FAUT PAS QUE T'OUBLIES | MEKRA

2. Bonus

ELLA LOMBARD

28 Novembre 2011

Sa tête se balance en arrière quand le mélange vient s'étaler sur mon teeshirt, me faisant grimacer. Mon regard passe de mon teeshirt —blanc au passage— à ma grand-mère, puis de ma grand-mère à mon teeshirt blanc. Mes bras viennent trouver le long de mon corps, et je reste de longues secondes dans cette position sans réellement bouger.

-Stop. Me dit-elle. On va stopper les dégâts tout de suite. Rajoute-t-elle en ricanant. Va te changer, je prépare les poêles. M'indique-t-elle en me poussant en dehors de la cuisine.

Je souffle bruyamment avant de rejoindre ma chambre où je retrouve Zam' couché sur mon lit. Je soulève mon teeshirt tout en ouvrant mon armoire, je prends le premier teeshirt que je touche et je l'enfile aussitôt. Une odeur familière me monte aux narines et j'observe rapidement mon reflet dans le miroir de ma chambre avant de sourire faiblement. Faiblement parce que j'peux pas sourire grandement à sa pensée. J'ai revu pratiquement tout l'monde depuis son anniversaire catastrophique où on a tous fini en garde à vue, tout l'monde sauf lui. Je lui en veux toujours autant et j'estime que ce n'est pas à moi de faire un pas vers lui. Mais même si je lui en veux, mes sentiments eux, sont toujours là. Je lance un dernier regard en direction de Zam' avant de retrouver ma grand-mère dans la cuisine, devant la gazinière en train de faire chauffer les poêles à crêpes.

-Je comprends mieux pourquoi tu as mis autant d'temps à changer un stupide teeshirt. Me lance-t-elle quand je viens me mettre à ses côtés.

-Et pourquoi j'ai mis autant de temps ? Lui demandais-je les sourcils légèrement froncés.

Le regard qu'elle pose sur moi la seconde d'après, il veut tout dire. Parce que je n'ai jamais eu le besoin de parler avec elle, pour qu'elle me comprenne. Un simple regard suffit, depuis toujours.

-Ça. Me dit-elle en saisissant le saladier et en y trempant la louche dedans. J'en sais rien du tout, mais ton teeshirt, tu la choisis avec soin. Ajoute-t-elle en étalant de l'huile dans la poêle avec du sopalin.

-C'était le premier sur la pile Mamie. Lui dis-je en prenant de la pâte à crêpes dans la louche.

-Peu importe, ce teeshirt à une importance particulière pour toi, et ça, tu n'peux pas dire le contraire. Renchérit-elle.

J'aimerais le faire pourtant. Mais nier ce qu'elle dit, en effet, ça serait mentir. Ce teeshirt ce n'est pas n'importe lequel, puisque c'est celui d'Hakim. Plus précisément celui qu'il m'avait passé le jour où nous sommes partis en vacances tous ensembles pour la première fois. J'avais même jurée lui rendre, pour le moment je n'en avais pas envie, je lui rendrais, mais pas tout de suite c'est tout.

-Bon, on les fait ces crêpes ? Lançais-je pour changer de sujet rapidement.

-Tu sais. Commence-t-elle en saisissant la louche remplie de pâte à crêpes. Tu peux bien me dire ce qui te chante. Souffle-t-elle en versant la pâte dans une première poêle. Si toi tu ne l'as toujours pas remarqué, moi je t'assure que je sais parfaitement que vous deux. Lance-t-elle d'un geste de la main. Vous finirez ensemble. Conclue-t-elle en versant la pâte dans la deuxième poêle.

Je reste accoudée au plan de travail sans lui répondre, je l'observe simplement. Je cherche quelque chose à lui répondre, la vérité c'est que j'ai tout bonnement rien à lui répondre. De toute façon je me sens toujours bête face à elle, elle a toujours les bons mots —du moins ceux qui te touchent suffisamment— pour savoir où ça fait mal.

-Qui ça "nous deux" ? L'imitais-je. Tu parles de qui là ?

Et j'ai juste le temps de la voir prendre son torchon qu'il ne tarde pas à venir frapper mon bras. Je me recule légèrement avant de relever la tête vers ma grand-mère les sourcils froncés et le regard dur.