La bourrasque souffla brutalement dans la demeure d'Hécate et balaya le brouillard qui avait camouflé cette dernière. Son intensité fut telle que le feu sous le lébès tout comme les flammes dans les lanternes se consumèrent aussitôt, plongeant la pièce dans l'obscurité et un silence pesant.
Malgré la noirceur, Daímôn voyait bien que la déesse de la Magie était pétrifiée.
Cupidon ne pipait mot et patientait que la Mère des Incantations s'exprimât et révélât la teneur des terribles visions qu'elle avait eues. En tant que dieu des Sentiments, il avait parfaitement ressenti la profonde frayeur d'Hécate.
La patience n'était pas le fort de Daímôn. Il serrait fortement ses doigts sur le banc, phalanges devenues aussi blanches que le marbre, puis coupa le silence devenu insupportable :
— Qu'avez-vous vu, Hécate ?
— C'est impossible..., bredouilla celle-ci. Ce pouvoir n'existe plus depuis des temps immémoriaux ! La dernière fois qu'il s'est manifesté, le monde manqua de succomber... Les cendres, la mort, l'hécatombe, le sang... Partout... partout.
Les yeux dépourvus de pupille et rougis d'Hécate se reflétaient dans la pénombre de la pièce, prodiguant à l'instant un vibrant mysticisme.
— Tu es un danger pour nous tous..., continua Hécate. Une bombe à retardement ne demandant que d'exploser et de tout détruire sur son passage. Ton pouvoir, le don qui t'a été légué à ta naissance, ne souhaite que se libérer et anéantir le monde pour toutes les souffrances et les torts qui lui furent causés. La Fortune a souri à Zeus lorsque tu...
— Éros..., souffla Daímôn dépassé par ces propos.
— Ta force est plus grande que celle du roi des dieux, fit Hécate. Le Père du Ciel lui-même ne pourrait contenir en son sein une telle puissance divine si importante sans se détruire. Si tu avais eu connaissance de ce pouvoir plus tôt, notre roi serait à mort à cette heure. Tu nous détruiras tous !
— Non, c'est impossible.
— La vérité irréfragable est inscrite dans le sang ! Je l'ai vue, aussi clairement que je vois le Char Solaire s'élever au-dessus des montagnes. Tu nous anéantiras tous ! À moins que...
— À moins que quoi ?
Hécate se cloisonna dans le mutisme durant plusieurs secondes, laissant la panique s'accroître dans le cœur de Daímôn.
Cupidon ne pipait toujours mot, n'étant guère étonné des révélations de la déesse. Il savait, bien que ses souvenirs, comme tous ceux des déités, fussent flous, que son frère, en tant que Primordial, possédait une puissance incroyable, hostile, mortelle et dangereuse.
— Hécate ? supplia Daímôn.
— À moins que tu n'apprennes à contrôler dès maintenant tes facultés sous l'œil attentif de tes alliés, et que tu prêtes allégeance aux dieux.
L'atmosphère, emplie de ténèbres, se réchauffa enfin, laissant les dernières traces de magie noire s'évaporer dans le néant.
Hécate retrouva le vert de ses iris, et les flammes des lanternes et sous le lébès se ravivèrent.
— L'Élémentaire, dit Hécate. Telle est la nature de ton pouvoir, la force et l'énergie qui t'animent.
— L'Élémentaire ? répéta Daímôn.
Que signifiait précisément cette notion ?
Hécate se leva et s'en fut dérober un vieil ouvrage au cuir odoriférant dans une étagère contre le mur. Elle s'installa de nouveau sur le trépied et dépoussiéra le manuscrit.
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Kháos, tome I : Le Parjure de l'Olympe [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]
Fantasy« La vie d'un mortel est difficile ? Celle d'un dieu l'est infiniment plus ! » Lorsque les Bienheureux emportent la jeune sœur de Daímôn, son existence s'en retrouve chamboulée à jamais. Mais telle est la voie que le destin a choisie afin de l...