Chapitre 110 [Jai]:

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Un bruit sourd et le son d'une chute me sortent de ma rêverie. J'arrête le gaz et me rue au salon, là où Tomo et Shan jouent... sauf que Shan est étalé au sol. Je pense d'abord qu'il s'est pris les pieds dans les trois marches qui surélèvent le salon, mais Tomo a vite fait de ne plus rire.

- Qu'est-ce qu'il a fait? Dis-je en soulevant la tête de Shan, inconscient.

Une grosse bosse commence déjà à prendre place sur son front, des bouts de verre crissent sous mes chaussettes, du soda est répandu partout là où les verres se sont brisés.

- J'aurais peut-être pas dût, dit Tomo, gêné.

- Va chercher une poche de glace et la serpillère, dis-je en lui jetant un regard noir.

Je ne suis pas assez forte pour trainer Shan sur le canapé, surtout que je risquerais de le blesser sur le verre. Tomo m'aide et j'appuie la poche de glace sur son front en passant ma main sur sa joue.

- Qu'est-ce que vous avez fait?

- Je lui ai peut-être dit... hmm... discussion de mec, tu peux pas comprendre.

Ma voix est glaciale, plus que je ne le voudrais, mais l'inquiétude bloque toutes les autres émotions. Je n'ai pas entendu leur conversation, j'étais trop occupée à me changer les idées.

- Bon, ok, je lui ai peut-être dit que s'il y allait trop fort, il pourrait sentir le bébé... mais c'était UNE BLAGUE! CONSTAAAANCE, hurle-t-il soudainement.

Constance ne met pas longtemps à venir, et elle se rue sur son fils en manquant de glisser sur le sol que Tomo éponge.

- Tomislav, espèce d'idiot! Tu veux bien arrêter de lui mettre de telles idées dans la tête?

Ouais, ça serait bien, déjà qu'il ne me touche plus. Je n'ai pas envie en plus qu'il s'évanouisse à chaque fois qu'il y repensera.

Shan reprend doucement ses esprits en gémissant, une main sur le front et l'autre crispée sur le ventre.

- J'ai envie de vomir, gémit-il. Aidez-moi à me lever, je vais gerber!

Vicki a le réflexe de me lancer le seau vide, et Shan y plonge la tête. Tomo a un haut-le-coeur et s'excuse avant de se précipiter hors de la pièce en emportant son fils. Je manque moi-même de vomir, mais je repense à toutes les fois où Shan était là, à me nettoyer la bouche et à éponger la sueur de mon front, quand j'étais malade, au premier trimestre.

- J'ai froid...

J'échange un regard inquiet avec sa mère. Je ne me rappelle plus si un évanouissement, des frissons et des vomissements sont un signe de traumatisme crânien, et je sais qu'il déteste profondément les hôpitaux. De toute manière, le repos est le seul remède à ce genre de chose.

- Je vais t'aider à prendre une douche, murmuré-je. Et je te mettrai au lit. Tu te sens de te lever?

Il hoche la tête mais s'appuie à moi tout le long du couloir, trempé de sueur, le teint gris, frissonnant et gémissant. Autant faire couler un bain. Je jette ses vêtements dans la panière à linge et sors l'arnica de la pharmacie. Il grimace quand la pommade froide s'étale sur son front, qui vire maintenant au bleu roi.

Les rôles s'inversent. Je mets toute ma douceur et mon amour à le laver et à le réchauffer, pour lui faire passer un message qu'il m'est toujours difficile de lui dire. Je le pense pourtant. Je le ressens.

Mais je me sens toujours loin derrière lui.

- Tu vas l'aimer plus que moi, hein?

Je termine de lui sécher le dos et lui lance un regard à travers le miroir. Il parle du bébé. Il n'en parle jamais trop. Le médecin a dit que les pères ont du mal à se projeter dans leur rôle avant la naissance, et que le mieux était de faire participer Shan, de lui dire ce que je ressens...

- Non, dis-je en posant mes lèvres sur la Terre. Je vous aimerai au même point, mais différemment. Il sera mon fils, et tu seras mon mari...

Puis je secoue la tête, honteuse, les joues rouges.

- Enfin... tu vois, quoi. Arrête de t'inquiéter, Shan. Je suis là. On sera une famille.

Mais je ne lui dis pas que les familles se déchirent souvent. Il le sait déjà.

Il se laisse habiller. J'aime bien faire ça, je me sens à ma place. Je ne me sens pas soumise, juste aimante. Je prends soin de lui, qui a tant pris soin de moi sans jamais rien demander en retour.

Il ne demande jamais rien, mais ses yeux crient au secours. Rien d'autre. Il ne fait jamais part de ses doutes, de ses peurs. Je ne sais pas trop ce qu'il ressent. Maintenant seulement, je comprends que devenir père l'angoisse.

Shan endormi contre moi, je cède à la tentation de voir ce que disent les gens sous son dernier post instagram. Mon ventre. Reposté des dizaines de fois sur les comptes de fans.

@shannonleto Bébé en provenance de Mars! 🎉💖 J'espère qu'il sera aussi bon que moi à la batterie😂 Merci à ma moitié pour ce fabuleux cadeau! #I♥U

Shomoisreal: Je voulais qu'il fasse un bébé avec Tomo 😂🍌 mais félicitations 🎉

FuckLikeJaredLeto: ooooooh c'est chouu! On va enfin avoir un bébé Leto!

ItalianEchelon: C'est la fille anglaise? Psk son compte insta est privé et elle accepte personne.

ThatWhatSheSaid: Abusé 😱 ils sont ensemble depuis quelques mois et bam, déjà un bébé! Je suis sûre que Shan en a d'autres, de toute manière.

BlackHole: Je suis sûre qu'elle est tombée enceinte juste pour le piéger!

FrenchEchelon: Félicitations 🎉🎉 aaah beaucoup de rageux ici 😂

LetoLover: OMG 😱😍

Tomofromearth: pour info, Jai est française. Félicitations mes bichons 😘

Sophie avait raison.

Peu importe ce qu'ils disent. Je sais qui je suis. Shan m'a choisi. Je suis au-dessus de tout ça. Ils ne peuvent plus détruire notre empire.

Course Contre La VieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant