Chapitre 38 [Shannon]:

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Il était temps que je vienne. Après le week-end entier sans avoir la moindre nouvelle, j'ai décidé que la situation pouvait être grave.

Et puis, aujourd'hui, c'est Noël.

Jai est vêtue d'un jogging et d'un vieux t-shirt noir, et je me demande si elle n'a pas passé le week-end allongée sur le tapis du salon. A priori, si. Elle n'a dût sortir que pour promener Lupin et Boo.

- Viens avec moi, t'as besoin d'un bon bain chaud, t'es glacée.

J'ai l'impression d'être face à une gamine sourde et muette, mais à l'évocation du bain, elle se rebelle et secoue la tête de gauche à droite, si fort qu'elle manque de tomber.

- Non, non, non, non, non. Tu ne viens pas avec moi!

- Quoi? Pourquoi?

- Parce que...

Elle ne cherche aucune excuse, et se contente de détourner le regard avant d'aller à la salle de bain. Et il me faut plus d'une minute pour que mon esprit percute.

- Je te donne pas le choix, Jai.

Je prends son menton entre mes doigts pour être sûre qu'elle me regarde dans les yeux, comme à une gamine, puisqu'elle a l'air de ne comprendre que ça.

- Si c'est ce que je pense, t'as pas à te cacher. Pas de moi. Et même si je suis déçu que tu ais préféré te bousiller encore une fois plutôt que de m'en parler, t'as pas à me jeter comme ça.

- Te mêle pas de ça, Shan.

- Que ça te plaise ou non, je suis là. Arrête de me rejeter à chaque fois que je te tends la main...

Elle inspire profondément, et je passe mes mains sous son t-shirt pour lui enlever, avant de tirer sur l'élastique de son jogging. J'ai peur de découvrir ses cuisses, peur de lui faire mal... et pourtant, je m'agenouille pour l'en débarrasser.

- T'es pas un monstre, dis-je en embrassant sa hanche gauche.

- Alors je suis quoi?

Un, deux, trois, quatre, cinq, six coupures sur la cuisse gauche. Sept, huit, neuf, dix, onze sur la droite. Onze coupures larges, couvertes de sang séché, récentes sans que je ne puisse les dater.

Je me relève, mes genoux craquent, et je la tourne face au miroir. Je suis derrière, les mains sur ses hanches nues. Elle détourne le regard de son reflet.

- Tu es quelqu'un qui a besoin d'aide.

Ma voix n'est qu'un murmure, et ses mains se posent sur les miennes. Sa tête bascule contre ma clavicule.

- Je ne veux être personne.

Je n'ai rien à répondre face à ces paroles crues. Elle plonge dans l'eau chaude et ne bouge plus, me regardant en coin. Elle demande silencieusement ma présence, alors je me déshabille.

A la lumière du néon et à cause de l'eau, le tatouage en couleur de son bras me parait plus vif. Elle ne veut pas me dire ce qu'il représente, ni à qui sont ces dessins. Je déteste ne pas savoir, je me fais pleins de films.

- Pourquoi tu es là?

- Pour toi.

- Et Tomo?

- Il fête Noël avec sa femme au restaurant. Je voulais les laisser tranquille.

Je l'attire contre moi, sur mes genoux, et passe mon index tout le long de sa cage thoracique jusqu'à cette cicatrice rose entre deux côtes.

- Ils vont avoir un enfant...

Je ne sais pas pourquoi je lui dis ça. Et dire que j'étais censé garder le secret! Elle hoche la tête, dit être contente pour eux, et pose son front contre le mien, ses mains crispées sur mes avant-bras.

- Je ne veux pas penser. Fais-moi oublier.

Je pourrais me traiter mille fois de débile, me dire que je profite de son état, je fais taire mon cerveau, y compris cette alarme qui me rappelle automatiquement de me protéger.

La vapeur flotte partout dans la pièce et rend l'atmosphère lourde. Je m'empare de ses lèvres avec violence et l'attire plus près encore alors que je m'enfonce en elle en grognant.

Nous ne faisons plus qu'un. Deux, mais pas deux. L'Unité est partout.

Mes neurones disjonctent un par un. Ses seins sont piles à la taille de mes mains. Elle gémit, la tête jetée en arrière, et je ne résiste pas au fait d'embrasser puis de mordre la peau fine de son cou, avant de serrer mes doigts autour.

Son sang cogne de toutes ses forces, et nos mouvements deviennent tellement saccadés que des vagues d'eau sont projetées partout autour de nous.

Puis tout se fige avant d'exploser en un million d'éclats brillants. Elle se contracte autour de moi, enfouit son visage dans mon cou et laisse échapper un sanglot, tremblante, la peau aussi moite que la mienne.

Je ferme les yeux un instant, vidé de mes forces, avant de la serrer contre moi.

Elle est vivante.

Je suis vivant.

Course Contre La VieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant