À l'aube de ce monde

Chapitre 22

 — Un yojimbo, chuchota Ignis alors que la créature se matérialisait devant nous.

Le daemon avait l'apparence d'un guerrier en kimono, armé d'un sabre plus grand encore que Masamune. Il était d'ailleurs immense, dépassant allègrement Gladiolus et devant mesurer dans les deux mètres trente ou quarante. Sa peau avait une teinte gris violacé et ses mains étaient tellement sèches qu'elles ne paraissaient que composées d'os. Un grand chapeau recourbé couvrait sa tête sans qu'il suffise à masquer ses yeux malsains.

Noctis et Gladiolus avaient déjà invoqué leurs armes. J'eus tout juste le temps d'attraper les Volessences que le yojimbo attaquait, d'un large mouvement horizontal de son sabre. Noctis sauta en arrière pour reculer et je regrettai amèrement de ne pas avoir mes couteaux pour rester un peu plus à distance. Je me rapprochai d'Ignis et calquai mes mouvements sur les siens. Nos dagues faisaient pâle figure par rapport au sabre du daemon. Mais nous étions cinq contre un, nous avions au moins l'avantage du nombre et pouvions tenter de l'occuper pendant que l'un de nous le prenait à revers.

Prompto tira. Il manqua sa cible qui donnait l'impression de glisser sur le sol. Entre les balles et les lames qui s'entrechoquaient, il n'y avait pas un instant de répit. Le yojimbo était un combattant de valeur et, même à cinq, il était difficile de le toucher ou d'ouvrir une brèche dans la danse de ses mouvements. Toutefois, après un face-à-face acharné, Gladiolus réussit à dévier le sabre avec son bouclier. Prompto toucha le bras du daemon. Nous profitâmes de l'ouverture ainsi créée pour fondre sur lui, Ignis et Noctis visant les côtes tandis que moi, plus petite, je me concentrai sur la peau tendre du ventre. Notre proie gronda, furieuse d'être touchée. Je ne levai pas la tête, mais les gouttes de sang visqueux qui me tombèrent dessus attestèrent d'elles-mêmes qu'au moins l'un des garçons avait fait mouche. Quant à moi, l'une de mes dagues était plantée profondément dans le ventre du yojimbo, presque jusqu'à la garde. Je passai fébrilement la deuxième dague dans sa lanière de cuir pour attraper fermement des deux mains la poignée de la première. Sans réfléchir, je tranchais la peau, la chair et tout ce qui se présentait devant ma lame.

Le daemon émit un râle effroyable. Noctis recula et je l'imitai. Ignis resta en avant de nous, en position d'attaque, tout comme Gladiolus et Prompto qui n'avait cessé de le garder en joue. Le yojimbo tomba à genoux, tenta de se relever en prenant appui sur son sabre. Celui-ci glissa et grinça sur la pierre. Prompto tira à nouveau, près du cœur – si cette créature en possédait seulement un. Un autre râle, profond et sourd. Et le daemon lança une main osseuse en avant. Nous étions trop loin pour qu'il puisse nous atteindre et Gladiolus en profita pour lui assener un coup de bouclier à l'arrière du crâne. Je vis ses yeux s'écarquiller puis se plisser. Il tenta à nouveau de se mettre debout mais trébucha et tomba, s'étalant de tout son long.

Nous pensions que c'était fini. Enfin, moi, je le pensais en tout cas. J'essuyai ma dague sur mon short, bien que cela me dégoûte, et la remis à sa place. Noctis avait fait disparaître son épée, Prompto abaissé son arme. Seuls Ignis et Gladiolus regardaient d'un air circonspect notre adversaire. Il s'avéra qu'ils n'avaient pas tort puisque celui-ci se mit à tressaillir et ses membres à bouger de façon un peu anarchique.

Le bouclier de Gladiolus s'évapora puis il changea de position et invoqua Masamune. Je compris ce qu'il allait faire lorsqu'il leva haut son épée, l'air déterminé. Je détournai le regard.

— Juste pour être sûr, marmonna Gladiolus.

Lorsque je jetai un œil au corps du yojimbo sa tête se trouvait un peu plus loin, ses yeux devenant déjà vitreux. Au bout de quelques secondes il commença tout bonnement à s'envoler, chaque parcelle de son être devenant cendre.