Chapitre 83 [Shannon]:

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Sa peau est chaude sous mes doigts, une odeur de fer se répand sur mes lèvres. Les coupures sont effrayantes, coupant de biais celles qu'elle s'est faite le jour de sa...

Je ravale mes larmes, meurtri par son jeune corps qui exsude la souffrance intérieure et la difficulté de vivre.

Verrai-je un jour une facette plus lumineuse de Jai?

Toujours entre ses cuisses, je lui lance un regard. Elle blêmit. Elle s'en veut, se déteste, a la rage de vivre, et je m'en veux de ne pas pu avoir été là cette nuit, de ne pas l'avoir entendu se lever.

- Je t'aime, Jai.

Je ferme les yeux de stupeur. Merde, merde, merde! Je ne voulais pas lui dire dans ce contexte là! Que va-t-elle penser, maintenant? Que j'ai pitié d'elle?

Elle inspire un grand coup quand je remonte vers elle. Je vois son pouls battre fort à la naissance de sa gorge. La nervosité me laisse muet.

Son silence est pire que si elle m'avait frappé. Je voudrais lui crier de me dire quelque chose, n'importe quoi, mais elle se contente de garder le silence, ses yeux papillonnant de mes lèvres à mes yeux.

Et si elle ne ressentait rien?

Putain de merde! Je suis vraiment trop con, parfois. Je vais l'effrayer avec mes paroles débiles, alors que je viens de recevoir la confirmation pour son visa. Il ne me reste plus qu'à valider l'achat des billets d'avion, même si je veux aller en France avant, pour qu'elle se recueille sur la tombe de ses frères.

Je sais très bien qu'en retour, elle va me trainer sur celle de Jared, et peut-être que c'est ce qu'il me faut. Qu'elle m'y traine.

- Avant toi, j'étais juste... une ombre, chuchote-t-elle craintivement. Maintenant, j'ai l'impression de rêver.

J'ai appris à me faire au fait que Jai ne parle que quand elle s'en sent prête, et qu'elle lâche des bombes à chaque fois. A moi de les désamorcer... ou de la protéger des éclats.

- T'es mon rêve à moi.

Putain, elle m'a tellement apporté ces derniers mois. Est-ce qu'elle voit à quel point j'ai changé? A quel point l'homme que j'étais il y a six mois n'est plus le même?

- Mais ça me fait peur, Shan.

- Peur de quoi?

- Du réveil. De la chute. De tout, je suppose.

Je la serre contre moi, aussi fort que possible, pour qu'elle sache que je suis avec elle. Que je ne la lâcherai pas en pleine tempête. Ni aujourd'hui, ni demain. Que je serai là à son réveil, à chacun de ses réveils, et que je la rattraperai si elle tombe, quitte à tomber avec elle.

Je ne la renverrai pas seule aux enfers. Je ferai ce que je me suis promis, et on va s'éloigner des ténèbres ensemble, sans prêter attention à ce que diront les gens. Je sens une boule d'angoisse se former dans ma gorge à cette pensée.

Aime-moi Jai. J'ai besoin de toi autant que tu as besoin de moi.

- J'espère que tu comptes faire ta valise, dis-je doucement à son oreille.

Merde, je suis tellement excité à l'idée de l'emmener chez moi, de vivre avec elle, de lui montrer le coffeeshop, sûrement l'avoir rien qu'à moi, l'imaginer la voir lire dans le jardin, sous le grand sapin.

- Hein?

- On part après-demain.

Elle se relève brusquement, manquant de peu de me mettre un coup de tête, paniquée. Et son visa? Son boulot? Son billet d'avion? Et Cyan? Et Boo?

Je ricane, elle me frappe sur l'épaule et passe une main dans ses cheveux, ébouriffés de son sommeil agité, ses yeux reflétant l'incompréhension la plus totale. Je lui explique donc avec patience que Cyan s'est chargée du visa (non sans mal), que je m'occupe des billets, et qu'elle peut aisément lâcher son boulot minable. Grosse erreur.

- Il est peut-être minable, mais il me permet de gagner ma vie!

- Je sais, bébé. Désolé.

- Ne m'appelle pas bébé, grimace-t-elle. Je déteste ce genre de surnom.

- Désolé. Ne m'oblige pas à me répéter.

Elle me tire la langue comme une gamine et se recouche en soupirant, les bras derrière la tête. Je sais déja la leçon qu'elle va me faire: je suis un crétin et je jette l'argent par les fenêtres... Je sais ce que c'est d'être pauvre et de ne pas avoir les moyens de voyager, mais depuis que j'ai assez d'argent pour vivre trois vies, j'ai malheureusement tendance à l'oublier.

Je profite du fait qu'elle sorte avec Cyan et les chiens pour valider les billets. On dormira à Paris lundi, vu que notre vol est très tôt dans la nuit de lundi à mardi. Je déteste le jet lag.

- Hey maman.

A l'autre bout de la ligne grésillante, je l'entends sourire au son de ma voix. C'est le genre de truc qui me rend si heureux d'être son fils et sa fierté. J'ai toujours pensé que j'avais la meilleure des mères.

- Bonjour mon coeur. Comment tu vas?

- Bien... Et toi? Pourquoi tu m'appelles à cette heure-là?! Problème?

Je consulte ma montre, que je laisse à l'heure de Los Angeles. Il est six heures du matin là-bas, et même si elle se lève tôt, ce n'est jamais avant huit heures.

- Aucun problème, mais ton ami est venu pour me dire que ton chien était prêt. Il est devant moi, tu veux que je te le passe?

Un sourire niais s'étale sur mon visage. Un de mes voisins vendait des bébés huskies, j'en ai profité. Je crois que j'ai craqué sur Boo, mais il voulait les sevrer et leur apprendre la propreté, avant.

- Non, c'est bon. J'arrive mardi. Tu penses que tu peux faire la nounou jusque là? Dis-je en riant.

- Bien sûr, chéri. Tu lui as donné un nom?

- Ouais. Il s'appelle Arès.

Course Contre La VieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant