Lorsque Daímôn ouvrit de nouveau les yeux, il dégringolait dans le vide. Les colonnes s'étaient élevées plus haut encore et la terre tremblait de douleur. Il se sentait perdu, faible, à deux doigts de succomber. Puis, alors qu'il apercevait la silhouette obscure de la Mort le cueillir, une gigantesque patte griffue le saisit et le conduisit en hauteur dans les cieux. Les écailles bleues de sa providence, laquelle le ramena sur son dos, brillaient d'une lueur nouvelle.
« J'ai cru que la fin était venue ! » gronda Phúlax de mécontentement.
« Tu n'es pas le seul... »
« Par tous les dieux, que s'est-il passé ? »
« Je me suis confronté à un ennemi hors du commun. L'esprit de Pûr est totalement gangréné par cette noirceur absolue que je n'arrive pas à annihiler. Puis j'ai été comme projeté hors de sa tête par ces ténèbres dans un rugissement assourdissant. »
« Tu as hurlé à t'en époumoner, une vague d'énergie t'a comme frappé de l'intérieur et tu as chu de mon dos. Pûr a également rugi, comme s'il souffrait, et la terre a laissé place à de nouveaux geysers de lave en se fissurant de plus belle. La côte... »
Daímôn observa le chaos de la plage lusitanienne et se remémora sa conversation houleuse avec l'ectoplasme.
« Je crois que cet amas de ténèbres sous forme de dragon est au fait de la raison pour laquelle les Dragons Primordiaux se sont mis à s'entretuer, avança-t-il. Lorsque je lui ai affirmé que c'était leur faute si notre race n'existe plus aujourd'hui, je l'ai senti se braquer derrière colère, frustration, honte et fourvoiement. Il sait quelque chose que nous ignorons, il sait que je ne suis pas le responsable mais la victime. Et ayant voulu forcer les défenses qu'il a forgées pour cacher la vérité, je lui ai arraché des douleurs insupportables, car nous savons tous deux que les supplices les plus terribles sont ceux de l'esprit. »
« Le plus important pour le moment, c'est de vaincre la domination de cette... noirceur exercée sur Pûr. Ensuite, nous l'interrogerons plus drastiquement. Et je crois savoir comment faire pour que le calme s'empare de nouveau de l'esprit de notre frère. »
Daímôn fut évidemment surpris. Comment Phúlax pouvait-il connaître le moyen de sauver le Dragon tout en le vainquant ? Daímôn n'imaginait bien que de le tuer... Une perspective irréalisable !
« Ce n'est qu'une réflexion, continua Phúlax. J'ai remarqué que Pûr fuit la Lame du Dragon. Non tellement par crainte d'une blessure mais surtout par peur de ce qu'elle représente. Il la fuit à tout prix. Là réside la clef pour le vaincre ! »
« Tu as raison », répondit Daímôn.
Effectivement, Pûr fuyait toujours le tranchant de Díkê.
« Penses-tu qu'elle pourrait absorber l'ectoplasme en lui ? ou du moins l'enchaîner ? »
« Díkê est le sanctuaire des Dragons, après tout. Le seul endroit où nous sommes pleinement en sécurité. Mais te souviens-tu du jour où les Dragons ont vu l'Omphalόs non plus comme une villégiature mais comme une prison ? »
« Bien sûr, je ne l'oublierai jamais. Serait-ce alors une forme hostile comme cet ectoplasme qui aurait pu leur insuffler cette pensée ? que Díkê les réduisait en esclavage ? »
Phúlax en était persuadé. Il regarda Pûr et étudia ses mouvements. Le Protecteur de la Flamme ne cessait de remuer la tête, comme s'il était sujet à une violente migraine handicapante. Les maux de son esprit le tiraillaient sans merci.
« Il faut plonger Díkê droit dans son cœur ! » dit brusquement le Dragon-Gardien.
« Serais-tu à ton tour devenu fou ? Je ne veux pas le tuer, simplement entraver les ténèbres ! »
VOUS LISEZ
Kháos, tome I : Le Parjure de l'Olympe [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]
Fantasy« La vie d'un mortel est difficile ? Celle d'un dieu l'est infiniment plus ! » Lorsque les Bienheureux emportent la jeune sœur de Daímôn, son existence s'en retrouve chamboulée à jamais. Mais telle est la voie que le destin a choisie afin de l...