Chapitre 90

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An 761, quatre ans et dix mois après Zegnautus

Hammerhead 


— Mais c'est pas possible, ils ne retiendront jamais la leçon, marmonnai-je en posant le téléphone qui venait de sonner sur la table.

Il était presque dix-sept heures et j'étais seule dans le mobil-home, en train de jeter un œil à l'inventaire du matériel médical que je devais compléter pour Ignis. Gladiolus n'était pas là ; il était sorti chasser le matin même et m'avait prévenu qu'il en aurait pour au moins deux jours.

Je savais que Prompto n'était pas là, sorti pour aller récupérer du matériel pour Cindy.

Ignis, lui, était du côté de Lestallum. Il s'occupait toujours de la logistique à Hammerhead, mais il avait tellement bien rodé la chose qu'il passait maintenant une partie de son temps à Lestallum pour faire sensiblement la même chose là-bas, secondé par Lunafreya lorsqu'elle était disponible. Iris se joignait aussi à eux et Ignis avait même commencé à l'entraîner un peu. Elle maniait l'épée, comme son frère, mais un modèle à une main. En l'absence d'Ignis à Lestallum, c'était Monica qui prenait en charge son travail. Il s'était rapidement fait une place dans la ville et était un renfort utile pour dispatcher les différentes équipes des filles de la centrale électrique qui œuvraient également à l'extérieur, pour la maintenance des immenses néons éloignant les daemons. Beaucoup de personnes comptaient sur lui, maintenant.

J'étais donc la seule du groupe à me trouver à Hammerhead. Or, j'avais besoin de sortir et je n'étais pas capable de le faire seule. Du moins, pas si je devais ramener des chasseurs, sauver leurs peaux et la mienne.

Car ma magie avait commencé à faiblir. Lentement, insidieusement, imperceptiblement. Mais les semaines, les mois, les années passaient, et je savais maintenant avec une certitude teintée d'amertume et de tristesse qu'elle n'était plus aussi puissante qu'avant. Je pouvais encore soigner sans aucun souci, mais mes boucliers perdaient en puissance. Et moi en endurance.

J'en avais parlé aux garçons. À demi-mot. Je ne voulais rien leur cacher, mais je ne souhaitais pas non plus qu'ils me surveillent du coin de l'œil et me voient faiblir mois après mois. Et puis, j'avais décidé de ne plus chasser du tout. Et, ça, ils finiraient bien par s'en rendre compte.

Les téléphones et le bipper fourrés dans les poches, mes fourreaux et mes couteaux à mes cuisses, je sautais dehors, balayant le parking des yeux. Il était presque désert. Je repérai tout de même Dominik un peu plus loin et me hâtai vers lui.


**


— Vous êtes vraiment impossibles, sifflai-je entre mes dents alors que je m'accroupissais à côté d'Hector.

Renan me regardait un peu de haut, l'œil torve. Il avait changé ces deux dernières années et il avait tendance à me mettre mal à l'aise. Pourtant il n'avait rien fait ni rien dit qui m'aurait heurté. C'était juste une mauvaise impression et j'essayais autant que possible de ne pas la faire ressortir dans mon comportement.

Il avait commencé à chasser avec Hector peu de temps après la première venue de celui-ci à Hammerhead, un an plus tôt. Renan ne chassait déjà plus avec Mason, que nous ne voyions presque plus, et il y avait eu un différend nébuleux entre Alaric et lui qui avait fait se séparer les deux chasseurs. Avec Hector, il formait un bon binôme, plutôt efficace et qui fonctionnait bien. Le seul bémol, et pas des moindres, c'était qu'ils avaient tous les deux tendances à avoir les yeux plus gros que le ventre – Iris m'avait appris beaucoup d'expression au cours des trois ans passés – et à foncer sur les problèmes. Même quand ceux-ci avaient des griffes et des crocs et promettaient de les déchiqueter.

À l'aube de ce mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant