez perdue, ce jour-là, dit Pûr. Mais la Drakonomakhía ! Cette bataille a été décisive pour les Dragons. Nous avons vu que les dieux étaient incapables de nous affronter, même en ta présence. De plus, tu as disparu peu après. Nous avions alors gagné contre vous. Nous nous sommes entretués plus ardemment encore, jusqu'à la fin du temps des Dragons Primordiaux. »

« Tu n'as vraiment aucune idée d'où tu as pu emmener Daímôn, Athéna ? » questionna Cupidon.

La déesse répondit négativement. Sa mémoire défaillante, elle espérait simplement que ce ne fût pas à cause d'elle que Daímôn eût disparu durant des millénaires.

« Voilà. Nous en avons terminé avec mes mémoires, fit Pûr. Ce sont les seules que je puisse partager avec vous pour le moment. Nous allons retourner dans le monde réel. Je vous préviens : ce sera douloureux et extrêmement perturbant. »

« Ne t'en fais pas pour nous, dit Phúlax. Nous pouvons supporter ceci. »

« Ce n'est pas pour vous que je me fais du souci mais pour les dieux qui nous accompagnent. »

« Qu'est-ce que ça veut dire, ça ? » s'enquit un Éros frustré.

Daímôn sourit au ton que son frère avait pris. C'était comme s'il boudait.

« Retournons dans le monde réel, maintenant, coupa Athéna. Nous avons passé suffisamment de temps ici. »

« L'Olympienne a raison, dit Pûr. Tenez-vous prêts. »

Et dans une dernière vibration, les esprits disparurent de l'univers et reprirent forme sur le monde réel.


Fin du chapitre 15

Kháos, tome I : Le Parjure de l'Olympe [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant