ΔΙΙΙ - Δύο δράκοντες (partie 5)

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Dissimulée aux yeux du monde au sommet des montagnes étroites et escarpées de l'Épire, la folie gangrénait peu à peu son être. Elle tira sur les chaînes qui l'emprisonnaient mais ne parvint qu'à faire crisser le métal sur le sol caverneux, plongé dans l'obscurité totale. Des gouttes chutaient dans la grotte, un « Ploc ! » résonnait inlassablement.

Voilà un certain moment que Zeus l'avait quittée après la dernière morsure de son éclair. Elle avait cru mourir. Elle n'avait pu supporter plus longuement le choc et s'était évanouie de douleur. À présent qu'elle était éveillée, elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'il aurait mieux fallu pour elle qu'elle fût morte.

Le bruit de pas s'approchant fit alors vibrer ses tympans.

Non, par tous les dieux !

— Ne t'en fais pas, ma chère. Je ne te ferai aucun mal, dit la voix.

Elle était à la fois douce et autoritaire, réconfortante et atrabilaire comme une marâtre excédée sermonnant un enfant capricieux.

Héra, déesse de la Famille, s'avança.

Hécate jeta vers elle un regard empli d'amicalité, de fatigue et de douleur. Elle se remémora l'instant où la déesse lui avait sauvé la vie en déployant sa force face à l'éclair meurtrier de Zeus. La reine l'avait tellement admonesté qu'Hécate avait cru un instant qu'Héra subirait le même sort, mais Zeus s'en était abstenu. Il ne ferait jamais de mal à sa femme – plus depuis la dernière fois, du moins. Cependant, Héra n'avait pu empêcher son mari d'emmener Hécate loin de l'Olympe où il l'avait torturée pour qu'elle avouât enfin la vérité sur le moyen d'exterminer l'existence même de Daímôn. Elle était la seule à la connaître, par l'étude de l'ichor sacré du Primordial, et se refusait toujours obstinément de la divulguer. Elle tenait bien trop à la vie du fils de Kháos. Plus qu'à la sienne !

Elle n'arriva pas à garder la tête haute très longtemps, ses yeux se fermant d'épuisement.

— Non, non, non..., dit Héra en l'attrapant par le menton. Reste éveillée encore un moment, je te prie. Il n'est pas temps. Tiens. Bois ça !

Héra porta un calice en argent aux lèvres d'Hécate qui éclusa le contenu d'une traite. La solution lui fit le plus grand bien. Elle sentit son corps devenir plus fort, la douleur s'estompant enfin.

— Merci, reine Héra !

— Je t'en prie, ma chère. Je ne peux laisser l'une des déesses les plus puissantes mourir ainsi, et seule en ce lieu reculé.

— Alors libérez-moi !

— Et encourir la colère de Zeus ? Je suis navrée, mais je ne peux guère faire cela. Je peux néanmoins t'assurer que tôt ou tard, quelqu'un viendra ici pour te délivrer de tes chaînes.

Hécate ne répondit pas.

— Si cela peut te mettre du baume au cœur, sache que Cupidon est de nouveau libre, dit Héra sans enthousiasme particulier.

— Ils ont réussi ! s'exclama Hécate en souriant.

Elle chercha l'aura de Cupidon et la détecta dans le ciel, filant à une vitesse vertigineuse. Elle était cependant trop faible pour entrer en contact avec le bébé-dieu. Cela lui suffit néanmoins.

— « Ils » ? questionna la reine.

— Daímôn et Athéna ! Loués soient-ils !

Héra se mit à réfléchir. Le fruit de la première femme légitime de son mari avait finalement défié l'autorité de son père. Cela n'allait pas lui plaire, à n'en pas douter.

— Je vois que les dés sont jetés alors, dit Héra.

— Que voulez-vous dire ?

— Athéna et d'autres dieux ont rallié la cause de ce fils de Kháos au détriment de mon mari. L'histoire se met en marche.

— Je ne comprends pas.

Les mots qu'avait prononcés Daímôn sous l'influence d'une entité inconnue lors du tout premier Conseil des Olympiens résonnèrent dans son esprit, mot pour mot. Pourvu que le destin se trompe !

C'est alors qu'une immense énergie se fit sentir dans le ciel, une force ancestrale et incommensurable, laquelle provoqua séismes et éboulements tout autour des immortelles !

Hécate sentit son corps trembler sous la pression flamboyante.

— Qu'est-ce donc que cette folie ?! demanda-t-elle, affolée.

— Je l'ignore, mais cela s'approche rapidement...

Héra courut jusqu'à l'entrée de la grotte et écarquilla les yeux de terreur.

Le ciel prit une couleur rougeoyante brûlante et la température monta en flèche. Le rugissement fit follement vibrer les tympans.

— Héra ? s'alarma plus encore Hécate.

— C'est impossible ! dit celle-ci, foncièrement paniquée. Ils... ils sont de retour !


(suite du chapitre 13 en suivant...)

Kháos, tome I : Le Parjure de l'Olympe [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant