Chapitre 42 [Shannon]:

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- Salut Shan! Comme tu es beau! Joyeux Noël, s'écrie Vicki.

Je la remercie d'un hochement de tête, comme toujours trop timide pour accepter le moindre compliment. Tomo me serre dans ses bras et me tape dans le dos, et à sa tête, il ne s'est pas encore remis de la veille.

Je n'ai pas le temps de dire quoi que ce soit que Vicki a pris Jai par les épaules avant de lui faire la bise, toute contente. Je reste donc avec le doigt en l'air comme un crétin, arrivant trop tard pour prévenir de sa phobie.

- Aaaah, enfin je te vois! Crie Tomo. Waouh, t'as un sale accent, tu viens d'où?

Jai rit un peu. Impossible de reconnaitre celle qu'elle est d'habitude... sauf pour ce poignet qu'elle serre et frotte compulsivement sous la table.

- Je suis Française... Alors ouais, désolée pour mon accent.

- Mais quel malpoli, celui-là, s'exclame Vicki. Désolée, mon mari est un vrai crétin quand il s'y met!

Sauf qu'ils s'aiment énormément. Elle ne le pense pas, ils se charrient en permanence. Sous sa robe rouge, un petit renflement. C'est là que se cache le bébé, encore discret.

- J'ai encore une sale gueule de bois, je crois que j'ai besoin de prendre l'air. Shanny, tu m'accompagnes?

Je termine mon deuxième cocktail et abandonne les filles, prises dans une importante discussion sur la place de la femme dans cette société. Je suis content que Jai puisse parler à quelqu'un d'autre.

- Tu fais jamais les choses à moitié, hein?

Tomo s'appuie contre le mur du restaurant pendant que j'allume une clope, grelottant dans le froid humide.

- Elle est trop jeune, Shanny.

- Je sais...

Mais c'est la seule que je n'ai pas envie d'étrangler après cinq minutes de conversation ou de jeter après une nuit. Je sais que c'est vraiment con de ma part, mais Jai sait ce qu'elle fait.

Enfin, j'espère.

- Tu pensais à quoi? Qu'est-ce que tu fais avec une gamine qui pourrait être ta fille? Qui te dit qu'elle se fout pas de toi? Qu'elle n'est pas là juste pour le prestige ou le fric?

Je jette mon mégot dans le caniveau et souffle un dernier nuage de fumée, contemplant mon meilleur ami, qui ne saisit pas un instant l'ampleur des dégâts que Jai a limitée en entrant dans ma vie.

- Tu ne pourrais pas juste être heureux pour moi? Ca te ferait chier de me dire que t'es content que je sois là, même si c'est avec une gamine de vingt ans?

- Je suis juste inquiet, Shanny. Ok? Pardon si je t'ai vexé, mais je m'inquiète. Tu disparais pendant des mois sans nouvelles, jusqu'à nous laisser croire que t'es mort, puis je te retrouve là... Qu'est-ce que t'as foutu tout ce temps?

J'ai bu. J'ai hurlé, pleuré, frappé les murs. J'ai souhaité être mort. J'ai failli me jeter d'un pont et sous un train. Et il y a eu Jai.

Je ne réponds donc pas à Tomo, qui soupire. Il se remet à neiger doucement, et je songe à combien il a été dur de passer l'automne, de se lever chaque jour depuis ce coup de fil de Travis.

- Me pose pas de questions, Tommy. Ca a été dur... Mais ça va, et peu importe ce que je fous avec Jai, elle n'est pas là pour la gloire ou le fric.

- Ok... Allons retrouver ces femmes qui vont nous rendre dingues.

A table, le serveur nous attend pour la commande des plats. Jai prend ma main dans la sienne et me lance un sourire, que je sais à moitié faux.

- T'es gelé.

- Ca va, t'inquiète. T'as choisi?

- Ouais...

Je sais qu'elle mangera uniquement pour qu'on ne lui pose pas de questions. Il faudra qu'on la sorte de ce trou avant que ça ne devienne grave.

Je pense mettre en pratique ce à quoi j'ai pensé toute la nuit. Lui donner de petites quantités de nourritures, histoire que son estomac retrouve sa taille normale petit à petit.

Je n'aime pas voir ses côtes et son bassin. Ca me fait un peu peur. J'ai toujours l'impression qu'elle va se briser entre mes mains.

- Alors ça te plait, Londres, Jai?

- J'aime beaucoup, ça change de Paris et ses environs.

- Alors t'es déjà venue nous voir à un concert?

- Heu... non.

Elle a un sourire gêné et se frotte la nuque, là où les symboles de notre groupe sont tatoués. Le triangle est sur sa cheville, faisant office de distraction pour qu'on ne voit que ça et pas les cicatrices dessous.

- Je n'aime pas les salles de concert, parce que...

Trop de gens pourraient la toucher...

- ... je hais toutes ces filles qui hurlent. Oh mon dieu, je déteste ça.

Tomo éclate de rire, son rire de dingue, attirant l'attention de tous nos voisins les plus proches.

Je pose ma main sur la cuisse de Jai, lui lançant un regard en coin pour essayer de repérer à quel moment elle se refermera à nouveau dans sa bulle.

Course Contre La VieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant