Chapitre 75 [Shannon]:

110 9 0
                                    

- Ca va, tu t'amuses bien?

Je croise le regard de Jai, dans le miroir, et elle rougit. Ca fait cinq bonnes minutes que je l'observe imiter le moindre de mes mouvements, alors que je me rase.

- Ouais, pas mal, ricane-t-elle. Et toi, tu cherches quoi? A te peler comme un oignon? Ca fait cinq minutes que tu te rases au même endroit!

Je grimace, elle me fait un doigt d'honneur, et je saisis vivement une poignée de mousse à raser pour la lui étaler sur le front. Elle grogne de dépit et passe ses bras autour de ma taille pour s'essuyer sur mon dos.

- Nope, dis-je en retirant ses mains de mon bas-ventre.

- Depuis quand tu refuses de jouer?

- Tu sais très bien comment ça va se terminer, alors laisse-moi au moins le temps de me raser.

Je pose quand même mon rasoir, juste au cas où, le temps de me contrôler. Elle entre dans la douche et fait exprès de se laver à grands gestes pour m'envoyer de l'eau dessus, juste pour m'emmerder.

On a l'air de gros gamins.

Je pourrais très bien la rejoindre malgré le fait que j'en sorte, et la prendre... mais merde, quoi. Ca fait plusieurs jours qu'on n'utilise plus de préservatifs, et j'ai quand même la trouille de la mettre enceinte.

Alors direction le supermarché, même si je préfère ne pas avoir un bout de latex sur la queue.

- Cyan arrive à quelle heure?

- Dix-huit heures trente. Tu peux me passer un autre shampooing? Celui-là est étrangement vide.

J'étouffe un rire sous son ton sarcastique. Etrange, oui. On a fait le plus gros bain moussant de tous les temps, la veille, et il y en avait PARTOUT dans la salle de bain. Ça nous a pris des heures de nettoyer soixante minutes de rigolade.

Au supermarché, je laisse Jai gérer la liste et je m'accoude au chariot pour répondre à Travis, qui m'annonce que les travaux démarreront lundi.

Caché par un large chapeau, des solaires et une veste, j'espère passer incognito. Je déteste vraiment qu'on expose ma vie privée sur le net. Ca me mets déjà assez mal à l'aise d'imaginer que je suis sur le fond d'écran d'inconnues.

- Je veux du beurre de cacahuète. T'as tout mangé. Et de la confiture de framboises.

- Pardon? Dit-elle, outrée. C'est pas moi qui me fait des méga-sandwichs confiture et beurre de cacahuète à quatre heures du matin!

- C'est un bon remontant après...

Elle plaque une main sur ma bouche alors qu'une famille passe à côté de nous. Les gamins avaient pourtant l'air intéressé par notre conversation.

J'adore mettre mal à l'aise les gens, en public... mais ça ne marche pas avec Jai. Elle est ouverte à tous les débats et sujets.

Je suis excité à l'idée de voir l'avancée de mon coffeeshop, à mon retour. Mais j'ai encore à trouver deux employés de confiance, avant l'ouverture, qui ne sera pas avant début mai.

- Tu viens avec moi à L.A?

- Je ne peux pas quitter mon job comme ça, Shan. Ça m'a déjà fait assez chier de les laisser en plan cette semaine. Et puis, il me faut mon visa, un billet... Bref. Tu sais comment je suis avec toutes ces foutues formalités.

Oui, je sais. Si elle ne s'y colle pas dans l'immédiat, Jai ne complète jamais ses papiers, ou si elle le fait, oublie de les renvoyer.

Elle n'accepte jamais mon argent, et se sent gênée si j'en dépense pour elle... mais je suis riche, et ça ne me pose aucun problème de dépenser de l'argent pour mes proches. Elle n'a rien d'une femme vénale.

Et je ne vais pas la laisser claquer un salaire durement gagné pour acheter un billet d'avion affreusement cher pour ses revenus. Elle a déjà trop de choses à payer.

Je la regarde empiler méthodiquement les achats dans le frigo, soucieuse du détail, alors qu'elle balancera très probablement un yaourt en trop n'importe comment après son prochain repas.

C'est là que cette idée me vient, et qu'elle ne me quitte plus. Je pourrais l'avoir auprès de moi, et elle pourrait avoir un salaire, puisqu'elle ne veut pas rester à la maison.

- Viens avec moi. Tu pourras bosser au café avec moi. Je vais y bosser aussi.

- Tu seras donc mon patron, Shan, et j'ai déjà fait des choses dégueulasses, mais j'ai jamais couché avec mon patron.

- Je ne serai pas ton patron, mais ton associé. Ca sera bien plus simple, maintenant que j'y pense. On sera en roulement avec l'autre équipe.

Je ne sais pas d'où je sors tout ça. Je suis comme un gamin qui fait des plans sur la comète. Jai rigolait quand elle disait que je pouvais l'employer, mais pas moi. A vrai dire, ça me facilite la tâche de prendre cette excuse.

- Ton associée? Ricane-t-elle froidement. Personne d'autre que nous ne le verra comme ça. Dès l'ouverture de ton café, tu auras des tas de fans en chaleur qui se prosterneront à tes pieds... sans compter les rumeurs... et ta mère...

Quand Jai s'énerve, elle se met à tourner en rond et à faire compulsivement le ménage, même si tout est propre. Je l'attire contre moi pour la calmer, un sourire victorieux sur le visage.

- Serais-tu jalouse, par hasard?

Mon index sous son menton pour qu'elle lève la tête, je croise son regard fuyant. Elle cligne des yeux. Le temps s'étire entre nous.

- Oui.

Mon coeur fait un bond dans ma poitrine. Jai, jalouse? Sa sincérité me touche plus que ça ne le devrait.

- Si... Ecoute, Shan. Si on doit être ensemble, je te fais confiance. Tu peux parler avec des filles, rire et tout... mais tu sais où sont les limites. Pas la peine de trouver une excuse, si tu les dépasses, c'est terminé. Et c'est pareil pour moi.

- Ok.

Course Contre La VieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant