Chapitre 36 [Shannon]:

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Jai est partie avant même que le soleil n'ait fini de se lever, sans me réveiller, et m'a juste collé un post-it sur le front et dessiné une bite sur le miroir de la salle de bain pour toute preuve de son passage.

Cette fille me tuera.

Pour éviter que Tomo ne trouve quelque chose à dire quand il ramènera son cul de Croate ici, j'ouvre les fenêtres et me force à faire le lit correctement. On dirait que j'ai encore seize ans et que j'ai fait le mur pour ramener une fille à la maison.

Ma mère finissait toujours par le savoir. La honte.

- T'es vraiment le pire, Shanny, éclate-t-il de rire quand il arrive.

- Quoi?

- A chaque fois que tu te fais quelqu'un, tu fais ton lit et ouvre la fenêtre! Bon, tu vas me dire qui c'est? Je la connais? Tu peux ramasser les capotes par terre, s'il te plait?

J'aimerais que le sol s'ouvre et m'engloutisse à l'instant, mais il rigole tellement de son rire bizarre que je suis obligé de rire aussi. Jared faisait exprès de le faire rire en tournée, parce que c'était le fou rire assuré pour tout le monde.

Il décide peu après d'aller au café dans la rue à côté, le S&M, qui n'a rien à voir avec un lieu sadomaso... et ce que je redoutais depuis des mois est arrivé.

Un paparazzi et quelques fans sont rassemblés devant l'hôtel. Je suis submergé d'angoisse à l'idée de sortir. Merde, je n'ai pas envie de les voir! Tomo pose une main sur mon épaule avant de m'entrainer avec lui, tout en gueulant qu'il ne veut pas de photos, alors que je tire sur ma capuche pour cacher un peu plus mon visage, regrettant d'avoir pris mes lunettes de vue plutôt qu'une paire de solaires.

- Désolé, je crois que c'est mon arrivée qui t'as grillé.

- Ca devait arriver, dis-je en grignotant mon muffin. Alors, qu'est-ce que tu voulais me dire?

Il a son légendaire sourire de gamin alors qu'il fouille dans son porte-feuille pour en déplier une feuille A4... qu'il me tend. Un fond gris et noir... et au milieu, un tout petit bébé qui ouvre son poing devant son visage. Je vois chacun de ses doigts.

- Non?

- Si!

Je me lève en faisant crisser ma chaise, mais rien à faire, et le prends dans mes bras en lui tapant dans le dos, heureux pour lui, pour eux, et pour ce bébé qui aura sans doute les meilleurs parents du monde.

Il rit, je le félicite, et pendant un instant, je me revois le prendre dans mes bras après son mariage, ou sur scène, ou à chacun de ses anniversaires, ou sans raison. Mon frère. Je vais être un oncle.

- Merde! Félicitations, bro! Il va naitre dans combien de temps? Un garçon ou une fille?

- On a encore six mois avant de dire adieu à la tranquilité, dit-il en riant. Et on ne sait pas encore, trop tôt.

- Et Vicki? Pas trop malade?

- Non, mais elle passe sa vie à dormir. Partout. Tout le temps. Je te jure, mec, une vraie narcoleptique... Ah, et elle chiale pour tout et n'importe quoi. La dernière fois, elle a chialé parce que le chien avait bouffé une coccinelle. Une putain de coccinelle!

J'éclate de rire, frappé par la nouvelle. Une nouvelle vie. Un bébé. Un tout petit bébé.

- On avait abandonné tout espoir que tu sois père un jour... mais bon, tu compensais avec des chats!

- Hé, fais attention de comment tu parles de mes bébés! Et ça a pas été facile, mec. On en voulait un depuis longtemps.

Il ne m'avait jamais parlé de ça. A aucun moment, il n'a abordé la question d'une envie de créer une famille... chacun ses secrets. Je ne veux pas lui dire que je comprends à quel point ça a été dur pour lui, parce que ce n'est pas vrai, je ne comprends pas.

Et je ne veux pas commencer à m'interroger sur ma fertilité.

- Du coup, on va déménager pour avoir une baraque plus grande... je vais en profiter pour avoir une cuisine plus fonctionnelle!

Je ricane.

- Pour faire des tartes aux pommes sans pommes?

Un fou rire nous prend, bruyant, si sournois que j'en suis tout étonné. Je peux encore rire. Le monde ne s'est pas arrêté de tourner parce que j'ai perdu mon frère... Tout n'est pas en deuil parce que je le suis, et tout n'est pas triste parce que je suis dans un état pitoyable niveau sentimental.

Course Contre La VieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant