ΙΙ - ΠÓΤΜΟΣ (partie 5)

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Tandis qu'il poursuivait son avancée vers les profondeurs de la forêt, Daímôn méditait les paroles de l'oracle. L'Oublié... Zeus l'avait mentionné maintes fois dans le nexus avec Athéna. Qui était-il ? Peut-être était-ce une manière de le nommer lui, car à présent il était seul, oublié de tous, et même les dieux semblaient l'avoir abandonné, bien qu'Athéna lui eût dit qu'elle viendrait le chercher rapidement.

Mais...

Guidé par la Sagesse... ? La sagesse est l'attribut d'Athéna, et en tant que ma protectrice, il est de son devoir de me guider. Elle me mènera sur le mont Olympe ? Cela paraît totalement fou... Néanmoins prétend-elle que je ne suis pas mortel mais d'ascendance divine. Et après tout, j'ai combattu Zeus en employant des pouvoirs dont j'ignorais l'existence même, et que je ne sens plus. Le mont Olympe deviendra-t-il ma nouvelle demeure ? Mais pour se faire, je dois implorer la venue de l'Épée, et cette épopée... Tout le reste lui était foncièrement incompréhensible. Qui plus est, son esprit était encore tout chamboulé des souvenirs de cadavres mutilés, de son village en proie aux flammes...

Et surtout d'Adrastéia, une lame plantée non loin du cœur...


Le pâle reflet du croissant de lune, libre dans le ciel nocturne, offrait une luminosité nouvelle à Daímôn. Avant noyé dans l'obscurité par les lacis de branches, il pouvait désormais mieux se guider dans ce territoire indompté, recouvert d'une fine couche de neige. Aussi loin que ses souvenirs remontaient, il n'avait jamais quitté son village. Pas même pour chasser, un art qu'il ne maîtrisait guère. C'était, d'ailleurs, bien dommage, car il n'aurait guère eu à mendier et voler pour nourrir Calliope. Mais on ne lui avait jamais appris, et comment aurait-il pu se payer un arc sans la moindre obole à l'agora ? Le façonner soi-même ? Je ne suis pas doué de mes mains... ! Au moins avait-il réussi à faire quelque chose de ses dix doigts dont il était fier : le pendentif de Calliope. Et aujourd'hui, même ce pendentif n'était plus. Il avait brûlé, à l'instar du bourg. Il se retrouvait ainsi seul dans cette foutue forêt, orphelin et apatride, le cœur lourd de tristesse, de souffrance, et d'inimitié envers les dieux.

Comment Athéna osait-elle affirmer que tout ceci n'était pas vrai ? Les souvenirs étaient réels, la douleur également. Mais surtout Calliope... Bannie soit Athéna !

Au loin, il vit un feu, bercé par le vent glacé qui filait entre les conifères. Il se dirigea vers la source de chaleur, car son chiton et la cape qui vêtaient ses épaules ne lui tenaient pas chaud. Il ne prit même pas la peine d'observer les alentours, tant il rêvait de sentir la bienveillante chaleur du feu. Quelques brindilles et branches craquaient tout autour, mais ce ne devait être que des rongeurs et autres volatiles nichés dans les pins saupoudrés.

Il arriva dans le cercle de lumière et découvrit une fois encore des cadavres : deux pauvres hommes, des campeurs qui étaient difficilement identifiables tant leurs visages étaient... Il reconnut néanmoins deux veneurs du village, dont les arcs reposaient contre les troncs taillés en guise d'assises autour du foyer. Même s'il ne connaissait pas leur nom, Daímôn leur fit les derniers sacrements comme à son habitude, par l'intermédiaire de prières et de neige fondue en guise de libation. Le feu se mourant, il y jeta des branches pour l'attiser. Il s'assit sur un tronc, tendant les mains devant lui pour se réchauffer. Il leva les yeux au ciel, contempla le spectacle céleste du firmament, à travers les ouvertures entre les branches des conifères.

Le mythe voulait que la Voie Lactée fût créée par l'inadvertance d'Héra. Zeus désirait rendre son fils Héraclès immortel, et seul le lait sacré de la reine des dieux possédait ce pouvoir. Héra endormie, Zeus fit approcher le nourrisson Héraclès de son corps nu. Le petit ne tarda guère à chercher le sein, affamé, et se mit à téter avidement. Réveillée par la douleur, Héra le repoussa de dégoût. Mais une giclée de lait s'échappa alors et se déversa dans le ciel, formant ainsi la Voie Lactée.

Kháos, tome I : Le Parjure de l'Olympe [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant