Chapitre 31 [Jai]:

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Je me réveille en même temps que le soleil, qui traverse les fins rideaux gris. J'ai trop chaud.

Normal, Shannon me tient dans ses bras, comme si j'allais m'échapper. Je rougis en contemplant le bazar que nous avons mis hier soir et cette nuit.

Ce matin, je me sens bien. Peut-être que plus tard, je me détesterai d'avoir fait ça, mais pour le moment, je désire sa tendresse, je la désire de toutes mes forces.

- Hey, dit-il en embrassant mon omoplate.

- Salut, dis-je doucement, gênée, en me retournant pour lui faire face.

- Café?

Il se tourne sur le dos et passe une main dans ses cheveux, les ébouriffant un peu plus, un petit sourire aux lèvres. Je réprime un horrible baillement.

- Me brusque pas... Je suis k.o.

- C'est que j'ai bien fait mon travail, sourit-il, fier de lui.

- Sale macho plein d'orgueil...

Il rit et se redresse sur un coude pour m'observer, sérieux. Mes yeux dérivent sur son torse et le tatouage sur ses côtes droites, qui représente le logo d'un de leurs albums, un cercle fleché avec trois têtes de mort.

- Plus sérieusement, ça a été?

J'aime ses yeux marrons. J'aime ses longs cils et la façon dont il sourit en coin. J'aime ses sourcils et la façon dont sa barbe ne pousse pas pareil partout... Je ne devrais pas, vraiment pas, aimer tout ça.

- Ouais... Bien, c'était bon.

- Cool... je passerai bien la journée au lit!

Je regarde ma montre, et mon coeur tombe dans ma poitrine. Je bondis du lit, paniquée, sans me soucier de ma nudité, et cherche mes vêtements, éparpillés partout.

- Il t'arrive quoi, femme? T'as le diable à tes trousses?

- Meeeerde, Shan, je suis tellement en retard au boulot!

Il éclate de rire et me balance un oreiller à la figure en se blotissant à nouveau sous la couverture. Ok, j'ai une chaussette disparue et une culotte introuvable. Une bonne journée qui s'annonce, à mon avis, c'est un combo porte-malheur.

- Je peux te rappeler que ton planning est accroché derrière la porte et que tu ne bosses pas les samedis impairs?

- Tu connais mon emploi du temps mieux que moi, c'est quoi ton problème?

- L'ennui, très probablement. Maintenant, reviens ici...

A la base, si je lui ai filé une copie de mon planning, c'est pour qu'il sache quels jours je bossais à la bibliothèque le soir, indiqués par des étoiles. Je ne pensais pas qu'il allait l'imprimer et l'accrocher à sa porte. A mon avis, il a dût cocher tous mes soirs vides en mettant la mention café.

J'abandonne la recherche de mes vêtements et me glisse à nouveau au chaud, près de lui, sans le coller, comme avant. Et maintenant?

- Shan?

- Quoi?

- Rien.

J'éclate de rire tandis qu'il sort la tête des draps, faussement furieux. Je ne peux pas m'empêcher de faire des blagues à la con, surtout quand je suis fatiguée.

J'ai à peine le temps de cligner des yeux que je me retrouve clouée sous lui, maintenue par les poignets.

- Tu vas me le payer.

- Non.

- Ah ouais? Et pourquoi pas?

- Parce que tu te retrouveras en prison avec des mecs chelou qui pratiquent la sodomie avec violence...

Il rit, et je l'embrasse, profitant qu'il m'ait relâché pour prendre son visage en coupe dans mes mains. Il me regarde dans les yeux, ébahi, comme si il n'y avait que moi sur cette terre, comme s'il arrivait à lire à travers ma chair et mes os, comme s'il voyait la vraie moi que je ne connais pas moi-même.

Une larme coule le long de ma tempe sans que je n'ai pu la retenir.

De ses doigts, il parcourt chaque centimètre carré de ma peau, pas dans un but sexuel. Je comprends vite qu'il s'intéresse à mes tatouages, trop nombreux pour une fille de vingt ans. Je ne suis pas prête à lui raconter l'origine de tous.

Il les compte silencieusement, les regardant attentivement, comme si c'était des oeuvres. Ce ne sont que des dessins, des phrases, des symboles... soit pour me rappeler, soit pour ne plus me mutiler à certains endroits, soit pour le simple plaisir de la douleur.

J'aime avoir de l'encre sous ma peau, j'aime que mon corps soit un carnet... me dire que tout le monde avait tout sous les yeux pour connaitre mes secrets les plus profonds, et qu'ils n'ont rien pigé.

Pour faire taire mes pensées, je l'attire à moi et l'embrasse à nouveau, cédant à sa bouche, à ses mains, à sa chaleur.

Je n'ai pas le droit de le désirer. Et il n'a pas le droit de me désirer...

- J'ai envie de toi, gémit-il.

Course Contre La VieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant