56. Chocolat chaud ?

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ELLA LOMBARD

19 Novembre 2013

-Tu veux que j'te fasse quelque chose à manger avant que je parte ?

Je secouais la tête de droite à gauche avant de lui faire signe pour lui souhaiter une bonne journée. Un mois, cinq semaines, trente jours, sept cent trente heures, quarante-trois-mille-huit-cents minutes, et deux millions six cent vingt-neuf mille huit cents secondes. C'est le temps qui est passé depuis que je l'ai annoncé à Hakim. Ce même jour où j'ai fait trois valises, le nombre que j'en possédais chez moi, j'ai remplies ces valises de vêtements et de quoi vivre un bon moment. J'ai pris également Zam', sa laisse, de quoi le nourrir et je suis partie. J'ai quitté mon appartement et je n'y suis pas retournée depuis un mois. Un mois c'est long, il se passe énormément de choses en un mois. En un mois j'ai dû faire des centaines de milliers de pas, entre les aller-retour du canapé à la cuisine, puis à la salle de bain, pour finir par la chambre d'amis. Effectivement un mois, c'est long, extrêmement long. Encore plus quand ce qui rythmait votre vie s'arrête, je ne sors plus Zam', du moins ce n'est pas moi qui le fait.

Je ne vais plus au travail, je travaille de l'appartement en visioconférence. Je ne vis plus, je survie, je m'alimente parce que je n'ai pas le choix parce que je ne suis plus seule, mais je ne prends aucuns plaisirs à me nourrir. Mon téléphone doit recevoir vingt appels par jour multipliez-le par dix environ, ça fait deux cent par jour, fois trente, j'ai environ six-mille notifications sur mon téléphone. Je n'ai rien ouvert, je l'ai fait au début, puis quand j'ai vu la charge mentale que ça impliquait j'ai laissé tomber.

Je n'ai pas le souvenir d'être tombée si bas, même lorsque mes grands-parents sont décédés je n'ai pas réagis de la sorte. Certains diront certainement que je suis dans l'abus, et qu'on ne peut pas vivre enfermé toute sa vie, qu'on ne peut pas se cacher éternellement non plus. Et je m'en fou un peu de ce que "certains" peuvent penser, parce qu'ils ne sont pas à ma place et qu'ils ne peuvent pas comprendre ce que je peux vivre ou juste ressentir. Ma seule sortie se résume à quelques heures par jour sur le balcon, sauf quand il pleut je me contente de regarder le monde tourner de ma fenêtre.

Mon ventre commence doucement à se montrer, mais si je venais à sortir dans la rue les gens penseraient simplement que c'est de la graisse, rien de plus. Les paquets de cookies se sont longtemps enchaînés, puis un jour j'ai tout simplement arrêté, je ne voulais plus pleurer sur mon sort. Je n'avais pas envie de devenir une loque qui passait ses journées à ne rien faire, ce n'était pas vraiment moi, même si c'est ce que je commençais à devenir tout doucement.

J'avais longuement pleurée, heureusement je n'étais pas seule et j'avais eu des bras pour me réconforter, et des mots pour me rassurer. Mais malgré toute la bienveillance qu'on m'accordait, la douleur elle, elle était toujours là. Et malheureusement elle n'avait pas l'air de vouloir partir. Pour la énième fois depuis des semaines mon téléphone vibrait, je tournais vaguement la tête vers celui-ci avant d'apercevoir une notification qui attirait immédiatement mon attention. C'était un message, celui d'Hakim.

"Préviens au moins les autres que tu vas bien".

Puis la seconde d'après mon téléphone vibrait une seconde fois.

"Je sais que tu vois les messages et que tu entends les appels".

Le téléphone en main je le déverrouillais avant de voir une troisième notifications apparaître en haut de l'écran.

"Fais-le pour eux Omri".

Et nous étions repartis pour une nouvelle crise de larmes, je balançais rageusement mon téléphone à travers la pièce. Zam' me sautait rapidement dessus avant de se coucher sur mes jambes.

FAUT PAS QUE T'OUBLIES | MEKRAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant