Chapitre 35

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Le beffroi n'était pas difficile à trouver. Il s'élevait haut dans le ciel, surplombant les habitations, presque au centre de la ville. Je me fondis du mieux que je pouvais dans la masse. Je ne connaissais d'Insomnia que bien peu de choses, pour ne pas dire rien. L'inconvénient d'y avoir passé une paire d'années, mais sans quitter mon recoin du palais.

Je me trompais quelques fois de chemin, mais je me trouvais devant le beffroi environ trente minutes après être entrée. Enfin, c'était ce que j'estimais.

Je fis mine d'admirer l'architecture tout en cherchant Clarus des yeux. Un foulard rouge, pensai-je. C'était sur ça que je devais me focaliser. Je paniquai presque en ne le trouvant pas. Pourtant j'avais vu Cor envoyer un message un peu avant notre arrivée...

.

Assis sur un banc. Un homme vêtu d'un pantalon en toile gris, d'une veste en tweed, d'un chapeau. Et d'un foulard rouge foncé. Il lisait un journal. Ou faisait semblant.

J'allai prendre place à côté de lui.


C'était ce qu'il demandait toujours lorsqu'il venait me voir. Tous les mois depuis trois ans. Inlassablement. « L'ombre du monde » faisait référence au mur d'enceinte du palais contre lequel se situait ma dépendance, faisant profiter la cour de son ombre une partie de la journée.

— à l'ombre ou au soleil, rien ne change, répondis-je doucement.

C'était aussi ce que je lui répondais toujours.

Il releva un peu la tête de son journal et je vis l'éclat de son œil. Même juste de profil il avait l'air plus fatigué qu'avant.

Il replia son journal et se releva prestement, une petite sacoche à la main. Je le suivis alors qu'il longeait le beffroi et s'aventurai dans une ruelle ombragée. Il bifurqua à gauche, dans un passage étroit. Les murs étaient dépourvus de fenêtre et je ne voyais pas de portes. L'endroit idéal quand on cherchait un coin discret.

Clarus s'assura que personne ne rôdait dans les parages avant d'ouvrir sa sacoche.

— Je suis content de voir que tu vas bien, murmura-t-il.

— Moi aussi, répondis-je. Je veux dire, je suis contente de voir que vous allez bien.

— Et les autres ?

Je le soupçonnais de ne pas vouloir prononcer de noms, au cas où.

— En forme. Tout va bien. Le bouclier est inébranlable et le bouquet s'épanouit.

Il rit, comprenant l'allusion à ses enfants.

Il me tendit trois carnets aux reliures en cuir noir. Ils étaient similaires. Je fus soulagée qu'il n'y ait pas un quelconque sceau dessus, comme il l'avait fait pour son propre carnet.

— Tu as pu..., hésita Clarus tapotant de l'index un carnet.

— Oui, je lui ai donné, le rassurai-je.

J'enroulai les carnets dans un pull que j'avais amené et fourrai le tout au fond de mon sac à dos.

— Il ne t'en fait pas trop baver ? s'enquit-il, une lueur espiègle dans les yeux.

— à peine, marmonnai-je.

Je désignai l'entaille sur mon bras qui cicatrisait tranquillement.

— C'est bien lui, sourit-il. Dois-je dire que je suis désolé de son comportement ?

À l'aube de ce mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant