Course Contre La Vie

Chapitre 28 [Shannon]:

J'aide Jai à faire la vaisselle en continuant à lui parler de Jared. Aujourd'hui, ça me parait étrangement facile de penser à lui et toutes ses petites habitudes.

- En fait, son corps était son temple...

Jusqu'à ce que les démons en prennent possession et qu'il ne s'auto-détruise. Je n'ai pas besoin de lui dire qu'elle m'a compris. Elle comprend parce qu'elle sait ce que ça fait... mais comme tout le monde, elle ne sait pas. Je ne suis pas encore prêt à lui dire.

- Ca craint, la vie, marmonne-t-elle.

Et elle se dirige vers le canapé, la queue de sa combinaison remuant. J'ai découvert que Dan avait la même, version Dannosaure, et que Phil avait une combinaison de lion... et qu'à chaque fois qu'ils mangent ensemble, ils revêtissent leurs combinaisons ridicules.

C'est marrant, mais je fais tâche au milieu d'eux. Je suis trop vieux pour ça. Si vieux que je pourrais être le père de Cyan et Jai.

- SHAAAAAN, t'as un message. Ta sonnerie est super pourrie, en plus!

Un message? Comment pourrais-je avoir un message alors que seule Jai a ce numéro? L'autre sim n'est pas activée, aucune chance qu'on puisse me contacter. Et pourtant, un "t'es pas beau, face de cul frippé!" m'attend.

Numéro américain non enregistré. Pire, indicatif de Los Angeles. Trop pour que ce ne soit une coïncidence. Qui? Mon assistant, Travis? Non, il sait que j'ai besoin d'être seul. Ma mère? Non, elle n'utilise qu'un téléphone fixe pour nous appeler, et en plus, elle ne m'enverrait jamais ce genre de message. Mon ex? On avait déjà rompu au moment de l'accident.

Il ne reste pas mille personnes qui m'aime assez pour déployer de grands moyens afin de me retrouver... parce que si ce n'est pas un faux numéro, ça sent beaucoup le détective privé.

Shannon: Tomo?

Tomo: putain je te retrouve enfin, sale petit &$@#&
Tomo: comment ça va?

Je reste un instant bouche-bée par ce soudain choc. Tomo... il m'a retrouvé, ce grand malade! Mon deuxième meilleur ami, celui que j'ai abandonné, a remué ciel et terre pour moi.

J'ai tellement été accablé de douleur et de chagrin que je n'ai pas pensé une seconde à ce que lui pouvait bien ressentir, alors qu'il connaissait Jared depuis des années. Thirty Seconds To Mars aurait dût fêter ses vingt ans dans quelques mois.

Je me rappelle que Jared disait toujours: Tomo et Shannon ont cette relation bizarre. Ils rigolent toujours pour tout et n'importe quoi. Quand j'entre dans une pièce, il y a le silence et ils se sourient mutuellement. La plupart du temps, je ne sais pas pourquoi.

Notre relation est si complice qu'on dit souvent que nous sommes frères de mères différentes... et ca a prêté à des rumeurs d'homosexualité et des ship bizarres avec la fanbase. On a préféré en rire.

Shannon: Ca va et toi?
Comment tu m'as retrouvé?

Tomo: t'as pas besoin de me mentir. Pas à moi... On s'y habitue pas.
J'ai mes secrets mon doudou!

Comment veut-il que nous soyons un peu crédible quand nous clamons que nous ne sommes pas gays s'il m'appelle comme ça?

Mais il a raison, et il sait que ça ne va pas. Et je le remercie de me rappeler que je n'ai pas besoin de faire semblant devant lui. Notre amitié est au-dessus de tout ça. Mais j'ai quand même trop mal pour lui en parler à coeur ouvert.

Tomo: Je peux te rejoindre? Est-ce que tu veux me voir?

Suis-je prêt à renouer avec mon passé proche? Suis-je prêt à partager mon chagrin avec quelqu'un d'autre qu'une fille dépressive sirotant un thé à la menthe en combinaison dinosaure?

Je ne pourrais pas toujours me défiler, et derrière la colère et la peine, il y a cet élan d'un bonheur presque oublié qui me transperce douloureusement.

Shannon: Quand tu veux bro.
Je suis à Londres.

- Tomo va venir à Londres, dis-je à Jai, avant de me rendre compte qu'elle dort.

Je suis pris d'un regain d'énergie soudain qui contraste avec les évenements des jours précédents, si fort que je laisse un post-it sur le front du dinosaure endormi avant de sortir avec les chiens, qui s'emmêlent et tirent dans tous les sens. Heureusement que j'ai l'habitude.

Alors, dans la grisaille Londonienne, j'aperçois un rayon de soleil qui tente de percer à l'horizon. A des milliers de kilomètres de moi, mais visible.

Ma lumière au bout du tunnel.