Chapitre 98 [Jai]:

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- Joyeux anniversaire, Jai, s'exclame Vicki.

Je la remercie d'un sourire gênée. Shan a invité Tomo et Vicki pour qu'on fête ça, même si ça ressemblera plus à un repas qu'à une fête d'anniversaire. Je ne tiens pas à ce qu'ils applaudissent quand je soufflerai mes bougies en souhaitant être morte.

- Salut, bienvenue dans le cercle des vieux, renchérit Tomo. Tu veux bien me tenir le monstre? J'ai mis ton cadeau dans son sac, et je suis tellement un boulet que je ne peux pas faire deux choses à la fois.

- Belle définition d'être un homme... Rit Constance en arrivant à son tour. Joyeux anniversaire, Jai.

Je me sens minuscule en sachant qu'ils sont tous là pour moi. Aksel, dans mes bras, gigote dans son sommeil. Une touffe de cheveux se dresse sur son crâne, plus impressionnante chaque jour.

- Je pourrai bientôt lui faire une couette, se réjouit son père.

Il se reçoit une claque sur la tête par Vicki, qui passait derrière avec une grosse boite en carton.

Au même moment, Cyan lance un appel messenger, que je prends au salon, loin des discussions joyeuses dans la cuisine. Arès et Boo s'approchent du bébé, curieux de cette petite chose.

- JOYEUX ANNIVERSAIRE PETITE PUTE! CA CRAINT QUE TU SOIS PAS LÀ! OOOOOH LE PETIT BÉBÉ!!

- Heu... merci, ricané-je. Ouais, je sais. Mais mon patron est un sale con, je n'ai pas de vacances.

Le patron en question me rejoint, heureux de revoir son filleul.

- Salut Cyan, dit-il en prenant Aksel.

- Salut Chat-non... Ah au fait, meuf, j'ai bien avancé dans mon livre, je t'enverrai le brouillon pour savoir ce que tu en penses.

J'acquiesce, ravie. On échange quelques nouvelles, je prends des nouvelles des garçons et de son boulot. Tout va bien pour elle, à Londres, mais elle me manque. On a jamais été si loin l'une de l'autre.

- Quand tu dis "bien avancé", c'est de l'ordre d'un paragraphe et demi ou plus?

- Tu verras, sourit-elle. Ouais, tu verras...

- J'aime pas quand tu prends cette voix débile, ça me rappelle quand tu t'es cassé la gueule... Tu te rappelles, à notre randonnée en CM2?

Elle grimace mais ne réplique pas, puis quitte la conversation de façon toute aussi mystérieuse. On dirait qu'elle me cache quelque chose.

- T'as vu ça, il porte déjà un jeans, dit Shan. Il est tout petit! Et ça, nan mais c'est sûr que c'est Tomo qui lui a acheté des Nike!

Je ris de son ébahissement. Aksel parait encore plus petit dans les bras de Shan, mais il ne parait pas perturbé par nos commentaires sur ses vêtements.

- Ooooooh regardez-moi ces tourteraux! S'exclame Tomo. Evitez de voler mon fils, surtout toi, Shanny. Si tu veux, je t'en fais un.

J'éclate de rire quand Shan fait semblant de vouloir embrasser Tomo.

L'ambiance est légère pendant le dîner, dans le jardin. Constance est ravie de pouvoir s'occuper d'Aksel, c'est à ce moment que je me rends compte qu'elle ne demande qu'à être grand-mère.

Je reste crispée sur ma chaise, gênée par ce tiraillement dans le ventre, angoissée comme à chaque fois que je franchis une année de plus.

Plus tard, Tomo prend un appel. Vicki s'éclipse dans le salon pour allaiter le bébé, et Shan somnole au soleil. J'ai la gorge qui brûle, un goût acide de bile dans la bouche. Pour évacuer mes pensées idiotes, j'écoute Tomo dire à Shan que leur rencontre avec les fans a été reportée à lundi. Il s'envolera donc pour New-York demain.

- Ca va durer des heures, grogne Shan. On repart quand? Lundi soir?

- Mardi matin.

- Je ne peux pas laisser Jai et ma mère gérer le café seules... je suis sûr qu'elles trouveront le moyen de le faire exploser! Râle-t-il.

- Heu... merci de la confiance, dis-je. Je trouverai le moyen d'y mettre le feu, t'en fais pas.

Constance rit. Mais Shan est vraiment de mauvaise humeur. Il ne veut ni partir de Los Angeles ni laisser le café. Tout ce qu'il veut, c'est rester dans son coin.

Et le lendemain, c'est pourtant avec un sourire aux lèvres qu'il part à l'aéroport. Je ne peux pas l'accompagner, parce que je dois tenir le café, un peu angoissée de son absence.

- Ca va aller, dit-il. S'il y a un problème, tu m'appelles. Va chez le médecin, j'ai mis son numéro sur le frigo... oh, et dis à ma mère de ne PAS repasser toutes mes fringues en mon absence!

- Ca va aller, dis-je la gorge nouée. Tu ne pars pas quinze jours.

- Au moindre problème, répète-t-il contre mes lèvres. Tu ne regardes pas le décalage horaire, tu me joins. Je compte sur toi.

Comment peut-il me faire confiance alors que je ne me fais pas moi-même confiance? Je hoche pourtant la tête, le coeur lourd. Je déteste qu'il parte, mais jamais je ne me mettrai entre lui et son travail. Je passe après tout ce qu'il a construit.

- N'oublie pas d'appeler le médecin.

- Ca va déjà mieux, t'en fais pas. On a sûrement mangé trop épicé hier.

Il n'est pas convaincu, mais il fait semblant. Je scelle mes lèvres aux siennes pour le faire taire. Mes mains se baladent à l'orée de sa ceinture.

- On est en public, sale perverse, grogne-t-il.

Puis il part vraiment, suivi par les fans habituelles. Je ne me soucie même plus de les voir trainer ici à longueur de journée. Je m'inquiète plutôt de les savoir se battre pour avoir Shan dans leur lit. Elles me haissent. Elles pensent que je suis une usurpatrice.

Je n'ai pas honte d'avoir menti au monde entier pour pouvoir partager son lit. Ai-je menti, d'ailleurs?

L'après-midi est calme, j'en profite pour remplir mes papiers. Je n'ai qu'un visa visiteur pour le moment, qu'on a renouvellé. C'est compliqué d'avoir le visa S, presque impossible. Et il me faut un numéro de sécurité sociale.

Course Contre La VieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant