ΙΙ - ΠÓΤΜΟΣ (partie 2)

140 24 53
                                    


Daímôn fuyait, pareille à une biche filant pour échapper à la morsure redoutable et mortelle d'un loup – sa destinée. Ses poumons le brûlaient sauvagement. Jamais n'avait-il couru aussi vite, pas même lorsque les bourrasques de la Lune Noire le poursuivaient, avant d'envelopper Calliope. Tout cela pour échapper à la vérité. Il refusait toujours de l'admettre... mais qui l'aurait pu ? La vérité était toujours la plus douloureuse à entendre, la plus difficile à avouer... la plus terrible à accepter !

Cela remettait tout en question, tout ce qu'il avait connu ces proches dix-huit dernières années. Était-ce d'ailleurs son véritable âge ? Il n'avait jamais eu de parents, ne se souvenait même plus des événements qui précédaient l'« élection » de Calliope parmi les dix mortels. Ils sont quelque part... Mes souvenirs... Son esprit était si tourmenté qu'il ne parvenait plus à y remettre de l'ordre.

Je perds définitivement la tête.

Il refusait de jeter un regard derrière lui, afin de savoir si Athéna le suivait ou non. Peut-être que la brûlante lumière de cet endroit l'avalerait-elle finalement. Sa vision se brouilla, tandis que les larmes montaient toujours sans qu'il pût les arrêter.

Vlan !

Il heurta quelque chose, très dur, et tomba en arrière. Il secoua la tête, chassa les perles aveuglantes et observa ce qu'il avait bien pu percuter de plein fouet.

Un grand homme, à la musculature spectaculaire, recouvert d'un léger vêtement blanc très serré à la taille, dessinant parfaitement ses abdominaux – un chiton, semblable à celui que portait Daímôn – se gobergeait, les bras croisés qui semblaient pouvoir fendre une montagne en deux d'un simple coup de poing. Les yeux de l'inconnu étaient d'un blanc aussi immaculé que le nexus, dépourvus de pupille. Ses cheveux et sa barbe étaient très longs et frisés, d'un gris orageux. Des éclairs semblaient danser sur son visage ridé à l'expression figée par la colère, suivaient sa pilosité pourvue de mêmes capacités conductrices que des fils électriques.

Avant qu'un seul mot n'eût été échangé entre eux deux, Athéna se matérialisa subitement devant Daímôn et posa un genou à terre, en baissant la tête avec respect. Elle se releva aussitôt, sa peau brillant d'une aura verdoyante. L'inquiétude qui transparaissait sur son faciès alarma Daímôn. Suis-je en danger ?

— Père, fit Athéna.

Père ? Serait-ce...

Oui ! Zeus, dernier-né de Cronos et souverain de l'Olympe, vainqueur des Grandes Guerres et bourreau des Titans, le surplombait, biceps gonflés. Il toisait Daímôn sans aucune sympathie ou euphorie, a contrario d'Athéna plus tôt. Daímôn déglutit, et se sentit aussi ridicule qu'une fourmi face à ce monstre d'animosité.

Il était évidemment en danger. La réputation qu'il connaissait au dieu des Cieux, de par les nombreux mythes, ne pouvait qu'indiquer que sa vie était en jeu. Zeus se trouvait toujours en plein cœur des dissensions entre les dieux et les mortels. Il avait tué un nombre incalculable d'hommes, de femmes... Peut-être même d'enfants ! Et s'il ne les tuait pas, alors il les châtiait dans les tréfonds infernaux.

Zeus était antipathique, profiteur, voleur de cœur et de corps. Il avait enfanté nombre de progénitures à l'insu des mortelles, aussi bien en adoptant la forme de leur mari qu'en se transformant en animal : un simple toucher suffisait alors à ce que le fœtus grandisse dans le ventre d'une femme relayée au rang de simple génitrice.

Daímôn ne l'aimait pas, mais fit tout pour que le roi des dieux ne lût pas dans ses pensées.

— Que faites-vous ici, Père ? s'enquit Athéna, d'un ton circonspect.

Kháos, tome I : Le Parjure de l'Olympe [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant