Chapitre 56 [Shannon]:

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Elle frappe ma main, agacée. Je lui jette un regard noir et reprend mon pianotage de doigts sur la table.

- Appelle-la.

- J'ai déjà essayé!

Il est quinze heures, et Jai ne me répond toujours pas. Ca fait une journée complète. Vingt-quatre foutues heures. Et ma mère en a marre que je tourne en rond ou que je mette des coups de pieds dans tous les meubles.

- Tu es absolument sûr que ça va aller? Insiste-t-elle.

- Oui.

- Appelle-moi s'il y a un problème.

- Maman, tu vas juste en courses, pas à l'autre bout du monde! Je suis grand et vieux!

Son visage se ferme. Je sais que je l'ai blessée. Je déteste ça. Elle n'a rien à voir dans tout ça, et elle n'a pas à subir ma colère en plus de sa douleur.

- Désolé...

Je l'embrasse sur le front et la serre fort contre moi avant de la laisser partir, croyant que je ne vois pas ses larmes. Je hais tout ça.

Je remets du bois dans le feu, plus par réconfort que par besoin de chaleur, et termine de rassembler les papiers de mon coffeeshop, que j'ai envoyé balader au sol ce matin. Il ne me reste plus qu'à attendre la réponse, et je pourrai contacter le propriétaire d'un café, qui vient de fermer.

Je prévois déjà les plans pour la rénovation, mais je suis tellement nul en dessin que je suis obligé de tout légender et indiquer pour m'y repérer.

Jai K.: T'excites pas comme ça.
Problème internet.
T'es pire qu'un père putain, 37 messages!

Rien que pour son mensonge, je devrais retourner à Londres et lui donner une fessée, histoire qu'elle comprenne bien que je n'aime pas le mensonge.

Quand j'ai vu qu'elle ne lisait pas mes messages, j'en ai envoyé un à Cyan, pour m'assurer que tout allait bien, et elle m'a dit que Jai n'était pas là, et qu'elle ne savait pas quand elle rentrerait.

S.C Leto: Jai... Je sais très bien que ta box internet n'a pas de problème.

Jai K.: Peux-tu aussi me dire où est-ce que j'ai mis mon t-shirt Batman? puisque tu as l'air d'être si au courant...

S.C Leto: Je déteste quand tu fais la gamine. J'étais inquiet, sale ingrate.

Jai K.: Et moi je déteste quand tu joues au flic. Je suis une grande fille.

Exaspéré, j'abandonne la conversation sans répondre. Tout serait si simple si je ne m'inquiétais pas en permanence pour elle. Je ne peux même pas lui faire confiance, puisqu'elle est son principal danger. Elle ne prend pas sa vie au sérieux.

Et en plein milieu de soirée, alors qu'il est cinq heures du matin à Londres, mon téléphone vibre à nouveau.

Jai K.: Je suis la pire des merdes, hein?
J'ai rencontré un psy, à l'hosto...
Et je pense que je vais aller la voir.

Je sens mon coeur tomber dans ma poitrine. Il lui a fallu quatre heures de mon silence pour me faire cette confession, et je sais combien ça lui coûte, parce qu'elle se sent débile et faible...

Mais la vérité creuse un trou dans ma tête à grands coups de masse. Le poids sur mes épaules pèse lourd. Je ne sais pas à quoi je pensais quand, en repartant, je me disais que Jai allait gérer.

Elle a encore une fois tenté de mettre fin à ses jours.

Voilà pourquoi elle m'a dit qu'elle ne voulait pas s'attacher hier, voilà pourquoi elle me l'a dit, tout simplement. Parce qu'en fait, elle me disait au revoir.

- Shannon? Ca va, chéri?

- Mmh... Ca va. Je suis juste... fatigué. Je vais aller me coucher.

Il est à peine neuf heures, ce n'est pas crédible du tout, mais ma mère a la gentillesse de faire semblant de me croire et me souhaite bonne nuit en m'embrassant sur la joue.

Dans le couloir qui mène aux chambres, les photos de mon enfance ont été agrandies et mises en cadre, comme dans mon salon, comme chez Jared. Certains soirs plus que d'autres, je suis angoissé de traverser ce couloir.

Au fond du couloir, sa chambre. A droite, celle de ma mère.

En me couchant, je repense à ce jour où Jared m'a parlé de fonder ce groupe auquel on rêvait tant. On était jeunes, on vivait ensemble dans un minuscule appartement avec des tas d'instruments.

Ce jour-là, j'ai compris que c'était ma seule chance de sortir la tête de l'eau, de faire la seule chose que j'aimais.

A cette période, je me sentais tellement vide intérieurement, je n’avais aucune confiance en moi. La musique m’a permis de trouver ma place. Et c’était quelque chose que je pouvais faire quand j’étais en colère ou triste, et aussi quand j’étais heureux. Ca m’a permis de laisser mes émotions s’exprimer, même quand je ne comprenais pas moi-même ce que je ressentais.

La musique m'a vraiment sauvé la vie.

S.C Leto: T'es pas une merde... 😞
Est-ce que c'est ce que je pense?

Jai K.: Façon de parler, Shan.
Oui... Je suis devenue immortelle.

S.C Leto: Quelle malédiction digne d'un mauvais Marvel!
Ca craint... Mais je suis content que tu ai décidé de parler à quelqu'un. Et si ça ne va pas, tu m'appelles.

Elle ne répond plus. Elle a dût s'endormir... et j'éteins la lumière en repoussant toutes les pensées qui m'assaillent.

Peut-elle vraiment être sauvée?

Course Contre La VieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant