Chapitre 34 [Shannon]:

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Tomo pousse un cri de ravissement sitôt il me voit après être sorti de l'aéroport. Il me serre dans ses bras comme une brute et je me raccroche à lui pour ne pas vaciller sous le poids de la joie et du chagrin.

Quand il me relâche, je vois à quel point il semble encore avoir vieilli.

- Tu n'est finalement pas venu avec Vicki? Demandé-je en prenant son sac à dos.

- Non, elle a préféré nous laisser seuls... Tu sais...

- Ouais. C'est sympa de sa part. Comment vous allez, à Detroit? Et toi?

Je lui indique la voiture que j'ai louée pour l'occasion et le laisse ranger sa valise dans le coffre avant de prendre la direction de l'hôtel, où je lui ai réservé une chambre, même si dormir ensemble ne nous a jamais dérangé. J'ai l'impression que tout a changé, qu'un mur nous sépare, nous, les deux frères de mères différentes.

J'ai une pensée pour Jai, qui a tenu à ce que je reste avec Tomo pendant toute la durée de son séjour. Je sais qu'elle fait ça pour que je reprenne pied, mais elle me manque quand même. J'ai passé presque tout mon temps avec elle depuis que je la connais, je n'ai parlé qu'à elle, alors ça fait bizarre de voir mon meilleur ami dans mon nouveau monde.

- Ta mère s'inquiète, Shan. Tu n'as même pas repris contact avec elle comme je te l'avais dit. Vraiment, elle s'en bouffe la santé.

Je déteste décevoir et faire du mal à ma mère... je lui en ai déjà fait assez comme ça par le passé. J'ai la gorge nouée en pensant à elle, à sa longue chevelure argentée et à son visage semblable au mien. Tout ce stress, ce chagrin, ne sont pas bons pour elle, à son âge, et pourtant, je ne fais rien pour la soulager un peu de ce poids.

Je ne suis vraiment qu'un gros connard.

Tomo a souvent fait des aller-retour entre chez ma mère et Detroit, où il habite. Il a pris le rôle du fils et du protecteur. Il a fait ce que je n'ai pas été foutu de faire. Il l'a même invité à plusieurs reprises chez lui, s'est occupé des papiers avec elle, s'est occupé de sa maison et des nôtres. Et je sais déja qu'il ne demandera jamais rien en retour.

- Je suis désolé de t'avoir foutu tout ça sur le dos... C'était pas à toi de t'en occuper.

- Ca va, t'inquiète. Mais va la voir, ou appelle-la. Elle sera contente que tu lui dises toi-même que ça va, et ce que tu fais.

Je hoche la tête. J'ai déjà essayé de l'appeler, mais je n'ai jamais eu les couilles d'aller jusqu'au bout, et plus le temps passe, plus j'ai peur. Elle a mille raisons de m'en vouloir et d'être en colère contre moi, et je ne sais pas si je pourrais assumer cette engueulade.

A l'hôtel, Tomo pose ses affaires et va prendre une douche pendant que je range ma propre chambre, envoyant mes vêtements propres dans l'armoire et les tasses de café près de la cafetière. Puis, couché sur le lit, j'envoie un message à Jai, qui me dit qu'elle fait une soirée films d'horreur avec Cyan, comme souvent.

J'ai le bas-ventre en feu, et je repense au contact de mes doigts sur sa peau meurtrie, au contact des siens sur la mienne, à ses effleurements doux et pressés, comme si j'étais la plus belle chose qu'elle ait jamais vu.

- Alors c'est dans ce trou que tu te caches depuis tout ce temps?

Tomo est de retour, les cheveux attachés, vêtu d'un t-shirt du groupe et d'un jeans. Je me rappelle qu'il était toujours le mieux habillé pour les interviews ou événements. Simple, mais bien. Jared et moi étions en concours permanent pour savoir lequel des deux serait le plus ridicule.

Il m'a battu à plates coutures. C'était le roi du pire pantalon, ou encore du sandales/chaussettes. Merci à Alessandro Michele et ses collections Gucci qu'il a dût créer sous LSD avec Jared.

- Hmm.

- C'est à qui ces vêtements de meuf?

- T'es obligé de regarder partout comme si t'étais un foutu raton-laveur?

- Oui.

Il éclate de rire et s'affale à côté de moi, les bras derrière la tête. Il baille à s'en décrocher la mâchoire, et prend l'oreiller pour se couvrir le visage avec.

- Je suis tellement mort, putain... Mec, même l'oreiller sent la meuf! Je veux tout savoir!

- Va te faire foutre et dors, Tommy.

Dix minutes plus tard, il ronfle dans mon lit. Je m'ennuie ferme, harcelé par tous les souvenirs des dernières années. Tous ces voyages, ces rires, ces conneries, ces moments sur scène et dans le Lab... Ca pourrait très bien dater d'une éternité ou appartenir à quelqu'un d'autre.

Au fond, peu importe, parce que Tomo est ici, avec moi.

Course Contre La VieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant