À l'aube de ce monde

Chapitre 85

An 756, un mois après Zegnautus

Hammerhead

Clarus était resté à Hammerhead pour donner un coup de main. Le soleil avait continué de briller de moins en moins longtemps, provoquant une agitation monstrueuse dans tout Éos. Les populations de chaque nation se regroupaient dans les plus grandes villes, trouvaient des solutions pour tenir éloignés les daemons, mettaient en place un grand réseau d'entraide.

Le soleil ne se levait plus du tout depuis une semaine. Nous étions continuellement plongés dans le noir, et la seule distinction qui subsistait de l'alternance jour et nuit, était que les Ténèbres étaient un peu moins denses durant les anciennes heures de jour. La vie était donc en train de s'adapter sur ce nouveau rythme, et tout le monde devait y mettre du sien.

Hammerhead avait beaucoup changé en l'espace de tout juste trois semaines, grâce aux efforts conjoints de nombre de chasseurs. La petite localité avait été entièrement grillagée, d'immenses poteaux électriques surmontés de puissants néons avaient été installés et restaient continuellement allumés, nous garantissant que les daemons gardaient leurs distances. Cid, Clarus et Gladiolus avaient installé des générateurs de secours. Deux autres mobil-homes, inhabités depuis quelque temps, avaient rejoint celui que je partageais toujours avec les garçons, et nous nous étions occupés avec Ignis et Prompto de leur donner un coup de neuf. J'avais donc appris à arracher du papier peint et à peindre ainsi qu'à monter des meubles, ce qui m'avait bien occupé l'esprit pendant plusieurs jours.

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Trois semaines plus tôt, après que les garçons furent revenus d'Insomnia bredouilles et que Bahamut ne m'ait pas laissé le rejoindre dans son plan, Clarus m'avait demandé de le suivre dehors. J'avais marché derrière lui en silence jusqu'à un recoin du parking un peu sombre. Avec son uniforme de garde royal, il se fondait presque totalement dans les ombres.

Nous avions parlé. De tout, de rien, de moi. De ce qui n'allait pas. Ayant du mal à trouver mes mots, Clarus m'avait alors aidée. Ensuite, les phrases s'étaient déversées de ma bouche en une incessante litanie et j'avais craché toute la rancœur que j'avais vis-à-vis de moi-même. Mes doutes, mes erreurs et mes manquements. J'avais dit à Clarus que le Cristal n'aurait jamais dû me choisir, qu'il s'était trompé dans le choix de son Gardien. Que je n'étais ni assez forte, ni assez déterminée, et encore moins assez rusée pour avoir ce rôle. Je lui avais confié, en détournant les yeux, que j'avais eu la sensation de trouver ma place au cours des dernières semaines, que j'avais accepté qui j'étais et ce que j'étais, et que, maintenant, je sentais tout s'écrouler. J'étais en train de perdre tout ce que j'avais, tout ce que j'étais, tout ce qui faisait que je n'étais plus une enfant crainte et enfermée dans une cave. Je n'avais pas réussi à protéger le Cristal d'Ardyn. J'avais laissé Noctis être englouti par celui-ci sans savoir ce que le Dragonéen lui réservait. Le lien avec le Cristal était en train de disparaître, je le savais. Bahamut me tournait le dos, d'une certaine façon. Je ne pourrai bientôt plus compter sur eux et, ce faisant, ma magie finirait certainement par faiblir. Qu'allais-je devenir si je ne pouvais plus assurer la fonction pour laquelle j'étais née et qui avait conditionné ma vie entière ?

Je crois qu'à ce moment-là je tentais de ne pas pleurer. Je devais être en train de fixer les étoiles pour ne pas croiser le regard de Clarus. Et, après un long silence, je lui avais avoué que je n'avais pas voulu faire en sorte de perdre la personne à laquelle je tenais le plus. Sauf que c'était bel et bien en train d'arriver. Clarus s'était rapproché de moi et avait posé une main légère sur mon épaule. Comme je ne bronchai pas, il avait serré un peu ses doigts et s'était placé à côté de moi de façon à entourer mes épaules de son bras. Je pleurais pour de bon, cette fois