Chapitre 54 [Shannon]:

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- On va devoir trier les affaires de Jared, dit doucement ma mère. Voir ce qu'on garde et ce qu'on jette. Et vendre la maison.

J'essaie de ne pas ciller, de faire semblant d'être impassible, de regarder la suite de ce documentaire sans importance... mais mon coeur se met à battre si fort contre mes côtes que je ne crains de le voir exploser.

Je n'ai pas envie de retourner chez mon frère, pas en sachant que la maison est vide de sa présence. Trop dur. Il va pourtant falloir le faire, puisque c'est ce qu'il a indiqué dans ses dernières volontés.

- J'ai beaucoup de travail, cette semaine, marmonné-je.

Lâche.

Mon Dieu, je déteste être si faible! Même ma mère doit se rendre compte que je suis maintenant moins qu'un homme, que j'ai perdu un bout de moi et de ma volonté en cours de route.

- Shannon...

Sa voix est douce, basse, prudente. Celle qu'elle prend pour dire silencieusement "Ne me prend pas pour une conne, je sais très bien que tu passes la moitié de tes journées dans ton fauteuil".

- Il faut qu'on le fasse... J'ai déjà dit que j'attendais ton retour pour commencer, et Tomislav a dit qu'il viendra aussi.

- S'il te plait, maman... Je n'ai pas envie de parler de ça.

Sur la table basse encombrée de livres, mon téléphone sonne. Pour ne pas faire payer cher de forfait à Jai, je lui parle depuis facebook ou Skype. Je n'utilise plus ma page officielle, j'ai crée un compte personnel qui n'est qu'un désert.

Jai. K: Tempête dans ma gueule.

Je ne connais toujours pas son nom de famille, elle en utilise un faux sur facebook, pour éviter que des gens la recherche. Son deuxième prénom est celui de la sage-femme qui l'a mise au monde et s'en est occupée à la maternité.

S.C. Leto: Je sais... Désolé.

Jai K.: T'as pas à l'être.
Je voulais juste savoir si t'étais vivant.

Je ne suis même pas foutu de tenir la promesse que je lui ai faite à l'aéroport, et elle ne m'en veut pas... même si elle tient à nos appels, comme l'oasis dans un désert.

- Tu discutes avec qui? Demande ma mère.

- La curiosité est un vilain défaut, dis-je sans même lever le nez.

- Ce n'est pas ce que je t'ai appris... Si je me souviens bien, j'ai toujours été pour que vous exploriez de nouveaux territoires.

Je lève les yeux au ciel. C'est vrai, nous avons été élevés de la meilleure des façons, même malgré la pauvreté et notre mode de vie nomade. Jared et moi avons été aimés, et élevés dans un milieu gitan et artistique, et ma mère nous encourageait à toucher à tout et à rêver.

Et Jared est devenu le plus grand des rêveurs. A combien de personnes a-t-il redonné la foi? Combien de Jai ont tenu le coup grâce à la musique, notre musique?

S.C Leto: Je le suis... Mais dis plutôt que c'est parce que je te manquais... 😂

Jai K.: Aussi, oui 😂

Ah, vraiment? Elle ne montre ni marque d'affection ni sentiments, et je blaguais (et peut-être que je voulais savoir aussi) mais qu'elle me dise ça a pour conséquence ce sourire stupide qui s'étale sur mon visage.

- Tu es si transparent, ricane ma mère.

- Maman!

Je ne suis pas en colère, je veux juste qu'elle continue à sourire et à rire encore un peu... même si pour ça je dois faire le clown et des blagues nulles.

Depuis mon retour, il y a un mois, je ne l'ai pas vu sourire beaucoup. Elle passe de pièces en pièces comme un fantôme, me traite comme si j'avais de nouveau deux ans, passe son temps à s'occuper l'esprit pour ne pas penser, même si pour ça elle doit se tuer à la tâche.

Bon sang, elle n'a plus l'âge de s'occuper de son fils... mais elle refuse que je fasse le ménage dans ma propre maison, ou même la cuisine.

S.C Leto: Tu me manques aussi...

Parce que c'est vrai. Mais dans mon esprit, je suis torturé entre entretenir cette relation bizarre, ou la libérer peu à peu pour qu'elle vive avec un garçon de son âge qui pourrait lui donner ce qu'elle veut.

- Qui est cette fille?

Je lâche mon téléphone sous la crise cardiaque que je manque de faire. Ma mère, derrière le fauteuil, passe ses bras autour de moi, et je ferme les yeux un instant en inspirant son odeur; lessive, crème pour le corps et cuisine... Une odeur de maman.

- Une fille que j'ai rencontré à Londres. Une amie.

- Une amie, vraiment? Et est-ce que c'est sérieux, avec ton amie?

Voilà pourquoi je n'ai jamais voulu lui en parler. Parce qu'elle va vouloir la rencontrer à tout prix si je lui dit que c'est sérieux... sauf que je ne peux pas. Jai a vingt ans, ma mère risquerait de me tuer avant de m'enterrer dans une forêt pour avoir osé toucher une fille si jeune.

- Non, justement, c'est une amie!

- Oui, et on les connait tes amies, Shannon. Aussi bien qu'on connaissait celles de Jared... Enfin, justement, ils ne restaient pas assez longtemps amis pour que je puisse les rencontrer.

Jai K.: C'est triste.
Parce que je ne voulais pas m'attacher.
Mais je t'aime bien quand même.
Je dois y aller.
Bye.

Course Contre La VieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant