Kháos, tome I : Le Parjure de l'Olympe [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]

ΓΙΙΙI - Φύλαξ (partie 4)

Un instant plus tard, divinités, serpent et Pandore se retrouvaient au cœur de la réserve du dieu de la Forge. Plus exiguë que celle dans le premier volcan où Díkê avait été sauvegardée, l'encombrement en était bien pire : « Un vrai foutoir ! » Daímôn et Hécate apparurent au sommet d'un monticule de ferraille qu'il leur fallut descendre avec précaution pour ne pas chuter et rejoindre Athéna, Aphrodite, Pandore et Héphaïstos au cœur du fatras.

— Je vais ranger un peu, fit le dieu-Forgeron.

D'un claquement de doigts, la ferraille sur un rayon de trois mètres fut poussée sur l'autre, formant comme des dunes de recyclage partout. Aphrodite, elle, se chargea de subtiliser trois sofas et une table-basse en acajou de la grande ville italienne la plus proche, Turin, tandis qu'Athéna matérialisait ambroisie et nectar pour tous. Daímôn et Pandore furent les premiers à s'asseoir et à se servir des victuailles. Lorsque l'hydromel coula dans sa gorge, le fils de Kháos se sentit bien mieux.

— Athéna, dit-il en s'essuyant la bouche d'un revers de manche, que s'est-il passé sur l'Olympe après notre départ ? Apollon est-il... mort ?

S'installant, Athéna ne sut déceler s'il s'agissait, pour Apollon, d'inquiétude ou de souhait profond. Elle craignait l'excès de vengeance, mue par la colère, de son protégé. Après une rapide lampée de nectar, elle raconta tout avec la plus grande exhaustivité.

Peu après le départ de Daímôn et d'Hécate sur la terre d'exil, Zeus était apparu avec Héra, ivre de rage et d'angoisse. Athéna tenait Apollon dans ses bras lorsque le Père du Ciel lui avait sommé de narrer ce qui s'était déroulé. Athéna avait ajourné du mieux qu'elle avait pu cette rencontre explicative en alarmant les dieux sur l'état de son frère d'or. Apollon était foncièrement défiguré et enlaidi, ruisselait encore de sang ; son ichor jonchait son corps et, en taches disparates, les murs et le sol du temple de Psyché et d'Éros, dont la disparition avait tout calciné et brunifié. Athéna avait cependant rassuré son père en lui indiquant qu'Apollon s'en remettrait, mais que les soins de son fils Asclépios étaient indispensables.

Disparaissant sans un mot de plus, elle avait rejoint le dieu de la Médecine dans son temple. Athéna avait laissé le demi-dieu-esprit s'occuper calmement et longuement de son père en s'échappant aussitôt, requérant auparavant que le dieu la prévînt dès qu'Apollon serait éveillé et en mesure de communiquer.

Athéna s'en allait alors rejoindre Zeus au sommet du mont Olympe, sûrement assis sur son trône, le regard rivé sur l'aube naissant, à se morfondre et s'interroger sur le futur. Mais avant qu'elle eût pu se dématérialiser, Aphrodite était apparue devant elle, en pleurs. La déesse de la Stratégie avait calmement expliqué les choses à la fille d'Ouranos, laquelle lui avait assuré qu'Éros était encore en vie mais qu'il demeurait imperceptible en dépit de leur lien mère-fils. « Apollon doit savoir où il se trouve, avait affirmé Athéna, si son corps ne s'est pas dissous sous l'explosion. » « Non, son corps n'est pas détruit, avait affirmé derechef la mère éplorée. Je l'aurais senti. » Athéna s'était alors engagée à découvrir la vérité, ce qui lui fut permis quelques heures plus tard lorsqu'Apollon, sous un instant de délire, lui avait tout avoué. Entre temps, elle avait pris soin de Psyché, attendu le retour de Volupté en prodiguant à l'épouse réconfort et soin, puis leur avait appris à toutes deux que le corps et l'esprit d'Éros n'avaient été détruits, et qu'elle ferait tout pour le ramener à elles. « Nous irons nous-mêmes au cœur du Septentrion ! » s'était enhardie Volupté. « Non ! » Le ton d'Athéna n'avait souffert la discussion.

Puis, Zeus avait établi un nouveau chapitre du Conseil. Tous les Olympiens, à l'exception d'Héphaïstos et d'Apollon, y avaient assisté, à l'instar du second quelques heures plus tard où le dieu de la Lumière avait cette fois-ci exigé de participer. Athéna n'avait guère eu le choix que de tout expliquer.