Chapitre 60 [Shannon]:

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Le vol a été long. Ma main me fait moins mal que ces derniers jours. Je ferai enlever les points dans quelques jours.

Je cherche Jai des yeux, impatient à l'idée de la revoir.

Ma mère avait l'air terriblement déçue à l'idée que je ne sois pas là pour le jour de mon anniversaire. Peu importe, je n'ai réellement pas l'intention de le fêter.

Puis elle est là, au milieu de toute cette foule, les mains enfoncées dans les poches de son jeans noir. Un sourire éclaire son visage dès que je m'approche.

Mais je suis complètement bloqué. Dois-je l'embrasser ou non? Heureusement, je n'ai pas à réfléchir, puisqu'elle me prend dans ses bras et rit doucement.

- Bon retour sur la planète dingo.

- Content d'être là.

Je ne suis pas expert en compliments, je ne sais jamais comment dire ça... mais si j'avais été moins débile, je pourrais lui dire à quel point son parfum fruité m'a manqué, comme l'odeur de sa peau ou la couleur claire de ses yeux.

- Comment va l'estropié? Ricane-t-elle.

- Plutôt pas mal, si on excepte le fait qu'un estopié est quelqu'un qui a un problème avec ses pieds.

- Simple question de point de vue. Nos mains servaient aussi de pieds, à une époque.

Je lui pique son bonnet pour le mettre sur ma tête, ayant laissé le mien dans ma valise. La sortie se fait sans encombres, et je retrouve le paysage familier de Harrison Street. Elle a refusé que je reste dans une chambre d'hôtel.

- Jai?

- Mmh?

- Rien.

- C'est ma blague, espèce de goujat!

Je ricane et la dévie de mon chemin alors qu'elle essaie de me sauter dessus. A cette heure-ci, elle devrait encore être au travail, mais n'a eu aucun scrupule a poser une demi-journée pour m'accueillir. Les chiens ne sont pas encore là, puisque Cyan les récupèrent chez Dan et Phil après le travail. Pire qu'un gosse chez la nounou.

- Fais attention, petite insolente.

- Ou sinon quoi?

Elle croise les bras sur sa poitrine, appuyée contre le mur, un sourire en coin. Sa chambre n'a pas changée. Au fond, je pensais que tout serait différent depuis mon départ, mais c'est comme si j'étais venu hier.

- Sinon, ça...

Un, deux pas. Je l'embrasse comme un désespéré. Je retrouve la sensation de son corps contre le mien, de son souffle chaud contre mon cou, de ses mains qui se baladent sous mes vêtements. Je suis revenu parce qu'elle me manquait, parce que son absence me bouffait cruellement.

Comment une si petite femme peut-elle prendre tellement de place dans ma tête?

- Je vais être insolente plus souvent, chuchote-t-elle en retirant mon t-shirt.

- N'y pense même pas.

Je l'attire jusqu'au lit et la contemple quelques instants, dans son plus simple appareil, haletante, alors que je retire mon jeans en toute hâte.

Et enfin... retrouver ses mains qui glissent sur mon corps, ses ongles qui s'enfoncent dans ma peau, sa bouche sur la mienne, son souffle contre mon cou, sa chaleur autour de moi, mon prénom chuchoté de sa bouche insolente.

A cet instant, elle est mienne. Peu importe ce que je pense ou ce qu'elle ressent.

Puis, sous les draps, je caresse son ventre, ses côtes, son bassin. Je m'émerveille de ne plus sentir ses os.

- Tu as repris du poids...

- Hmm.

- Et j'adore ça, dis-je en me glissant hors de sa vue.

Plus tard, je suis réveillé par la douleur dans ma main. Jai n'est plus à côté de moi, je l'entends parler avec Cyan. Boo dort sur le tapis, agitant une de ses pattes arrière.

Je me dirige donc vers la pièce à vivre, avant de réaliser que je suis nu. Je gobe donc mon antidouleur et enfile mon pantalon et un t-shirt avant de saisir mon téléphone tout en consultant le calendrier de Jai.

Elle a un rendez-vous jeudi, marqué d'une croix rouge. Et un qui se répète tous les mercredis, sûrement sa psy. Je suis content qu'elle la voit, parce qu'elle a l'air bien, ces temps-ci, même si je sais que ça ne veut rien dire.

- Salut, Chat-non, lance Cyan. Bien dormi?

- Plutôt pas mal, ouais, ricané-je, laissant planer notre sous-entendu.

- Bande de pervers, soupire Jai. Je vais me doucher, prévenez-moi quand vous en serez à la section météo.

- Pas si vite, je viens avec toi.

- N'efface pas mon dessin sur le miroir, braille Cyan en se faisant un sandwich.

Comme à chaque douche, je suis forcé d'emballer ma main dans un sac et la laisser hors de l'eau, et la douche se passe donc dans une ambiance platonique. Y'a pas pire tue-l'amour que des points de suture.

Puis j'annonce à Jai que j'ai prévu qu'on aille manger en ville, et elle se fige en plein mouvement, la tête coincée dans son t-shirt, comme une gamine. Je résiste à la tentation de lui mettre une pichenette.

- Genre un rencard?

- Ouais.

- Ah.

- On peut sauter la case "pas le premier soir", dis-je avec un sourire.

- Mon Dieu, Shan! Et moi qui croyais qu'un homme de ton âge savait un peu se contenir! T'es sûr que tu n'as pas une ordonnance pour du viagra?

Elle éclate de rire et sort de la salle de bain avant que je n'ai pu l'attraper.

- Je n'ai aucun problème d'érection, crié-je à son intention.

- Ravie de le savoir, ricane Cyan.

Dans la chambre, j'assiste à une bataille des plus étranges entre Jai et Boo. Jai ouvre un tiroir de sa commode, que le chien referme aussitôt avec sa patte. Et je la regarde pendant cinq minutes avant de ricaner et d'attirer Boo à moi pour qu'elle puisse se préparer.

En la regardant, je me dis que j'ai encore le choix. Je peux encore m'en sortir sans trop de dégâts.

Course Contre La VieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant