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.Maggy.

Deux heures du matin. La lune brillait encore dans le ciel étoilé. Une ambiance macabre régnait autour de la pièce. Le Bòkor avait l'air de flotter en lévitation au-dessus du vèvè de son pieristil. Il finit ses prières et ses incantations maléfiques, et nous tournoya autour, sept fois d'affilée ; afin de s'assurer que nous ne transportions pas avec nous, un tout autre esprit venant d'un "ko de sosyete " secrète, ou un point chaud venu lui voler ses dons de sorciers.

Rassuré, il nous offrit siège à Paul et moi depuis deux petites chaises en pailles, de style lakou. Paul avait convaincu le président de la Capital banque, Felix, un ancien camarade de classe de lui faire un dernier prêt d'un million de gourdes ; dont la moitié sera versée au sorcier, et l'autre partie pour la fête grandiose que je m'apprêterai à donner après l'acquisition de notre zombi . Sous de rudes condition, le prêt lui avait été accordé malgré le dépérissement de son compte et de ses actifs . Ce fut donc avec les pupilles totalement en transe, que le hougan longea sa main vers nous, afin de recevoir son magot....

Le Bòkor s'assit et fit signe à ses fidèles qui étaient toutes des jeunes femmes ,aux courbes généreuses à la peau noire café, de vider la pièce . Leur tenue était un ensemble de caraco rouge, décoré de foulards multicolores. Elles défilèrent l'une, après l'autre, en tirant une révérence solennelle au prêtre vaudou et au vèvè. Lorsque finalement, nous nous retrouvâmes seuls, il fit appel trois fois de suite au zombie, qui nous était destiné en prononçant son prénom.

- Edison ....Edison....Edison ! Tonna la voix rudimentaire du Bòkor..

-........

Le sorcier fit jouer ses yeux globuleux sur nous, puis déclara pour nous assurer.:

- E exkize oui, li on ti jan rebèl ... [euh désoler, il est un peu rebel]

Paul et moi, nous nous échangeâmes un regard perplexe. Le vaudouisant fit frapper son bâton sur le sol, et se leva en se dirigeant dans la pénombre de l'extravagante case porteur et témoin de secrets, l'une aussi macabre que l'autre. Vivement, nous entendîmes un cri strident qui se confondit sous des coups de fouets sanglants. Mon sang se glaça, je retins les mains de Paul dans la mienne. Après une où deux répétitions, il apparut enfin en tirant en laisse un homme noire, pieds et poings liés, bien bâtit, mesurant au moins 1,80 m; dans la catégorie d'un bétail humain corvéable à merci. Il était tout le contraire de Ricardo ! Un bon nègre, comme dirait nos pères français. Je me mis debout en face de lui, et doucement posai la paume de ma main sur son torse robuste! Je caressai du bout des doigts les lignes tracés de ses pectoraux, comme si c'était le tronc de notre mapou fétiche. J'eus un sourire hypnotique , face aux billets que je voyais défilé sous mes yeux en metavers...

- Paul...On le prend n'est-ce pas ?

- Bien sûr Maggy! Il n'y a pas à en redire.

Je me retournai vers le sorcier...

- Autres questions ! Contrairement à Ricardo, tu n'as pas eu recourt à un lwa! Comment pouvons-nous être sûrs qu'il possédera les mêmes capacités que lui...

Le houngan se mit à virevolter sur lui-même, en émettant des rires cinglants. Il dansa des pas de yanvalou-dos-bas et répondit comme montée par un loa, en singeant des gestes mystifiés dont lui seul en comprenaient les sens! Il déclara d'un ton solennel :

- Se grann Erzuli ki dezinyel ak tout kapasite pou refleri sa nou te pedi! Apres twa jou, bay pi bel resepsyon, nan kay nou, envite pi bel moun nou konnen, nan non rèn nou Erzulie ( C'est la grande Erzulie qui lui à désigner, apres trois jours donner une sompteuse receptions chez vous en son nom )

Je souris à l'écoute du mot festivité. J'en avais déjà les sens qui frétillait d'enthousiasme, surtout que l'idée de donner une belle cérémonie me flirtait l'esprit depuis un bon bout de temps! Paul et moi nous nous inclinâmes face aux volontés d'Erzuli..

Une odeur fétide embauma l'air. Je me pinçai les narines; des coups de tambours brisèrent le calme de mes tympans. Il nous tournoya trois fois de suite, et nous remis en main propre la laisse de notre nouvel possession. À cœur joie, nous échangeâmes un regard sulfureux et quittâmes le temple, en ayant après nous notre zombi porteur d'espoir....

Nous arrivâmes au domaine endormie et rapidement nous nous rendimes au jardin, jusqu'au Mapou où les rayons de la lune éclairait vigoureusement le feuillage du seul arbre encore résistant de nos ruines; le chant des bestioles de la nuit se répercutait à travers nos tympans distraits par notre nouvel jouissance. Une recèle qui nous apportera abondance en tout temps. Je m'agenouillai un instant et baisai le sol en reconnaissance à Erzulie...

Paul lui attribua quelques paires de gifles cinglantes, à travers l'air glacial de la nuit! Il se mit à bredouiller des mots incohérents que nous y pretâmes pas attention. Le regard vague, les poignées liés ,son visage se laissait saccager par les kout chaplet de mon époux. Les mains liées, en forme de prière autour de la bouche, mes iris observaient passionnément la scène glacial, jusqu'à ce que saoulé, il tomba sur le sol...

- Je crois qu'il est suffisamment saoulé ! Allons l'enfermer dans la chambre à Ricardo. Dis-je

Paul s'exécuta, se baissa, afin de le relever. Mais, au juste moment, le zombi bougea, ce qui provoqua un mouvement de recul de notre part. J'encourageai mon époux, à aller vers lui d'un égard vaillant. D'une force brutale, il releva le gaillard et resserra la corde qui emprisonnait ses poings. Tout se déroulait bien, docilement notre esclave se mit à suivre nos pas, lorsque de façon inattendue, le lémure refusa d'avancer ; en dépit des insistances de Paul.

- Avance ! Cria Paul

Il resta immobile...

- Avance j'ai dit! Se répéta-t-il

Au lieu d'obtempérer, il se mit à ânonner un libellé insignifiant, avant qu'il n'échappe aux mains de Paul, en courant dans tout les sens, comme un attardé fou en bafouillant pour lui même. Les pupilles hagards, dans le vide, les lèvres entreouvertes il vacillait incontrôlablement. Mes cheveux se dressèrent sur ma tête, j'eus la chaire de poul..Effrayé, je manifestai ma peur.

- Paul, ramenons-le chez le hougan ...

- Tu es prête à refaire trois heures de route ? Allons Maggy ne sois pas si poltronne. Le prêtre à dit, qu'il était un peu rebel...

- Dans ce cas fais quelque chose! Contrôle le..

Les yeux de mon mari se mirent en plein calcul, alors que notre revenant, continuait à marquer des jalons incongrus. Précipitamment, comme un taureau il me cibla et fonça ses enjambés sur moi! Prise de panique, je restai figée en tremblant comme une feuille, prête même à me faire dessus. Cependant, de manière inattendue, Paul saisit un morceau de  playwood trouvé aux hasard et le cogna contre son crâne ! Il s'écroula immédiatement à nos pieds....

- Tu crois qu'il est ....

Mon mari essoufflé, jeta un vague regard sur le corps inerte, étendu sur le sol...

- Non Maggy, il respire toujours...Aides-moi à le relever, nous allons l'attacher. Dit-il essouffler

Aussitôt dit, aussitôt exécuter. Avec difficulté, nous réussîmes à le transporter, jusqu'à la petite chambre et à emprisonner ses bras et ses jambes, d'une chaîne cadenassé et rattachée à la tête de lit. Nous refermâmes doucement, la porte derrière nous, et nous nous rendîmes au salon. Je nous servis un verre de champagne et m'assis sur ses genoux...

- Dans trois jours nous donnerons une cérémonie exceptionnelle! Enchaînai-je.

- Je sais que tu adores préparer des festivités ! Je compte sur toi pour qu'elle soit magnifique...

- Au nom d'Erzulie, elle le sera.

Nous trinquâmes, je l'embrassai. Sa réponse à mon baise fut peu réceptive, il était fatigué, d'avoir autant lutté contre ce santor de la savane. Je lui souris tout de même ...

- Santé mon amour, à notre amour et à Erzulie ! Clamai-je haut et fort.

- À Erzulie! Fit-il ...

Zombie en Fièvre...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant