Chapitre 109 [Shannon]:

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- De quoi tu as peur? Demande-t-elle en s'éloignant.

Jai refuse de croiser mon regard, elle passe un coup de chiffon sur le comptoir et vérifie la propreté des machines avant de passer un coup de balai.

Qu'elle parte. Voilà de quoi j'ai peur. Qu'elle se rende compte qu'elle n'a aucun futur avec un homme si vieux que moi. Qu'elle me prive d'une vie de famille. De replonger.

Elle soupire et vient s'asseoir sur la table à côté de celle où je suis assis

- Arrête de penser que... à tout ça, ok? Je ne partirai pas avec quelqu'un d'autre.

Je sais que je ne suis pas facile à cerner, et pas forcément facile à vivre... mais elle est assez forte pour me résister, non? On se cogne l'un à l'autre, on fait des étincelles, mais le courant passe entre nous. Aucun de nous se brise ou ne se fissure, au contact de l'autre. C'est le plus important, non?

- On est censé se faire confiance, Shan. Je t'ai dit que si je dépassais les limites, je m'en irai. Si tu les dépasses, je m'en irai aussi. C'est aussi simple que ça, et tu sais très bien que je ne cherche rien d'autre!

Elle lit en moi comme dans un livre. Ma mère dit que je ressemble à un gamin qui boude quand je ne suis pas d'accord.

Les yeux de Jai brillent de colère et de larmes, les bras croisés sur sa poitrine. Son ventre commence à apparaitre sous son tablier, j'ai encore du mal à me faire à l'idée que tout ça est réel. Que je vais vraiment avoir un enfant. Mais elle, elle sait que les ténèbres sont sous ses pieds, et que par cette occasion, elle tient une chance de s'en échapper.

D'y mettre enfin un terme.

Le café est presque désert toute la journée. Deux ou trois clients, quelques fans, rien de très excitant. J'en profite pour acheter un billet d'avion à destination de Shreveport, la ville avec l'aéroport le plus près de Bossier City, je n'aurai qu'à faire un court trajet et traverser la Red River pour y être.

Jai préfère tenir le café que venir. J'aurais aimé qu'elle voit la maison que j'ai en vue, qu'elle s'implique un peu plus que ça dans notre vie de couple... mais non. Distante, comme toujours.

- Viens par ici, murmuré-je en l'attrapant par la ceinture de son short.

Ce n'est qu'un short taillé dans un jeans à hauteur de genoux, mais c'est déjà un effort. Ses mollets ne sont pas trop marqués, juste quelques anciennes cicatrices fines et blanches.

Le bleu de ses iris me vrille. Pur. Clair. Fantôme des mots inexprimés. Puits de douleur sans fond.

Elle n'était qu'une gamine. Une vie qui n'aurait pas dût être. Et à cet âge si fragile qu'est la période des teenager, est-on vraiment capable d'encaisser tout ça sans se briser? Sans s'effondrer?

- Viens avec moi en Louisiane, soufflé-je contre ses lèvres. Je veux avoir ton avis.

Elle inspire profondément et enfouit son visage dans mon cou, emmêle ses doigts dans le bas de mon t-shirt et passe doucement ses doigts sur mon ventre en glissant sur la cicatrice que m'a laissée l'opération de l'apendicite.

- T'es prêt à me supporter?

- Je t'attacherai dans la cave, s'il le faut... Il y a un sous-sol aménagé pas mal, je pense pouvoir y jouer de la batterie.

L'heure de la fermeture approche quand je reçois un mms de Tomo, affalé sur mon canapé, les pieds sur la table basse, devant notre jeu de Xbox favoris.

Tominou 💖: je t'attends gros porc.

Shan: Va te faire. C'est TOI qui a changé ton nom de contact sur MON tel?

Tominou 💖: ça se peut 😂😂

Shan: Je vais te foutre la raclée du siècle mec! Prépare ton vieux cul de singe.

A la maison, je m'affale sur le canapé sans prendre de douche et me concentre sur la partie du jeu, parce que ça fait mille fois qu'on se fait tuer au même endroit, au même foutu moment.

- Ca va comment avec Jai... enfin, au lit? Demande soudainement Tomo.

Je recrache presque l'intégralité de mon verre tellement c'était soudain. Mon meilleur ami a les yeux rieurs, la barbe plus régulièrement taillée depuis qu'Aksel est né, et ses cheveux ont raccourcis. Je réprime un grognement et hausse les épaules. Je n'ai vraiment pas envie de lui confier quoi que ce soit sur ce sujet, ni sur ma peur.

- Nan, parce que moi, quand je voulais, Vicki ne voulait pas... et quand elle voulait, j'avais la trouille de faire mal.

Je grimace.

- Pas de détails, je t'en supplie.

J'entends Aksel pousser de petits gloussements depuis le jardin, où ma mère et Vicki sont installées. Ça grandit vite un bébé, et parfois, je me dis que je ne suis pas du tout prêt à en accueillir un dans ma vie. Je ne suis pas prêt à lui faire de la place, à passer des nuits blanches, à ce qu'il me prenne tout le temps que Jai me consacre d'habitude...

J'ai même peur d'être jaloux de mon propre enfant. D'être jaloux du fait qu'il me vole ma copine, qu'elle lui donne tout son amour à lui ou elle, et plus à moi.

Peut-être que c'est vraiment trop tôt. On aurait dût avoir plus de temps pour nous avant tout ça.

- C'est compliqué, dis-je finalement.

- T'as raison, décrète Tomo. J'ai entendu dire que si tu y allais trop fort, tu pouvais percer la poche des eaux, et même la mettre enceinte si c'est une fille.

- N'importe quoi, dis-je en frissonnant.

Je mets la partie sur pause et vais remplir nos verres à la cuisine, Jai fait la cuisine en fredonnant, ses cheveux humides de la douche.

- Et imagine, mec! Tu baises, et là, BOUM, tu sens la tête du bébé...

La pièce vacille dangeureusement...

Course Contre La VieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant