Bonus 11 [Jai]:

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Entre tous les jeux vidéos de Shan, je trouve quelques vieilles cassettes et des DVD, à priori gravés. A la base, je cherchais GTA, mais la curiosité prend le dessus.

De toute façon, il ne reviendra pas tout de suite, occupé à faire les courses avec sa mère.

Je galère mille ans pour brancher son lecteur VHS vieux comme le monde, et insère la cassette sans titre. Sur la télé écran plat, la qualité est terrible. J'ai soudainement l'impression d'assister à quelque chose de privé quand un petit garçon aux cheveux mal coupés rit, ébahi, devant son gâteau d'anniversaire, un petit chapeau sur la tête.

Bébé Shannon, il y a quarante-quatre ans.

Je souris comme une idiote, plutôt émue en voyant des scènes de son enfance, et de son lien avec Jared et Constance. Les deux frères sont pratiquement toujours ensemble, déguisés et jouant, souriants, dehors ou dans une maison plutôt délabrée.

Je comprends comment ils ont pu vouloir s'en sortir et tirer leur mère avec eux. Ils sont incroyable.

Je vois Shannon grandir, changer, et passer du petit garçon souriant et plein de vie à cet adolescent renfermé et timide, pas à l'aise. Sous mes yeux, sous la cassette qui tourne, je le vois s'effriter sans rien en laisser paraitre.

Mon coeur se serre. Et comme la cassette se termine, je passe en revue les CD gravés. La plupart portent des titres comme mariage Tomo & Vicki, anniversaire maman, le LAB, live à Paris... Mais le dernier porte seulement un coeur au marqueur noir.

Merde, et si c'était un reste de relation avec une de ses ex? Ou sa sextape secrète?

La porte d'entrée claque et Shan pose son casque sur le petit banc en bois avant de venir, tout en retirant son t-shirt pour se frotter le ventre et les aisselles avec avant de le jeter sur un fauteuil.

- Mais quel dégueulasse, ricané-je.

Avant même que j'aie pu fuir, il m'attrape et me serre contre lui. J'aime bien son côté nounours, toujours à serrer tout et tout le monde contre lui.

- Sens, je pue, dit-il en me fourrant le visage sous son bras.

Il hurle de rire quand je le repousse, m'essuyant le visage, qui a baigné dans le lac dégueu de ses dessous de bras. Je lui jette un coussin pour faire bonne mesure, et lui fait un doigt d'honneur, qu'il me rend sans même sourciller.

- OH, mon film porno russe! Tu l'a retrouvé!

Je lui jette un regard pendant qu'il s'affale sur le canapé, le torse toujours humide.

- T'as allumé le VHS?

- Je voulais jouer à la Xbox, mais j'ai trouvé une cassette, alors j'ai regardé.

- Et celui-là?

- Pas encore, je me demandais si c'était toi en train de faire l'hélicobite.

- Nan, celui-là je te l'enverrai... Je crois que c'est ma mère qui a fait ce DVD pour Noël. Je me rappelle pas de ce que c'est.

Je le regarde allumer le lecteur DVD et fermer le store de la grande fenêtre puis s'affaler de nouveau, un bras derrière la tête et l'autre main dans le pantalon. Un mec, quoi.

Le DVD n'est qu'une suite d'image sur une année. Constance a photographié ses fils à chaque occasion pour faire ça! Ils sourient, se concentrent, jouent, sont dans une piscine, au cinéma, sur scène. A chaque fois, ils sont collés.

- Ooooh non, j'avais oublié cette photo!

Il met pause quand même, et je ricane en le voyant dormir en serrant Jared dans ses bras, comme si c'était sa copine.

- Tu devais être bourré.

- Probablement, parce que j'ai arrêté de partager mon lit avec Jared quand il a eu dix ans.

Il soupire et on termine le DVD, qu'il laisse dans le lecteur après avoir éteint la télé. Je sens le poids qui pèse sur ses épaules et la tension qui émane de lui.

- J'ai toujours été super proche de J. Déjà parce que c'est mon frère, hein, mais j'avais aussi l'impression de devoir être l'homme de la maison. J'étais le plus vieux, et le deuxième mariage de ma mère, avec l'homme qui nous a adopté, Carl, n'a pas tenu longtemps...

Il m'attire à lui et se couche, me retenant contre son ventre, contre sa chaleur et sa peur. C'est toujours un calvaire pour Shan, quand il s'agit de se confier.

- Je faisais le maximum pour lui, j'étais toujours là. Et il me le rendait bien, puisque je pouvais compter sur lui pour tout... mais c'était trop dur à porter, c'était pas mon rôle d'être chef de famille.

Il souffle et se tait, je sais qu'il ne dira plus rien, mais je suis contente même s'il parvient à lâcher une seule phrase. Et il se réveille de sa micro-sieste alors que je lis sur mon téléphone.

- Qu'est-ce que... Attends, cette meuf pense vraiment que je peux éjaculer et la prendre une deuxième et une troisième fois?

J'éclate de rire quand il s'empare de mon téléphone, sidéré.

- Putain, mais je suis une érection en sueur sur pattes, c'est quoi leur problème?!

- Laisse-les rêver un peu, dis-je, hilare. Laisse-les te prendre pour une pornstar.

- Elles sont probablement vierges, ou elle n'ont jamais baisé avec un homme qui pourrait être leur père.

- Si cru dans tes paroles, daddy.

- Ca me choque complètement leurs fanfictions, bordel. Déjà, un, on continue pas à bander après avoir joui. Et de deux, un mec près de la cinquantaine ne peut pas passer la nuit à baiser.

- Bon, c'est bon là?

- Oui.

Le soir venu, Shan est reparti dans son petit monde, assis sur la terrasse en bois, un café à la main et le regard perdu dans le vague. La télé affiche Minecraft, pour le moment en pause. Je hais quand il ressent ce besoin impérial d'être seul. Je me sens inutile, de trop, pas assez.

Je ne l'approche pas, ne le touche pas. Je me fais juste petite, m'occupe de mes affaires, tout en lui faisant savoir d'un regard que je suis là, prête à encaisser.

Et c'est uniquement tard dans la nuit qu'il se blottit contre moi, sa douleur irradiant jusque dans ma chair et mes os.

- Il me manque, bordel. Il me manque tellement.

Course Contre La VieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant