ΔΙΙΙΙ - Πῦρ (partie 2)

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Le choc se fit une nouvelle fois sentir de loin. Les deux forces ancestrales faisaient trembler même les cieux. Éros et Athéna se regardèrent avec angoisse. Non qu'ils n'offrissent à Daímôn toute leur confiance pour tuer Pûr, ce dernier restait bel et bien un véritable monstre avide de sang, une bête enragée et infatigable, qui plus est jouissant du sang de Kháos. Zeus lui-même, fort de l'assistance de tous ses frères olympiens, hésiterait sûrement à affronter cette créature qui aurait fait pâlir le plus intrépide Titan.

— Phúlax est blessé, commenta Cupidon. Je peux sentir son mal...

— Oui, répondit simplement Athéna. Je vois que la patte arrière gauche a été touchée. Pûr l'a mordue. Mais ne perdons guère espoir : ce n'est que le début de la bataille. Le premier coup est certes pour l'ennemi, nos deux alliés peuvent tout aussi bien le blesser à leur tour. L'exploit devient plus difficile, mais non impossible. Une armée se relève toujours aux prémices d'un combat. Nos deux Primordiaux sont plus braves et puissants qu'une véritable ligne hoplitique. Ils y arriveront !

Éros ne pipa mot et pria la retorse Fortune d'accorder à Daímôn le pouvoir de vaincre Pûr.



Φ


Phúlax frappait de sa queue hérissée de piques et provoquait les plaintes rauques de Pûr qui cognait brutalement avec son cou.

Daímôn se sentait affreusement inutile, faible, impuissant comme lors de son tout premier combat aux côtés d'Athéna contre les cadavres émergeant de terre. Si sa protectrice n'avait été là, au moment où l'arme plongeait vers son visage – tout comme Borée avait manqué de le pourfendre la veille –, il croupirait pour l'éternité dans les méandres de son frère le Tartare. Il en était de même en cet instant : sans Phúlax, Daímôn n'aurait pas tenu plus de dix secondes face à Pûr.

Il s'échinait à le frapper avec Díkê, mais les tremblements orchestrés par son dragon l'empêchaient de lancer son bras comme il le désirait.

Pûr se détacha de Phúlax et quitta sa proximité immédiate. Il scruta les zones de son corps où les pointes du reptile bleu l'avaient atteint. Les flammes étaient différentes : leur brillance dorée avait laissé place à une teinte de rubis, à l'instar d'un sang scintillant. L'ichor ancestral du Dragon du Feu coulait à son tour !

« Il est meurtri ! s'enjoua Daímôn. Tu l'as eu ! »

« Certes, mais ça ne suffira jamais. Ça attisera plus encore sa colère et son envie irrépressible de carnage ! »

Pûr lui donna aussitôt raison.

Un rugissement tonitruant s'échappa de sa gorge et l'aura flamboyante tout autour de son organisme décupla de puissance. Une chaleur intense se dégagea et engloutit Daímôn et Phúlax. La vague les brûla sans merci. Ce ne fut pas seulement leur peau qui répondit à ce mal terrible, mais tout leur être : chaque molécule, chaque vaisseau sanguin, chaque nerf, tout ce qui les constituait les mit au supplice.

Ils virent rouge autour d'eux. Un bref instant, ils craignirent d'avoir perdu la perception des couleurs par la chaleur qui aurait comme fait exploser les cornets de leurs yeux brûlants ; mais ce ne furent pas les seuls à être toucher par le phénomène. Le monde se couvrit en réalité de cette rougeur suffocante, le ciel de la nuit s'imprégna de cette encre érubescente. L'océan s'évaporait inlassablement, les feuilles et les arbres au loin se mourraient ; puis la terre se fissura.

Émergea des entrailles du monde une véritable colonne de lave. Elle s'éleva dans les cieux, sépara les jumeaux de Pûr, éclaboussa le monde d'une puissance mortelle. La chaleur fut insoutenable. Daímôn mit une main devant ses yeux pour se protéger. Ses propres dons de pyrokinésien ne suffisaient guère à le protéger de la suffocation et de la crémation.

— Dieux, que se...

Il ne termina pas sa phrase. La salive dans sa bouche s'assécha brutalement, et il s'étouffa. Quelques secondes lui furent nécessaires pour que l'infliction cessât.

« Je ne peux même pas ne serait-ce qu'entrouvrir les lèvres avec cette pression thermique ! » hurla-t-il mentalement.

« La puissance de notre ennemi est sans pareille ! gronda Phúlax stupéfait. La chaleur est sa gouvernance, le Feu est son pouvoir, la destruction est son unique but. Rien ne peut supplanter cette fureur si ce n'est l'Eau ou l'Air, les ennemis par nature du Premier Élément. Mais nous ne possédons plus ni l'un ni l'autre. » Il grogna de plus belle. « Cependant, nous n'avons d'autre choix : il faut l'arrêter, à tout prix ! Au plus profond de la surface que nous foulons bouillonne, tout autour du noyau, une énergie calorifique incontrôlable, le nid du Premier Élément. Si la pression qu'exerce ne cesse de l'exciter, il se pourrait que le monde lui-même se craquelle de part en part. Seule la fin résultera si nous ne faisons rien pour cesser cette folie au plus vite ! »

Une nouvelle langue de feu s'élança dans le ciel écarlate. Puis, toute la côte portugaise sembla se fissurer et laissa place à une véritable fournaise, autant par les bourrasques de chaleur brute que la pression incoercible manipulée par le monstre fou.


(suite du chapitre 14 en suivant...)

Kháos, tome I : Le Parjure de l'Olympe [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant