Chapitre 118 [Jai]:

100 9 0
                                    

- Shannon n'est pas là?

Je secoue la tête, épuisée d'une nuit sans sommeil. J'ai mal au dos et aux jambes, et je n'en suis même pas au septième mois. Je n'ose même pas imaginer l'état dans lequel je serai au dernier.

Constance m'étreint, comme à chaque fois qu'elle me voit. Je ne sais pas si je me lasserai un jour de la voir se comporter comme une mère à mon égard. Elle revient d'un long séjour avec quelques copines à elle. Elle aime bien la randonnée. J'ai dit que je me joindrai à elle une fois délestée de ce ventre qui n'en finit plus d'enfler.

- Comment va mon petit-fils?

Je souris et pose une main sous mon nombril par réflexe. Il s'agite comme si ma main était un punching-ball. Il aime tout particulièrement quand Shan tapote un rythme étrange avec ses doigts.

Et je peux être sûre qu'il s'immobilisera en entendant la guitare. Encore un futur musicien. Tomo lui parle, quand il vient, principalement pour lui dire des conneries.

- Il m'a martyrisé toute la nuit. Il le fait exprès, j'en suis sûre.

- Tel père tel fils, rit-elle. Shannon m'a fait le même coup toutes les nuits du cinquième au neuvième mois. A chaque fois que je m'allongeais un peu, je pouvais être sûre qu'il me démollirait les côtes.

- Je ne suis pas sûre de pouvoir tolérer encore cette insolence de la part des Leto.

- Où est le grand, d'ailleurs?

- Parti avec Tomo depuis ce matin. Il n'ont rien voulu me dire, grimacé-je.

Ils reviennent pourtant d'un voyage de deux semaines à travers le pays, où ils ont dit adieu aux fans. Bien sûr, ils donneront des nouvelles, mais Thirty Seconds To Mars est officiellement dissout.

Constance sourit doucement. Je déteste la façon dont elle fait ça, parce que quand son fils a le même sourire en coin, c'est qu'il prépare un coup en douce. Et c'est généralement une mauvaise blague, parce que Shan a un sens de l'humour plutôt... inexistant. Enfin, un truc bien à lui, et c'est tellement nul que je trouve ça mignon.

Je regarde le bazar au milieu du salon bas, ce mélange de carton, de polystyrène et d'outils divers. Shan et Tomo essayent de monter le lit à barreaux depuis hier.

C'est un carnage. Ils ne font que visser dans le vide, se taper sur les doigts avec un marteau ou assembler les mauvaises pièces. Et en plus, ils en rient tellement que j'ai trouvé des vidéos de cet exploit sur le insta de Tomo.

Sur le balcon, je regarde le ciel uniformément bleu. L'hiver n'existe pas en Californie. Ca ne me manque pas du tout. Bientôt, on quittera cette maison. Après la naissance du bébé, on quittera Los Angeles pour Bossier City.

- Saluuuuuuuut les filles, hurle Tomo. Hé, où est ma femme?

- Ici, crétin, dit Vicki, derrière lui.

Aksel, dont les cheveux noirs encadrent désormais le visage, me lance un sourire où perce deux dents. Assis bien droit dans son siège, il crachote sur Boo et Arès qui restent prudemment à distance de cette petite chose capable de leur tirer les poils.

- Salut toi, dis-je en m'agenouillant à sa hauteur.

Il sourit encore et lance un cri de joie perçant quand j'agite son hochet. Aksel entre dans cet âge intéressant où on peut mesurer ses progrès à chaque fois qu'on le voit. Shan lui met déjà ses baguettes de batterie dans les mains.

- Comment tu va, aujourd'hui? Demande Tomo.

- L'impression d'être une vache en position foetale ou un cachalot échoué, ça dépend des moments.

- Et mon filleul? Dit-il en se penchant à hauteur de ventre. Hé, bonhomme, comment tu va, dedans? Tu pourrais te dépêcher de sortir, on a envie de voir ta tête... Pour savoir si t'as la même tête de C.O.N que ton père.

- TOMO! Crie Shan. Pas de gros mots à mon fils, espèce d'attardé fini.

- TOMO, hurle à son tour Vicki. Je t'ai déjà dit de ne pas faire de queue de cheval à ton fils!

- Ils en ont tous après moi, grimace-t-il. Tu comptes me gueuler dessus aussi, future madame Leto?

Il se reçoit un oreiller en pleine figure. Shan lui lance un regard noir d'avertissement et se résigne à venir vers moi. J'enroule mes bras autour de lui, me presse contre son corps et sa chaleur rassurante.

- Hé, je viens d'y penser, commence à rire Tomo en se relevant.

- Ta gueule, Tomo, merde, dit Shan entre ses dents. Je vais finir par t'enfermer dans les chiottes!

- Deux gros mots, deux, lance Constance en jouant avec Aksel.

Quand il commence à être en colère, Shan a le corps qui semble vibrer. Je passe mes mains sur son torse et dans son dos, me réjouissant stupidement de simplement sentir sa peau contre la mienne. L'amour rend complètement crétin.

Tomo hurle de rire, ce qui fait rire son fils, ce qui fait donc rire Vicki et Constance. Shan esquisse un sourire mais m'entraine à l'écart, dans le couloir qui mène à l'étage.

- Prenez une chambre, hurle Tomo quand il nous aperçoit.

- FERME TA GUEULE TOMO, explose de rire Shan, pourtant tendu contre moi.

Sitôt la porte de la chambre fermée, je l'embrasse. Comme si c'était la première fois. Je me rappelle de tout ça. Il avait les lèvres froides. Il faisait nuit et froid. Il a éteint la lumière pour que mes cicatrices ne se voient pas. Pas dans un geste de dégoût, mais dans un geste pour me tendre la main.

Il ne trouve pas que mon corps soit moche, mais je n'aime pas ce que je vois dans le miroir. Aucune importance. Il est toujours là pour me rassurer.

Il attrape ma main droite, glissée dans son dos, et la pose contre son coeur. Il bat à un rythme sourd.

- Bon, Tomo a vendu la mèche, soupire-t-il. Tant pis... je me mettrai pas à genoux, Jai. Mais... est-ce que tu veux m'épouser?

Bordel.De.Putain.De.Merde.

Course Contre La VieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant